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Mipcom 2018: Content is king (surtout quand il est disponible en streaming)

Fabien Baunay, contributeur Frenchweb

Le Mipcom est le rendez vous automnal annuel de l’industrie des contenus … et de la télévision mais pas seulement: cette année  le thème du Mipcom était celui d’une transition vers un paysage médiatique remodelé par le développement des plateformes digitales et des nouveaux services.

L’industrie mondiale du contenu est à la hausse. Le volume et la demande de contenu premium atteignent de nouveaux sommets, et une qualité inégalée.

Mais dans le même temps, la pression financière s’intensifie alors que les streamers mondiaux ont un impact sur l’équilibre des forces dans l’univers du contenu. Pour se démarquer et rester unique, il est essentiel d’investir dans les talents, de prendre des risques, de financer l’innovation et de garantir la conservation de la propriété intellectuelle.

La consolidation, l’appropriation et le contrôle du contenu, sont plus que jamais les enjeux majeurs des futurs modèles d’affaires. Le moment est venu de se préparer pour le Big Shift et d’appliquer de nouvelles règles et de participer à une refonte sans précédent du paysage des médias de divertissement.

Nous retiendrons de ces trois jours de conférences et interventions 4 enseignements majeurs (pour l’industrie de la télévision):

1. L’évolution technologique est une opportunité qui permet de raconter les histoires de multiples manières

Une des interventions les plus marquantes fut sans doute celle de Josh Sapan le respecté président d’AMC Networks (Sundance TV, BBC America …)  qui nous alerte sur le danger pour les chaînes et les services SVOD de devenir uniquement “data driven” c’est-à-dire guidés par la recherche de volume et l’usage des plateformes et de perdre le focus sur la qualité du contenu et la touche humaine.

Il engage les diffuseurs à se muer en curateurs de contenus de qualité et les exhorte à tirer avantage des changements technologiques grâce au talent des créatifs qui peuvent désormais s’exprimer sur l’ensemble des plateformes.

Diffusée prochainement sur Sundance TV le projet de sitcom “State of the Union”  en est le parfait exemple : 10 épisodes de 10 minutes, un scénario de Nick Hornby, une réalisation de Stephen Frears, un casting présentant Rosamund Pike et Chris O’Dowd.

Gong Yu le fondateur de iQIYI la plus grosse plateforme vidéo chinoise prédit que l’intelligence artificielle contribuera à transformer l’industrie de l’entertainement d’une manière bien plus profonde que ne l’a fait internet. La promesse de disposer d’un système de profilings pour adapter les contenus à l’audience apparaît comme le nouveau graal : la big data au service de la création d’un système de valeur permettant de créer et sélectionner les meilleurs contenus, et d’exporter les meilleures productions chinoises. L’Ia power a la mode chinoise en quelque sorte.

2. Le monde du contenu et le monde de la technologie sont sur la voie de l’avenir

Cette déclaration de Kay Madati, Global VP & Head of Content Partnerships chez Twitter, fait suite à une année passée à développer une série de partenariats fructueux entre le géant des médias sociaux et télévisions et partenaires vidéo du monde entier.

« Je pense en fait que l’avenir ressemble à une version de ces deux univers » :  les nouvelles entreprises et les plates-formes axées sur la technologie s’uniront finalement pour desservir une expérience de consommation d’audience de plus en plus axée sur les appareils, mobile et multiplateforme.

Alors que plusieurs grands médias sociaux et Netflix et Amazon s’emploient à développer leur propre contenu original dans le but d’attirer et de fidéliser un auditoire, Twitter a adopté une approche différente consistant à créer un partenariat avec les fournisseurs de contenu historiques de la télévision en leur permettant de bénéficier de l’énorme exposition aupres des utilisateurs de Twitter.

Cette animation et cet engagement du public offrent aux partenaires des opportunités de visibilité et de monétisation : l’immédiateté de Twitter est parfaitement conçue pour compléter le produit des fournisseurs de contenu, ce qui en fait des partenaires idéaux plutôt que des concurrents.

Nous ne sommes pas des ennemis de l’industrie de la télévision ou des médias, nous sommes des amis.” L’objectif de Twitter est d’apparaitre comme un  «partenaire de distribution viable» dans l’esprit de nombreux producteurs de contenu, détenteurs de propriété intellectuelle et détenteurs de droits.

A l’opposé Facebook Watch propose une approche totalement nouvelle de l’experience vidéo fondée résolument sur le partage et l’interaction avec les communautés. Matthew Henick et Paresh Rajwat ont détaillé cette nouvelle offre globale de distribution de contenu fondée sur le « co-watching » des programmes et l’interaction avec les téléspectateurs et visant à proposer aux créateurs de programme la possibilité de créer -a l’exemple des groupes Facebook– des groupes Facebook Watch.

En prenant pour exemple le programme The Real Life relancé par MTV pour Facebook Watch la clé du succès de la télévision du future repose sur la capacité à réunir la communauté autour du programme et donc pour les créateurs de contenu à intégrer cette double variable interactive et immédiate dans la conception de leurs programmes.

3. Netflix et Spotify ont contribué à former une génération de consommateurs à payer pour du contenu diffusé en ligne.

Carolyn McCall, nouvelle directrice générale d’ITV, (le plus grand diffuseur commercial du Royaume-Uni), a fait savoir qu’ITV rejoignait la liste des poids lourds des médias traditionnels qui cherchent à s’implanter de manière agressive dans le domaine de la télévision directe par abonnement.

Pour ITV il était nécessaire de jouer un rôle actif sur le marché de la diffusion en continu. Plus précisément, tirer parti du nombre de fans généré par les émissions diffusées sur son antenne et des productions de Studios ITV, permet d’envisager une approche directe avec le consommateur.

“Le service de streaming d’ITV deviendra beaucoup plus une destination”, a-t-elle déclaré, soulignant qu’il offrira aux utilisateurs davantage d’options de personnalisation et de recommandations. « En comprenant ce que le téléspectateur veut vraiment cela va devenir une expérience utilisateur beaucoup plus riche.« 

A la question de savoir si ITV considère Netflix comme son principal concurrent en matière de streaming, Carolyn McCall a indiqué que les deux sociétés opèrent ensemble dans certains domaines – via ITV Studios – et sont des concurrents dans d’autres, déclarant qu’ils sont plus amis que ennemis », à propos de Netflix.

Clairement Netflix et Spotify ont formé une génération de consommateurs à payer pour du contenu diffusé en ligne : C’est un changement important pour les consommateurs qui se disent:« Je veux payer pour ce que je veux en contenu”.

Une position sensiblement différente de celle de la BBC (et des éditeurs français investis dans Salto) : ITV considère que dès lors qu’il y a la place pour 2 ou 3 opérateurs de service de streaming sur un marché (Itv envisage d’ailleurs le lancement de son propre service en 2019) il n’y a pas lieu de se couper de Netflix en tant que client des studios.

“Netflix est un client important pour nous et ils ont changé la perception des consommateurs (de télévision). Nous devons simplement réagir à ce changement. « 

Il n’empêche que l’Europe est devenue le champ de bataille du futur de la télévision en streaming, et les lignes de bataille entre les radiodiffuseurs établis et les GAFAN seront tracées au MIPCOM de cette année.

D’aucun en France, à l’exemple de Pascal Rogard, qui présentait la contribution de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques à la réforme de l’audiovisuel public estime que “Salto n’a aucune chance contre Netflix, la seule réponse crédible est une plate-forme regroupant les services publics européens et proposant le meilleur de la création européenne”.

4. Le salut passe par le contenu

Un haut responsable de Sony a déclaré: «L’essentiel est maintenant le contrôle du contenu par le consommateur. L’avenir, c’est de plus en plus «à la demande». Vous pouvez parler de HD, 4K… mais nous savons ce qui va arriver. La télévision linéaire, pour survivre, doit gérer un contenu très fort ».

Chris Ottinger, MGM complète la vision :  «Les SVOD modifient les habitudes des consommateurs, permettant ainsi aux contenus de n’importe quel pays de voyager, quelle que soit leur langue. Aux États-Unis, ces plates-formes misent sur le contenu de nouvelles régions, telles que la Scandinavie, qui exploitent encore et à faible coût. Dans 4 ou 5 ans, ces territoires commenceront à comprendre le fonctionnement du marché américain et leur croissance sera exponentielle ».

Les plus grands créateurs de formats de divertissement ont annoncé des lancements de fictions majeures, dont certaines coproduites entre différents territoires comme la Nouvelle-Zélande et la Finlande, la France et l’Espagne.

Clairement, le succès des fictions “non américaines” diffusées par Netflix a renforcé les productions locales à la fois destinées à solidifier les offres locales et à offrir de nouvelles perspectives de ventes à l’international.

Pour asseoir cette primauté donnée au contenu, il suffit de citer Richard Gere, venu présenter sa série «MotherFatherSon»produite par la BBC, qui marque son premier rôle dans une série majeure après une carrière dans le cinéma :  «Le monde est tellement bouleversé en termes de films en ce moment que le travail le plus intéressant pour un acteur est à la télévision », a-t-il déclaré.

Mais la question existentielle de la future organisation du marché (et donc du Mipcom) de la production de contenus demeure sur toutes les lèvres : Si un programme peut être vendu dans le monde entier avec un seul contrat Amazon ou Netflix, quelle place pour un événement où les distributeurs vendent territoire par territoire? La réalité est que l’accord global reste l’exception et non la règle.

… et pendant ce temps

Après avoir annoncé la semaine dernière le rachat d’ABQ Studios dans lequel elle va investir 1 milliard de dollars sur les dix prochaines années, Netflix annonçait hier avoir conquis sept millions de nouveaux clients entre juillet et septembre, soit 31 % de plus qu’à la même période l’année dernière. La course poursuite continue.

FabienBaunayPar Fabien Baunay (@fabienbaunay), fondateur de Burbanx. Burbanx est une agence conseil spécialisée dans la communication par le contenu et l’activation digitale.

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