Netflix: le modèle de revenus récurrents tremble mais tient bon
Par Arielle le Bail, project analyst chez Fabernovel
Lorsqu’une entreprise comme Netflix fait 26% de croissance et que son cours de bourse chute de 10%, c’est bien le signe que son modèle économique suscite des attentes très fortes. Netflix a été un des premiers à surfer sur cette nouvelle économie des revenus récurrents. En passant de la location de DVD par correspondance au modèle de l’abonnement, Netflix a bâti un empire basé sur l’abonnement qui est aujourd’hui au coeur d’une guerre avec la multiplication des plateformes de streaming vidéo. État des lieux du modèle.
La donnée au coeur du modèle de l’abonnement
Tout comme Amazon Prime, Netflix représente un des exemples phares du succès du modèle de l’abonnement. Il garantit à la fois des revenus récurrents pour l’entreprise et améliore sa capacité d’anticipation financière. Mais la force de ce modèle est avant tout de collecter des données sur les utilisateurs et de les exploiter à travers une multitude d’applications.
D’abord, les données sont extrêmement utiles pour personnaliser l’expérience utilisateur et ainsi améliorer la rétention client. Quand vous utilisez Netflix, l’entreprise collecte par exemple le type de contenu regardé, le moment d’arrêt et de reprise de visionnage, l’heure de visionnage etc.). Ces données sont exploitées pour personnaliser les films et séries recommandés, mais aussi les visuels de chaque vignette de contenu. Et ce n’est qu’un début.
Netflix cherche à employer plus encore de machine learning pour optimiser – au-delà du contenu des recommandations – la manière de recommander, comme par exemple : la personnalisation du synopsis, des titres, de la metadata affichée, de l’ordre des recommandations et du design de l’interface mobile en fonction des comportements de visionnage des utilisateurs. La stratégie de l’entreprise inclut également une réflexion sur la prise en compte des biais comportementaux induits par la recommandation.
Seconde exploitation clé pour les millions de données collectées : l’optimisation de la qualité du streaming vidéo, gérée par des serveurs partout dans le monde. Offrir une expérience de streaming de qualité aux 152 millions de membres (dont les 2/3 sont hors des Etats-Unis) est en effet un immense défi technique. Grâce au machine learning, Netflix crée des algorithmes adaptatifs pour permettre à tous les publics de visionner leur contenu sur des réseaux aux débits variables et sur des appareils aux capacités très différentes. La donnée n’a donc pas fini de nourrir les ambitions du géant du streaming.
Une itération du modèle en temps réel
Avec la première baisse du nombre d’abonnées américains ce trimestre, Netflix semble avoir atteint sa base d’utilisateurs maximale aux États-Unis, comprenant 60,1 millions d’abonnés. Une variation punie par les investisseurs ce trimestre puisque l’action Netflix a enregistré une baisse de 10%. Cette chute du cours peut sembler relativement exagérée puisque le potentiel de l’entreprise n’est pas pour autant remis en question. À l’international, le nombre d’abonnés continue en effet de croître de façon importante, avec 2,9 millions d’abonnés supplémentaires par rapport au trimestre précédent.
Au delà du modèle de l’abonnement qui permet d’améliorer la rétention des utilisateurs, Netflix soigne un écosystème très fort, notamment grâce à ses productions originales, à l’instar de Stranger Things ou encore Black Mirror. Ainsi, ce sont 13% des ex-utilisateurs de Netflix qui se sont réinscrits pour regarder la saison 3 de Stranger Things. Et la moitié des 41 millions d’abonnés qui suivent les péripéties d’Eleven sont déjà sûrs de regarder la prochaine saison selon Wall Street firm Cowen&Co.
Ces utilisateurs loyaux sont les parfaits beta testeurs des innovations de la plateforme. Par exemple, en mars dernier, Netflix a testé en Europe l’affichage de prix plus élevés auprès des personnes souhaitant s’abonner au service. L’objectif est d’affiner la connaissance de la “valeur que les utilisateurs accordent à Netflix” selon l’entreprise, et ainsi de pouvoir envisager une augmentation future des prix.
L’enjeu de la “sobriété numérique”
Netflix a encore de beaux jours devant lui, mais fait néanmoins face à de nouveaux challenges. Révélé il y a quelques jours par le think tank The Shift Project, le coût écologique du streaming vidéo pose de vraies questions d’impact.
La pollution numérique constitue en effet 4% des émissions à effet de serre en 2019, et le streaming vidéo est responsable d’un cinquième de cette pollution. À l’ère du “flygskam” (la honte de prendre l’avion), le binge-watching risque lui aussi de prendre un léger coup -reste à savoir comment Netflix et les acteurs du secteurs réagiront pour éviter la fuite des abonnés.
La contributrice :
Arielle a rejoint Fabernovel en avril 2018 en tant que Project Analyst. Elle intervient sur des études d’analyses stratégiques ou encore sur la conception de nouveaux produits et services. Avant de rejoindre Fabernovel, Arielle a travaillé aux études marketing chez PUIG, un groupe de luxe multimarques, puis en tant que M&A Analyst à la Compagnie Financière du Lion sur des projets de conseil financier d’entreprises du CAC40 et d’institutionnels français. Elle a également effectué une mission de conseil chez Capgemini Consulting à Singapour, et travaillé à New York dans le fonds d’investissement cleantech américain Capricorn Investment Group. Arielle est diplômée du Master of Science in Management de l’ESSEC Business School.
« une heure de vidéo sur un smartphone équivaut à la consommation d’un réfrigérateur allumé pendant un an»
Non pas du tout. Un iPhone consomme en moyenne à peu près autant d’un refrigerateur quand on regarde sur un an, et la plus grosse partie de cette consommation est effectivement sur le débit de données cad le streaming.
http://science.time.com/2013/08/14/power-drain-the-digital-cloud-is-using-more-energy-than-you-think/
il est question de la consommation sur l’ensemble de la chaine du serveur, aux opérateurs telecom, jusqu’au device. merci
Bonjour Charles,
Merci pour votre lecture attentive. Vous faites bien de le mentionner, puisque ce chiffre avancé par Les Echos était effectivement surévalué et a été retiré depuis (l’article va être amendé). Pour autant, la consommation du streaming est conséquente – et comme le mentionne Richard Menneveux – prend en compte de nombreux aspects énergivores souvent insoupçonnés des utilisateurs.