Moussa Camara, culture et réussite entrepreneuriale pour tous
Par Yassine KHIRI / AFP
La détermination comme mantra face aux barrières sociales et géographiques: depuis 2015, Moussa Camara, fondateur de l’association Les Déterminés, ambitionne de rendre l’entrepreneuriat accessible à tous. Prochain objectif: « diversifier » le recrutement des dirigeants d’établissements culturels, à la demande du gouvernement.
Depuis l’annonce du programme « La Relève » début décembre, « les candidatures ne cessent de s’accumuler sur ma boîte mail, c’est incroyable! », assure à l’AFP Moussa Camara, 37 ans, en montrant l’avalanche de postulants sur son smartphone.
Lancé par le ministère de la Culture, ce programme vise à former 101 personnes, âgées d’entre 25 et 40 ans et originaires de l’ensemble des départements français, afin de « diversifier » les nominations à la tête des scènes nationales, de musiques actuelles ou centres d’art.
Ce vivier, qui bénéficiera à partir de septembre 2024 d’une formation à Sciences Po, aura été « identifié » en amont par Les Déterminés. Une « association qui a su démontrer son savoir-faire en la matière », dixit la ministre Rima Abdul Malak.
Car, avec leur propre programme de formation gratuit de six mois, Les Déterminés ont déjà accompagné plus de 1.200 aspirants entrepreneurs habitants des quartiers populaires ou zones rurales isolées, dont plus de 60% de femmes, permettant la création de 700 entreprises.
« Les seuls critères de sélection: l’envie et la détermination. Le diplôme? On s’en fout! », affirme Moussa Camara, qui se dit « fier » d’avoir réussi « à démocratiser l’entrepreneuriat pour des personnes qui se sentaient bloquées », même s’il « reste beaucoup de choses à faire ».
– Macron, Medef et Obama –
Comment cet ex-entrepreneur dans les télécoms, originaire de Cergy (Val-d’Oise), est-il parvenu à avoir l’oreille des décideurs, d’Emmanuel Macron, qui s’est rendu chez lui après sa réélection, à Pierre Gattaz, l’ancien président du Medef qui lui a « ouvert les portes » des patrons du CAC 40?
Retour dans le quartier populaire de la Croix-Petit. Après avoir décroché un bac pro logistique, Moussa Camara se lance à 20-21 ans dans l’installation de box internet… par le hasard d’une rencontre avec un technicien qui cherchait l’adresse d’un client.
Premier revenu au bout de son premier mois de travail, 15.000 euros: « Je n’avais jamais touché ça de ma vie »!, se remémore le cinquième d’une fratrie de huit enfants. Le début d’une aventure de cinq ans, jusqu’à l’arrivée de la fibre, qui bouleverse son activité.
Marqué par les émeutes urbaines de 2005 et des rencontres qui lui ont « transmis la « culture de l’engagement » (comme celles avec « Monsieur et Madame Zamorano », des voisins chiliens qui avaient fui la dictature de Pinochet, ou Thione Niang, ancien responsable des jeunes démocrates ayant participé aux campagnes de Barack Obama), c’est dans le monde associatif qu’il trouve son réel moteur.
« Fallait se battre face aux injustices. J’étais dans cet état d’esprit sans le savoir », témoigne Moussa Camara, qui n’a pu éviter certaines « erreurs » dans sa carrière de chef d’entreprise, faute de « réseau ».
– Plafonds de verre –
Alors que le stéréotype du créateur de startup reste — au grand dam des associations — un « homme blanc » qui a fait une grande école de commerce, les fondateurs de la prochaine « licorne » française seront-ils issus de la diversité ?
« Je ne connais pas beaucoup d’entreprises, même rentables, qui ont réussi à lever des fonds dans nos quartiers. Là encore, il y a un plafond de verre », avertit Moussa Camara.
« Je ne dis pas qu’il y a de la mauvaise volonté mais (les fonds d’investissements) ont encore le réflexe de rester dans leur écosystème. S’il n’y a pas des structures qui créent des passerelles, les gens ne se parlent pas. Il faut faire de l’éducation », plaide-t-il.
Et désamorcer les controverses, notamment autour de « La Relève », objet d’accusations de « discrimination raciale » et de promotion de l’idéologie « woke » de la part de membres du parti d’Eric Zemmour, Reconquête!.
« C’est une manipulation pure et simple de mes propos », avait répondu Rima Abdul Malak dans les colonnes de Télérama, rappelant que ce programme entend « promouvoir toutes les diversités » (géographique, sociale, couleur de peau, handicap…).
« C’est une polémique inutile », déplore Moussa Camara. « Ce n’est pas eux qui prétendent soutenir les habitants des villages, qu’ils opposent aux habitants des banlieues? Ces gens, qui n’ont pas accès aussi à de telles opportunités, auront toute leur place dans le programme ».
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