Médias et citoyens: neuf pistes pour rétablir la confiance
Par Cyrille Frank, fondateur de Mediaculture.fr
Journalistes et médias ne sont pas populaires ces derniers temps. Critiqués, bousculés, violentés, ils sont la cible des gilets jaunes, notamment. On leur reproche leur partialité, leur soumission aux pouvoirs politiques et économiques. Ce rejet vient de loin, mais il y a des pistes pour corriger le tir.
Les gilets jaunes, tout comme la vague de complotisme et de recherche de médias “alternatifs”, ne sont pas nés hier. Le doute s’est immiscé depuis longtemps.
Il est le fruit des nombreux mensonges et manipulations dont les citoyens ont été l’objet depuis la fin des années 80. Qu’on se rappelle le nuage de Tchernobyl opportunément stoppé à la frontière (1986), les faux charniers de Timisoara après la chute de Ceaucescu (1989), la guerre du Golfe “propre” de 1990 avec ses “frappes chirurgicales” mises en scène par CNN, la fiole de prétendu Anthrax agitée en 2003 à l’ONU par le général Powell pour justifier la 2e guerre d’Irak…
Comme dit Alain Souchon “on nous prend, faut pas déconner dès qu’on est né, pour des cons, alors qu’on est… des foules sentimentales”.
Dans ces exemples, les politiques ont utilisé les médias pour contrôler l’opinion, pour susciter son adhésion à la guerre, éviter des mouvements de panique, justifier l’exécution sommaire d’un couple de dictateurs infâmes. La question s’est posée d’une complicité avec le pouvoir politique, dès lors que CNN et les chaînes d’info à travers le monde diffusaient en boucle des images contrôlées soigneusement par les services d’information du gouvernement et l’armée américaine. Le vers était déjà dans le fruit.
La campagne de 2005 pour le référendum sur le traité européen a été un tournant sans doute dans la défiance d’une partie importante de la population vis à vis des médias. On y a vu un large déséquilibre dans le traitement de l’information qui a été perçu par les opposants au traité, comme une campagne déguisée pour le “oui”.
Pire, les grands médias dont Le Monde n’ont pas tenu compte du rejet du traité par les électeurs et ont cautionné son adoption malgré tout, en s’abstenant de critiquer la manoeuvre politique. Ce “déni démocratique” comme l’évoque Jean-François Kahn, a été ressenti comme un mépris profond des médias vis à vis du peuple, qui ne sait pas – le malheureux – ce qui est bon pour lui.
A ces précédents malencontreux s’est ajoutée la suspicion causée par la concentration progressive des médias entre les mains de quelques-uns. L’infographie du Monde diplomatique, remise à jour chaque année, a de quoi effrayer et donne le sentiment que les médias sont aux mains des puissances d’argent, comme sous le Second empire, si bien croqué par Maupassant dans Bel ami.
Un profond malaise socio-économique
La concentration d’une partie croissante des médias privés entre les mains d’une poignée de banques, de grandes entreprises ou d’hommes d’affaire est vraiment un mauvais signal, dans un contexte de rejet de la globalisation financière.
Pour les gilets jaunes, la promesse d’une mondialisation heureuse a été largement trahie. Non, les accords de libre échange, au premier rang desquels l’Union européenne, n’ont pas amélioré leur vie, comme le promettaient pourtant les politiques de droite et de gauche depuis 1983 et le fameux tournant de la rigueur. Depuis l’ouverture des marchés, la concurrence sur le travail (et l’automatisation) ont aussi conduit à une hausse du chômage en France, comme dans l’ensemble des pays les plus avancés sur le plan économique (ce, en l’absence d’une harmonisation fiscale en Europe qui fait qu’on se tire dans les pattes au lieu de coopérer).
Les médias traditionnels – la télévision en particulier ou Le Monde – se sont majoritairement rangés du côté du social-libéralisme, voire du libéralisme tout court. A l’image d’Eric Le Boucher, journaliste et chroniqueur économique au quotidien du soir entre 1983 et 2008, avant qu’il ne rejoigne les Echos et ne collabore au très libéral L’Opinion.
Une proximité suspecte entre politiques et journalistes
L’idée a pris corps progressivement d’une France à deux vitesses : celle d’une élite politico-médiatique urbaine, mondialiste, optimiste, technophile. Et celle d’une France rurale ou péri-urbaine, de niveau scolaire plus modeste, touchée par les délocalisations et la mécanisation et donc beaucoup moins européenne et optimiste face à la mondialisation.
La proximité apparente du monde politique et de l’élite journalistique est renforcée par le fait qu’ils sont issus quelquefois des mêmes écoles (plus de 15% des journalistes en 2013 – diplômés ou pas – étaient issus de Science-Po ou d’un IEP). Ils ont souvent lu les mêmes livres ou bâti leurs opinions sur les mêmes références…
Le profil des étudiants de l’ESJ Lille, l’école de journalisme la plus cotée de France, est bien celle de “1ers de la classe” du monde politique : “deux tiers des reçus détiennent un M1 ou un M2. Et 73 % ont obtenu la mention bien ou très bien au bac. Ils viennent en majorité d’un IEP (Institut d’études politiques), de formations universitaires d’histoire, de langues et de lettres”expliquait l’Etudiant en mai 2018.
Mais le pire est sans doute cette proximité qui s’affiche en télévision, entre quelques chroniqueurs “stars” et les politiques qu’ils fréquentent manifestement en dehors des plateaux, comme lors des fameux dîners du Siècle.
Sans parler des transfuges récurrents du journalisme en politique : Jean-Marie Cavada, Noël Mamère, Robert Ménard, Claude Sérillon, Laurence Haïm, Bruno-Roger Petit, Aude Lancelin… qui semblent confirmer ce que le citoyen présume ou redoute : si les politiques cooptent les journalistes, c’est bien que ces derniers leur ont rendu service. Un soupçon de renvoi d’ascenseur qui ne sert pas l’image de la profession journalistique.
L’huile sur le feu des politiques : la démagogie anti-médias
Depuis Jean-Marie Le Pen, les politiques s’amusent à tancer les médias et le traitement médiatique inégal dont ils seraient l’objet. François Bayrou a joué de cette corde pour dénoncer le favoritisme supposé des médias en faveur des candidats des grands partis. Ségolène Royal a elle aussi dénoncé régulièrement le traitement machiste dont elle s’estimait l’objet (“me poseriez-vous cette question si j’étais un homme”). François Fillon a accusé les médias de cabale pour s’exonérer de ses malversations.
Mais c’est sans doute Jean-Luc Mélenchon, qui tient régulièrement les propos les plus virulents à l’encontre des journalistes et médias. Il n’a pas hésité par exemple à inviter ses sympathisants à “pourrir les journalistes de France Info”. Les discréditer, prouver que ce sont des abrutis”. on lui doit aussi les déclarations suivantes :
“La haine des médias et de ceux qui les animent est juste et saine”
“La presse est ainsi la première ennemie de la liberté d’expression”
“Le pouvoir médiatique est d’essence complotiste”.
SUR CE SUJET : commentaires, interactions, pas le moment de lâcher ! (slide 17 à 20)
Une accélération délétère de l’information
Les années quatre-vingt ont entamé une accentuation de la concurrence sur l’information télévisée avec l’irruption de TF1 (1981), La Cinq (1985), et M6 (1986). Concurrence qui a contribué à dépoussiérer le vieux journal de l’ORTF, mais a aussi encouragé la frénésie de faits divers, de people, d’insolite… Avec, pour résultat des hiérarchies parfois bancales, destinées surtout à favoriser le fameux audimat.
Cette folie du fait divers a pu se mesurer dès 1984 à travers le fiasco de la presse dans l’affaire Grégory.
SUR CE SUJET : le story-telling contre l’information
On franchit un cap en 1994, avec la création de LCI, la première chaîne d’information en continu, suivie de CNews en 1999 et BFM TV en 2005. Celle-ci développe une information à chaud en multipliant les reporters de terrain, au détriment des émission de plateau ou d’ analyse. Et comme il ne se passe pas toujours quelque chose de “chaud” en direct, les journalistes de la chaîne deviennent bientôt champions du meublage.
Aujourd’hui BFM, très critiqué sur son art du vide, cumule pourtant les succès d’audience (9,6% de parts d’audience, durant le 3e volet des gilets jaunes, soit la 3e meilleure audience derrière TF1 et France 2, et 3e site d’information en novembre 2018 selon l’ACPM.
Ce qui témoigne d’une forme de schizophrénie, pour ne pas dire hypocrisie, du public qui bien que critiquant férocement ces contenus, en est quand même un gros consommateur. On observe ce décalage fréquent en matière de presse people : personne ne reconnaît l’acheter, ni la lire, pourtant elle se vend très bien. Les lecteurs sont comme des enfants versatiles : ils nous reprochent de céder à leurs demandes de sucreries. Et ils ont raison.
Enfin, la dernière étape de l’accélération de l’information fut l’irruption de Twitter en 2007. Cet outil incroyable a fait fleurir les scoops citoyens comme l’amerrissage de l’A320 dans la baie d’Hudson, photographié et envoyé aussitôt sur Twitter via le téléphone portable. Mais il a aussi multiplié les erreurs, liées au désir d’aller toujours plus vite, comme le faux décès de Martin Bouygues relayé par l’AFP, avant d’avoir vérifié l’information par un proche.
Par ailleurs, les exemples ne manquent pas d’erreurs liées à un excès de vitesse dans la diffusion sur les réseaux sociaux d’une information non validée. A ce titre, le simple retweet par une “autorité” médiatique d’une information la cautionne de fait, sans qu’aucune vérification n’ait été effectuée la plupart du temps. Voir quelques cas d’école détaillés dans ma présentation ci-dessous (slide 28 à 59).
Quand on ajoute à cette accélération de l’information, la diminution drastique parfois des moyens de production (du nombre de journalistes surtout), en raison des difficultés de la presse et de la pression sur la rentabilité, cela conduit à l’augmentation mécanique des risques d’erreur.
Sans parler des citoyens qui peuvent désormais s’exprimer à loisir sur les réseaux sociaux et mentir éventuellement, en totale décontraction.
Une concurrence sur les contenus qui déforme l’information
L’explosion des supports numériques et canaux d’expression pousse parfois les journalistes à déformer les contenus pour retenir l’attention des lecteurs.
Ce sont les titres “pousse-au-clic”, les sujets montés en épingle, les études dramatiques, spectaculaires, émotionnelles qui exagèrent les faits, au mieux. Les ampoules à LED dangereuses pour la santé, les déserts médicaux qui créent de l’hypertension et du surpoids, le maïs transgénique qui produit des tumeurs affreuses sur les rats (imaginez sur vous)… les exemples ne manquent pas.
Ce sont aussi les fausses informations diffusées pour des raisons politiques. Comme le fallacieux “Conseil de Genève des Droits de l’Homme” qui tiendrait le gouvernement pour responsable des manifestations, selon Aude Lancelin, responsable de Le Média, émanation de la France Insoumise.
Ou l’étudiant prétendument blessé et dans le coma selon Reporterre, là encore opposant farouche à la politique du gouvernement. Même sans mauvaise foi, forcément, on veut tellement y croire, qu’on diffuse sans vérifier des informations qui confirment ce que l’on pense. C’est le fameux “biais de confirmation”.
On pourrait citer de nombreux exemples de fakes orchestrés par la droite (plus ou moins extrême) évidemment. En témoigne l’affaire de Bobigny, où les manifestants qui soutenaient Théo, ont été accusé à tort, par la préfecture de police d’avoir incendié une voiture où se trouvait une fillette, avant d’être repris par le magazine Valeurs actuelles et autres sites d’extrême-droite (cf slides 48 à 58).
SUR CE SUJET : Fakes, news, erreurs… d’où viennent-ils et comment les contrer ?
Résultat : chute de confiance, déclin de l’intérêt
Une suspicion grandissante à l’égard des médias et des journalistes, surtout en provenance d’internet.
Un repli d’une partie de la population vers des sources “alternatives” d’information, plus ou moins complotistes et intéressées (géo-politiquement comme RT – cf rapport de l’Institut de recherche stratégique de l’école militaire – p.50 à 59), ou économiquement comme ces sites destinés à faire de l’argent sur des fakes monétisées via la publicité.
Une diminution sensible de l’intérêt porté à l’actualité depuis 2006. Et c’est sans doute le signe le plus inquiétant. La dernière étude de Kantar/La Croix montre une désaffection sensible vis à vis de l’information (38% portent un intérêt faible ou nul à l’actualité et la tendance est à la baisse depuis 2006 – baisse de 13 points !! Et 8 points par rapport à la médiane).
Si les citoyens se détournent de l’information et de la chose publique en général, c’est un mauvais signal pour la démocratie.
Quand les citoyens ne croient plus l’information de leurs médias ni ceux émanant d’organisme publics (Insee, Pôle emploi…), c’est le début du doute généralisé et potentiellement du chaos. Les émeutes d’une partie des gilets jaunes et ce désir de renverser le pouvoir par la rue, ne sont pas étrangers à ce rejet.
Neuf clés pour restaurer la confiance médias-citoyens
1- En finir avec l’information descendante. Se réintéresser aux lecteurs, aux commentaires, et surtout à leurs connaissances, leurs témoignages. Créer un attachement au média par le développement de communautés bien modérées, bien valorisées, qui permettent par la même occasion d’enrichir les contenus produits.
2- Développer un journalisme de solutions qui propose aussi une vision constructive du monde et ne traite pas seulement des mauvaises nouvelles. Sans tomber pour autant dans une édulcoration du monde, ni un optimisme béat qui serait tout aussi déséquilibré. C’est l’objet d’associations comme Reporters d’espoir ou de Journalism solutions network.
Steven Pinker, professeur de psychologie à Harvard démontre que notre pessimisme global n’est pourtant pas fondé. Partout dans le monde, l’espérance de vie augmente, la mortalité infantile diminue, la violence décline ainsi que la pauvreté. Ainsi, le taux d’extrême pauvreté a chuté de 75 % au cours des trente dernières années. S’il reste beaucoup d’injustices à réparer, notre vision très noire n’est pas vraiment justifiée.
Une étude de l’INA (2013) montrait que la France avait augmenté le nombre de ses faits divers de 73% entre 2002 et 2012. Cette surexploitation d’une recette d’audience qui fonctionne bien ne suffit plus aux lecteurs.
Pire, ils commencent à se détourner de ces informations anxiogènes, qui ne proposent qu’une vision noire du monde, sans solutions, et sans suivi, la plupart du temps. Ceci est aussi une attente forte des lecteurs :
3- Assurer le suivi des dossiers, par conséquent et non pas enchaîner les polémiques ou les histoires sordides dont la dernière chasse la précédente, sans qu’on sache ce qu’il est advenu de la première : a-t-on arrêté le coupable ? Comment se porte la (les) victime (s) ?
4- Cesser la course à l’échalote de l’audience qui est une impasse économique qui plus est, comme je le démontre ici. Reprendre le temps de faire correctement les choses, adopter un journalisme sinon de lenteur, au moins de profondeur, quitte à faire des choix, opérer une sélection beaucoup plus restreinte des sujets traités, mais mieux hiérarchisée.
Cela ne veut pas dire juste parler des sujets intelligents ou “hauts du front” comme disent les Anglais, mais ajuster un peu mieux la ligne éditoriale avec des sujets légers si les sujets structurants sont traités en premier.
5- Rééquilibrer l’information des JT qui reste l’outil d’information majeur des Français (80% selon cette enquête Médiamétrie 2016). Et en particulier l’information des chaînes publiques. Des progrès sensibles ont été faits depuis quelques années, et vont dans le sens de ce que je réclamais depuis 2011.
Je trouve néanmoins qu’on est loin d’un niveau satisfaisant en termes de pédagogie et d’explication structurante du monde. Beaucoup trop de petites pastilles de divertissement, les sujets importants sont effleurés.
Pourquoi ne pas décider quelquefois, en fonction de l’importance de la nouvelle – de limiter le nombre de sujets traités cette fois pour mettre le paquet sur l’information qui a une vraie répercussion sociale, géo-politique, juridique…? Etre média généraliste ne veut pas dire diffuser de l’eau tiède pour “plaire à tout le monde ‘ et surtout déplaire au moins de gens possible. En principe la redevance permet de financer cette liberté.
Sans parler de la frilosité – pour ne pas dire complaisance – des chaînes publiques vis à vis du pouvoir politique, comme le démontre très bien Daniel Schneidermann. Il faudrait une bonne fois pour toute en finir avec cette tutelle historique discrète mais réelle de l’audiovisuel public (surtout les émissions politiques en télévision) vis à vis du politique. Le CSA nomme les patrons des chaînes publiques, certes, mais qui nomme les membres du CSA (à commencer par son président ?). Et puis il y a cette culture ancienne de la déférence et de l’auto-censure.
6- Revoir l’ensemble des dispositifs d’aide à la presse. Pour ne pas avantager que les titres historiques (et papier), mais ceux qui remplissent effectivement un rôle d’information citoyenne. Le but de ces aides est de favoriser le pluralisme et c’est plus que jamais nécessaire, à l’heure où la concentration des médias entre quelques mains se fait inquiétante. Supprimer les aides directes qui entretiennent une suspicion vis à vis des citoyens, mais garder les aides indirectes (TVA à 2,1%, aide postale). Proposer pourquoi pas un fonds pour l’innovation ouvert à tous qui permettent de ne pas dépendre de ceux de Google ou de Facebook.
SUR CE SUJET: Aides à la presse, il est temps de remettre tout à plat
7- Recentrer les missions de l’AFP sur l’actualité internationale. A l’heure du numérique, où toutes les sources arrivent au même endroit sur Google, Apple News où Facebook, la réplication des informations en provenance de l’AFP est criante.
Et quand l’AFP se trompe, une majorité de la presse nationale diffuse l’erreur. Il est peut-être temps que chaque journal reprenne en main son information régionale et ne délègue à l’Agence que ce qui est hors de sa portée car trop coûteux : l’information internationale.
Cela forcera les journaux à réinvestir leurs territoires, à se réintéresser à leurs publics. Et cela économiserait beaucoup d’argent à l’Etat (qu’il pourra réinvestir dans le fonds pour l’innovation et le pluralisme).
8- Ouvrir le recrutement des journalistes. D’abord dans les écoles de journalisme : diversifier davantage les profils sans abaisser le niveau requis, grâce à des cours préparatoires au concours proposés à l’Université et dans les zones d’éducation prioritaires. Ce que font déjà l’ESJ Lille et Science Po via des cours en ligne, mais sans doute pas assez.
Ouvrir aussi certaines des “belles” places (en télévision ou en radio) à des profils non issus d’écoles de journalisme. On peut apprendre à écrire assez vite si on a l’expertise et l’envie. Dans certains domaines comme la finance par exemple, les non-journalistes d’origine sont majoritaires (comme au Temps de Genève). Experts-comptables, contrôleurs de gestion etc. sont souvent bien meilleurs journalistes, car ils débusquent plus facilement le loup. D’autant plus précieux que le domaine devient très technique et opaque.
Permettre aussi davantage de reconversions journalistiques via la formation professionnelle, et donner ensuite accès au métier à ces personnes au parcours plus sinueux. Les médias y gagneraient en expertise, en renouvellement et en ouverture sur le long terme.
9- Mettre en place un Conseil de presse. Cette instance indépendante, collégiale et plurielle détiendrait un pouvoir consultatif et de recommandation aux médias, non coercitif. Il publierait des avis argumentés sur des questions déontologiques. Il existe une centaine de conseils de presse de ce type dans le monde et 18 au sein de l’Union européenne.
Reste à déterminer sa composition exacte (représentants des journalistes, des éditeurs, de la société civile, du public, de l’Etat ?) et ses attributions précises. L’ODI travaille actuellement à des propositions concrètes.
Voilà quelques pistes auxquelles je pense, mais la liste n’est sans doute pas close, je laisse le soin aux commentateurs de la compléter éventuellement
L’expert:
Cyrille Frank est directeur de l’ESJ Pro Medias Paris – centre de formation continue pour les journalistes, producteurs de contenus et communicants. Ancien journaliste, formateur et consultant pour les médias. Fondateur de Mediaculture.fr et des Eclaireursdelacom.fr.
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Un point de vue très interessant, mais cette crise de confiance n’est-elle pas à mettre en corrélation avec la crise de modèle d’affaires que rencontre la presse (en ligne notamment ?
Depuis quelques années, on nous dit que la « pub c’est mal », bien qu’elle serve à financer les medias (et donc l’info). Aujourd’hui, cette vendetta anti-publicitaire a poussé de nombreux medias a revoir leur modèle d’affaires pour se tourner du « gratuit financé par la pub » au « payant financé par l’abonnement ». Résultat : la rentabilité de la presse en ligne reste fragile, mais surtout les citoyens n’ont plus accès à l’information (car ils peuvent pas s’abonner à tous les medias de qualité, de Mediapart au Monde, en passant par Arret sur Image, etc…).
Je me pose donc la question suivante : est-ce pour rétablir la confiance des medias, il ne faudrait pas aussi réinventer le financement de ceux-ci, afin que la presse puisse faire son travail (informer) sans se soucier du marketing ou du financier ?
Vaste sujet, hein ? :-)
Bonjour Sébastien,
Merci ! Je pense en effet que certains journaux se sont égarés quelquefois sur le terrain du journalisme, en faisant du « pousse au clic », pour gagner quelques places Médiamétrie afin de récupérer plus de budget pub. C’est ce que je mentionne dans le papier. La fin de la course à l’échalote de l’audience redonne la possibilité aux journalistes de faire leur travail. Pour moi, c’est le changement de posture des médias qui récréera de la confiance – clé du business model, pas le contraire ! Evidemment, c’est aux dirigeants de donner un cadre serein – notamment une stratégie et une assise économique pour sécuriser le travail des journalistes ! Merci pour votre commentaire :)
Cyrille