
Marketing B2B: pourquoi cibler les influenceurs métiers change la donne
Derrière le succès de Figma se cache une stratégie de go-to-market particulièrement fine : plutôt que de viser directement les décideurs ou les directions achat, Figma s’est imposé en adressant en priorité les utilisateurs finaux les plus influents dans l’organisation : les designers. Cette approche, fondée sur l’adoption par les praticiens eux-mêmes, redéfinit en profondeur le rôle des « influenceurs métiers » dans une stratégie produit B2B.
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Un canal d’adoption stratégique : l’utilisateur opérationnel
Lorsque Figma démarre, le marché du design est encore perçu comme une niche. Dylan Field lui-même l’admet : le design apparaissait comme un segment trop petit pour construire une entreprise à forte valorisation. Pourtant, en ciblant les designers — ces utilisateurs techniques, connectés, exigeants et communautaires — Figma accède à un levier de croissance organique massif.
Les designers partagent leurs outils, leurs fichiers, leurs méthodes. Ils sont à l’origine de bonnes pratiques qui circulent sur Twitter, YouTube, Discord ou Slack. Ils influencent les choix technologiques de leurs équipes, et parfois même ceux de leurs clients. En s’adressant à eux, Figma ne s’adresse pas seulement à des utilisateurs : il touche des prescripteurs.
Une logique d’évangélisation par la pratique
Figma n’a jamais eu besoin d’expliquer longuement sa proposition de valeur : celle-ci se manifeste par l’usage. En mettant gratuitement à disposition une version complète de son produit, l’entreprise permet aux designers de l’adopter librement, puis de le recommander. Chaque partage de fichier est une démonstration. Chaque tutoriel YouTube est une preuve sociale.
- La chaîne YouTube de Femke van Schoonhoven, centrée sur le design produit avec Figma, rassemble plus de 150 000 abonnés.
- « Figma Academy », créée par Dan Mall, forme des milliers de designers à travers un contenu pédagogique dérivé de leur propre usage du produit.
- Sur X (ex-Twitter), des threads techniques autour de Figma génèrent des dizaines de milliers d’impressions sans action de la marque.
La croissance n’est pas virale au sens marketing du terme, elle est professionnelle : elle se diffuse par les flux de travail, les recommandations métiers, les projets collaboratifs.
Le design comme cheval de Troie organisationnel
Une fois adopté par les designers, Figma entre dans l’organisation. Les product managers, les devs front-end, les responsables marketing, les clients eux-mêmes commencent à interagir avec les maquettes et prototypes. Sans friction, sans onboarding. C’est ainsi que la surface d’usage s’étend.
Ce phénomène crée une forme de dépendance progressive. Les équipes découvrent qu’elles collaborent mieux grâce à l’outil. Le ROI devient tangible, mesurable, visible. Et lorsqu’il s’agit de passer à un plan payant ou entreprise, la question ne se pose plus : le produit est déjà intégré dans les processus internes.
Figma applique ainsi une logique de product-led expansion, où le signal vient de l’adoption terrain, pas de la prospection top-down.
Une leçon pour le marketing B2B : cibler les faiseurs
Plutôt que de courtiser les directions générales, Figma a misé sur les faiseurs, les techniciens, les créateurs. C’est un renversement de perspective pour le marketing B2B traditionnel : l’influence ne vient plus du pouvoir hiérarchique, mais du réseau de pratiques.
Le produit devient un standard, non parce qu’il a été vendu, mais parce qu’il a été adopté. Dans un monde où les outils se multiplient, où les utilisateurs sont de plus en plus compétents et connectés, cette stratégie s’impose comme une évidence.