
Marketing à l’ère du remote : vers une nouvelle culture de la performance
Le passage au travail à distance, longtemps perçu comme une mesure transitoire, s’est imposé comme une transformation structurelle du monde du travail. Pour les directions marketing, cette mutation reconfigure en profondeur les modes de pilotage, les attentes managériales, et la dynamique de collaboration. Figma, par sa culture hybride et distribuée, offre un cas d’école pour penser les nouvelles pratiques d’un marketing post-bureau.
Un changement de posture : de la supervision à la confiance
Avant la pandémie, Figma était majoritairement basé à San Francisco. Seuls quelques collaborateurs expérimentés étaient autorisés à travailler à distance. Mais lorsque le télétravail devient la norme, Dylan Field prend acte d’une réalité simple : le modèle n’est plus scalable. La transition n’est pas un choix culturel, mais une nécessité opérationnelle.
Le management marketing en mode remote impose un renversement de posture. Il ne s’agit plus de vérifier, mais de faire confiance. Le rôle du manager devient moins un superviseur qu’un facilitateur. Il doit créer les conditions d’un travail asynchrone efficace, poser des objectifs clairs, et accepter la diversité des rythmes et des modes de fonctionnement.
Repenser la performance : de la présence à l’impact
L’une des erreurs fréquentes dans le pilotage à distance consiste à vouloir répliquer à l’identique les rituels du bureau. Or, la distance impose un recentrage sur l’essentiel : les livrables, la qualité des analyses, la portée des actions.
Chez Figma, l’obsession pour le produit s’accompagne d’une discipline forte sur les résultats. Les équipes marketing sont évaluées non sur leur activité apparente, mais sur l’impact mesurable de leurs campagnes, leur capacité à générer de la croissance, à comprendre les signaux utilisateur, à animer la communauté.
Dans ce modèle, l’autonomie devient un critère central de recrutement. Les profils capables de s’auto-organiser, de documenter leurs processus et de collaborer de manière proactive sont privilégiés.
Une dynamique collective à reconstruire
Le risque majeur du travail distribué est l’isolement. Figma l’a anticipé en valorisant les espaces communautaires internes, en maintenant une fréquence élevée d’échanges formels et informels, et en s’appuyant sur des figures internes comme « culture carriers ». Ces derniers, souvent présents dès les débuts de l’entreprise, assurent la continuité culturelle entre les anciens et les nouveaux arrivants.
Pour les équipes marketing, cette cohésion est stratégique. Elle garantit une cohérence de message, une synchronisation des efforts, et un alignement autour des priorités de la marque. L’animation des équipes ne passe plus par la proximité physique, mais par des objectifs partagés, des canaux bien choisis et un rythme clair.
L’asymétrie des rythmes : vers une flexibilité intégrée
L’un des enseignements les plus marquants évoqués par Dylan Field concerne la diversité des rythmes de travail : certains collaborateurs commencent leur journée très tôt, d’autres très tard. Certains alternent périodes d’intense production et phases de retrait temporaire. Dans ce contexte, le rôle du marketing n’est plus d’imposer un tempo uniforme, mais d’organiser un cadre suffisamment clair pour permettre à chacun d’être efficace selon ses contraintes.
Cette flexibilité intégrée n’est pas synonyme de relâchement. Elle exige une rigueur nouvelle dans la définition des priorités, la formalisation des briefs, et la mise en commun des résultats.
Une vigilance accrue sur la santé mentale
Le remote crée une porosité inédite entre sphère professionnelle et sphère personnelle. Dylan Field souligne un paradoxe : les collaborateurs à distance peuvent parfois travailler plus dur que ceux présents au bureau, au risque de l’épuisement. Pour les équipes marketing, soumises à la pression des KPIs et à des cycles d’exécution rapides, le risque de burnout est réel.
Figma répond à ce défi en renforçant les temps de pause, en légitimant le droit à la déconnexion, et en formalisant des rituels d’évaluation continue du bien-être.
Une nouvelle culture du marketing
Au-delà de l’organisation, le remote redéfinit la nature même du marketing. Il devient plus analytique, plus collaboratif, plus centré sur l’utilisateur. Il repose sur des contenus mieux documentés, des campagnes moins événementielles, des stratégies mieux alignées sur les données.
Le bureau n’est plus le centre de gravité de la marque. C’est l’expérience, le produit, et la relation continue avec l’utilisateur qui prennent le relais.
Figma en offre un exemple cohérent : une entreprise qui a su transformer une contrainte logistique en avantage stratégique. Et qui rappelle, à sa manière, que le marketing commence toujours par un acte de compréhension — du marché, de l’utilisateur, mais aussi des équipes qui le construisent.