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Moi, petit entrepreneur, poursuivi en justice par une multinationale

Denis Fages, fondateur de Videotelling

En France, on n’aime pas ceux qui prennent des risques et qui perdent. Particulièrement les banquiers qui ignorent à tort que ce sont les futurs gagnants; et sans doute les meilleurs. Le plus drôle, c’est qu’en France, on n’aime pas non plus ceux qui prennent des risques et qui gagnent pas mal d’argent. Depuis la révolution, l’idée que les patrons sont de méchants exploiteurs perdure! Mais c’est une autre histoire…

J’ai décidé de raconter mes erreurs pour aider les entrepreneurs débutants à accepter de se planter pour mieux rebondir. J’ai l’intime conviction que le véritable entrepreneur ne se fait pas une montagne de l’échec. Cela veut dire:

  • qu’il prend consciemment des risques,
  • qu’il apprend toujours de ses échecs,
  • qu’il développe une confiance en lui indépendante de son business. La seule véritable sécurité, c’est la confiance en soi.

Aujourd’hui, je voulais vous raconter le jour où j’ai cru que tout pouvait s’arrêter. Un matin en arrivant au bureau, j’apprends qu’un huissier est passé pour me dire qu’une énorme société m’attaque en justice!

Ma vraie motivation était d’apprendre et de réussir dans l’e-commerce

C’était il y a 12 ans. A cette époque, le net provoquait LA révolution de la vente à distance dont les clés étaient liées à la maîtrise de Google Adwords et du référencement naturel. J’avais un sentiment de puissance. Je pensais que je pouvais réussir un business, totalement à distance, où que je sois, depuis mon ordinateur… Ce qui est vrai et magique…

Ma première erreur, a été d’avoir sous-estimé, ou plutôt mal évalué, le travail d’un e-commerçant. En fait, il n’y avait que le “e-“ qui m’intéressait, c’est-à-dire tout le Web marketing et la magie de la vente à distance. Mais je ne connaissais rien au commerce et j’ai vite été frustré de devoir acheter et vendre des produits auxquels je n’ajoutais rien et qui au final, pouvaient être trouvés ailleurs!

Donc ma stratégie, qualifiée de guerrière, par un expert en stratégie d’entreprise, consistait à attaquer les points faibles du leader, points faibles que je résumais dans un tableau comparatif. Ce comparatif, très complet bénéficiait bien entendu d’un excellent référencement naturel, y compris sur les solutions concurrentes que j’analysais…

Ma deuxième erreur était de jouer avec le feu. Je cherchais à faire du buzz, et j’ai accepté que des vidéos soient créées par des étudiants d’une école de communication. Et une de ces vidéos dénonçait, de façon humoristique, les points faibles de ces concurrents.

Évidemment, l’humour à ce niveau-là, devient vite du dénigrement pour celui qui en fait les frais… C’est là que les choses ont basculé. J’ai joué. J’ai perdu… ou plutôt j’ai gagné?

Vincent Thuret

150 000 euros de dommages et intérêts… De quoi couler ma boîte

Moi qui n’avait jamais vu un avocat de ma vie, ça m’a fait trembler! Pire, je partais le lendemain dans les caraïbes pour une semaine de vacances, vacances que je n’avais pas pris depuis 3 ans vu que je bossais à fond!

Heureusement, mon associé de l’époque, à qui j’avais vendu la majorité de mon entreprise, est resté zen car il avait déjà de l’expérience sur les procès. C’est dans des moments comme celui-là que vous savez si votre partenaire vous soutient ou non.

Sur ses conseils, j’ai été voir immédiatement une avocate. Je suis tout de même parti le lendemain prendre mon avion, les jambes un peu flageolantes, écrivant des emails lors du transit pour transmettre les dernières infos à l’avocat…

Penser positif, quoi qu’il arrive

Je suis franchement du genre optimiste et j’imagine donc immédiatement comment transformer cette catastrophe en bonne nouvelle… «Le danger est réel. Mais la peur est un choix». Une réplique fameuse du film «After earth» de Night Shyamalan…

De retour de mes courtes vacances, je conçois un super communiqué de presse à la sauce David contre Goliath.

Il se trouve que mon adversaire à une image de géant tout puissant qui domine son marché… Et moi avec mes idées un peu open source, je peux facilement obtenir l’adhésion des foules…

En 24H, l’histoire de David contre Goliath fonctionne à fond.

D’abord les journalistes de la presse écrite m’interviewent. Puis je «passe» au journal de 13h de TF1 et au 20H de France 2. Ensuite, les radios s’en mêlent… C’était une semaine incroyable! J’ai pu communiquer à grande échelle et me défendre. Une sorte de «campagne de pub» excitante pour ma société qui sera finalement «payée» par l’issue du procès où ma société a été relaxée pour publicité mensongère mais a été condamnée pour dénigrement à un «petit» montant.

Échouer ou Réussir, il faut jouer!

On dit qu’aux USA, les investisseurs financent plus volontiers les entrepreneurs qui ont échoués, car ils ont un niveau de conscience et de l’expérience sur le fait que chaque heure investie et chaque euro dépensé doit l’être de façon viable.

Avec la belle évolution que la France vit depuis une dizaine d’années côté start-up et le bon vent qui souffle, gageons que les choses s’améliorent encore. Gageons que le conformisme, le conservatisme, la jalousie et la peur quittent notre nation et que la «réussite» et son opposé logique «l’échec» soient respectés et compris comme les deux faces d’un même moteur, un moteur fondamental de la création, de l’innovation et de l’emploi.

Le contributeur :

Denis Fages est le fondateur de Videotelling.

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