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Objets connectés: ces start-ups qui se rêvent en futurs grands industriels

« Nous pensons que nous pouvons changer le monde de la santé. Nous voulons devenir une grosse entreprise, pas revendre la techno à un grand groupe » explique Thomas Serval, co-fondateur de Kolibree, une start-up parisienne qui a développé une brosse à dents connectée. Pour cela, l’entrepreneur espère convaincre les assureurs d’inciter leurs clients à utiliser son produit. « A nous de prouver que Kolibree est bonne pour la santé des clients et réduit les risques (et les visites chez les dentistes, ndlr), ce qui est possible avec la Big data, même si nous refusons le commerce des données avec les assureurs ».  Voire de les subventionner en les adossant à des contrats de service comme des complémentaires ou des assurances santé si tel est le cas. « Si vous réduisez un risque, le coût de l’assurance baisse ». La start-up a remporté le prix Best of CES 2014 for Home par Digital Trends lors du Consumer Electronics Show de Las Vegas en janvier.

La balance de Withings mesure notamment le poids et l'indice de masse corporel. Les évolutions sont consultables sur smatphone.
La balance de Withings mesure notamment le poids et l’indice de masse corporel. Les évolutions sont consultables sur smatphone.

Certes, il y a le succès de Parrot qui fait un peu figure de fer de lance des objets connectés designed in France à coup de drones ou de casques. C’est aussi vrai pour Withings qui, avec ses balances et ses bracelets dédiés à la santé, occupe l’espace médiatique depuis 2009. Mais un écosystème français bien plus large existe, innove et ne demande qu’à se faire une place. Parmi celles-ci, on en retrouve à toutes les sauces. De la brosse à dents connectée, du pot de fleurs connecté, de la gélule connectée, du t-shirt connecté, de la fourchette connectée, du ceci et du cela… toujours connectés.

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« Ne pas créer de mini château fort »

Côté cigarette électronique, « notre business model, c’est la vente de produits physiques à un tarif un peu plus élevé pour qui reflète l’aspect connecté et intelligent » explique Alexandre Prot, le fondateur de Smokio qui compte déjà 10 collaborateurs rien que sur la R&D. Certaines start-ups veulent aussi développer d’autres sources de revenus pour diminuer leur dépendance à la vente de produits et de consommables. Kolibree va par exemple lancer un App Store avec des jeux gratuits et payants pour faire de sa brosse à dent une « console de jeux de la salle de bain ». Autrement dit, sortir du produit en lui-même pour y scratcher un ensemble de services, tout comme le modèle des smartphones.

La brosse à dent Kolibree peut transmettre les informations relatives au brossage au dentiste
La brosse à dents Kolibree peut transmettre les informations relatives au brossage au dentiste

« Pour qu’un modèle économique soit viable dans l’IoT, il ne faut pas créer de mini château fort. Il faut ouvrir des APIs ouvertes pour vendre une expérience client plus globale qui permet à l’objet d’entrer en connexion avec d’autres objets… en sorte, revenir à l’idée même de l’Internet des objets » selon Serge Subiron, président d’Ijenko, une start-up qui édite une plate-forme de gestion des objets connectés pour rendre la maison plus intelligente sur le plan énergétique. Et créer des complémentarités entre les services. « Nous prévoyons d’ouvrir une API pour faire exporter les données Smokio vers d’autres objets et, inversement, importer des données externes utiles pour les intégrer à Smokio. Par exemple, l’intégration des données relatives au poids de l’utilisateur qui souhaite arrêter de fumer » explique M. Prot.

Un marché à 300 milliards de dollars

« Les sociétés disparaîtront si elles ne sont pas parvenues à sortir des objets eux-mêmes pour s’orienter vers l’expérience client » anticipe M. Subiron avant d’ajouter qu’ « il faut créer des revenus sur les services pour survivre, ou monétiser les données des usages des objets avec le consentement des consommateurs ».

« Pour créer de la valeur, il y a non seulement les objets connectés eux-mêmes, et leur apport par rapport aux objets classiques, mais aussi la politique de service qui les accompagne et pour laquelle les business model ne sont pas forcément toujours matures. Mais le potentiel de monétisation est là et repose notamment sur la capacité à développer des revenus récurrents (via des abonnements à des services par exemple), des services supplémentaires de mises à jour, et de nouveaux types d’usages (vendre en SaaS, à l’utilisation qui en est faite) » explique François-Xavier Leroux, directeur conseil technology advisory chez Deloitte.  « Encore faut-il que les clients soient prêts à payer pour ces usages. Dans l’ancien paradigme, les clients étaient prêts à acheter le produit. Aujourd’hui, nous constatons un frein à payer à l’usage chez certains consommateurs » nuance-t-il.

« Des objets connectés peuvent être nationaux, comme certains modèles de parcmètre, mais d’autres ont ce potentiel international. Avec les effets d’échelle, ça coûte de moins en moins cher de s’étendre. Pour un objet connecté, il faut viser la massification du modèle, il n’y a pas d’artisanat qui tienne, nous ne sommes pas dans le luxe » soutient M. Serval.

Cityzen-Sciences place des capteurs sur les textiles en marque ingrédient
Commercialisé en marque ingrédient, Cityzen-Sciences place des capteurs sur les textiles

Et pour cause, les objets connectés devraient poursuivre la marche entamée jusqu’à 26 milliards d’unités (hors PCs, tablettes et smartphones) installées d’ici à 2020, soit 30 fois plus qu’en 2009 selon Gartner. Un marché qui représentera la bagatelle de 300 milliards de dollars, principalement dans les services, pour une valeur ajoutée dans l’économie qui devrait représenter 1 900 milliards de dollars, essentiellement dans l’industrie, la santé et l’assurance, selon le cabinet.  Ainsi, « Smokio réalise déjà la moitié de son chiffre d’affaires à l’étranger, en particulier aux Etats-Unis, au Canada, en Allemagne et en Italie » assure M. Prot.

Avec ou sans le soutien des grands groupes

Mais ces start-ups doivent faire face à un risque : les faibles barrières à l’entrée pour un grand groupe qui souhaiterait rattraper son retard. A coup de millions d’euros, il peut rattraper de jeunes start-ups en avance, initiatrices d’un concept, mais potentiellement plus fragiles. C’est ce qui s’est passé avec Oral-B, la marque du groupe Procter & Gamble, qui a présenté une brosse à dents connectée lors du Mobile World Congress 2014 à Barcelone [ Relire  » Kolibree contre Prcocter & Gamble: la bataille de la brosse à dent connectée] « C’est un risque que nous ne pouvons pas nier. Nous l’affrontons de trois façons : en gardant toujours une longueur d’avance, en développant une propriété intellectuelle forte (brevets, marques…), et en attaquant le marché avec une stratégie très différente : par exemple, les grands groupes sont très forts dans les supermarchés, alors que nous, nous parions avant tout sur le Web » explique M. Serval.

Parier sur le web, c’est notamment lancer une campagne de crowdfunding, qui va à la fois donner un écho auprès de la cible, attirer l’attention sur le produit, et, parfois, tirer une partie du jackpot en pré-commande. C’est le cas – certes assez marginal- d’Hexo+, un drone équipée d’une caméra 360°, qui a vu son compteur exploser les scores, avec 900 000 dollars levés sur la plateforme, contre 50 000 escomptés au départ… Mais la route est encore bien longue avant de devenir mass market…et les fonds nécessaires sont vertigineux.

Pour d’autres, le choix se porte la commercialisation de solutions directement en BtoB. « Nous développons une plateforme de marque ingrédient, qui arrive en amont des marques de vêtements grand public » explique Jean-Luc Errant, fondateur et président de Cityzen Sciences, une start-up lyonnaise spécialisée dans les textiles connectés et soutenue financièrement à hauteur de 7,2 millions par Bpifrance. « Le modèle économique repose à la fois sur la licence d’utilisation de notre technologie (à la fois sur des solutions clé en main et sur des solutions développées sur mesure) d’un côté, la gestion et sécurisation des données de l’autre ». L’entrepreneur cible autant les sportifs que les acteurs du monde de la santé, même si pour des raisons réglementaires, ces produits mettront plus de temps à arriver au grand public. En s’adressant directement aux marques qui souhaitent développer une gamme connectée, la société vise un chiffre d’affaires de 2 à 3 millions d’euros dès 2015. Elle emploie aujourd’hui une trentaine de personnes.

AwoX développe notamment des ampoules LED dotés de haut-parleur Wi-Fi pour jouer de la musique partout dans la maison
AwoX développe notamment des ampoules LED dotées de haut-parleur Wi-Fi pour jouer de la musique partout dans la maison

« Les grands groupes s’intéressent aux objets connectés pour développer de nouveaux produits et services, mais aussi de nouvelles expériences clients. La technologie n’est pas forcément la principale barrière, c’est plutôt la vision du service que l’on veut proposer derrière. Intégrer un objet connecté dans un parcours client nécessite une vision beaucoup plus large et pose la question de l’ouverture des données à des systèmes externes » selon M. Leroux. « Lorsque l’on parle d’objets connectés, il faut voir de quoi l’on parle. En ce qui concerne les objets, comme les montres ou les bracelets, où la concurrence est très élevée, la valeur se porte sur des éléments plus intangibles : le design, la communauté, le marketing. Bien sûr de l’autre côté de la chaîne, les données sont un point clé de la création de valeur » ajoute M. Errant.

Toujours en BtoB, une autre entreprise française équipe peut-être déjà des appareils chez vous, sans même que vous ne le sachiez. C’est le Montpelliérain AwoX qui s’est introduit sur Euronext en avril pour lever 25 millions d’euros. La société vend des licences de technologies embarquées (lignes de code, logiciels, systèmes…) à des fabricants électroniques grand public pour leurs produits. Elle équipait ainsi 125 millions d’appareils dans le monde fin 2013. « Dès le départ, en 2003, nous voulions être le leader de la maison intelligente. Pour cela, nous devions d’abord maîtriser la technologie » explique Alain Molinié, fondateur et président.

Dix ans plus tard, AwoX publie un chiffre d’affaires de 7 millions d’euros et vise les 30 millions d’euros d’ici à 2016, soit une multiplication de plus de 4 en 3 ans. Pour accélérer, la pépite a également lancé en 2013 sa propre gamme de produits en marque propre comme des ampoules LED doté d’un système Hi-Fi pour diffuser le son d’une musique partout dans la maison. Avec un certain succès. Sur 42 employés, 20 sont dédiés à la R&D. Un effectif en ingénierie qui devrait bientôt doubler. La start-up s’émancipe et son ambition est claire : « nous voulons devenir une marque de référence ».

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Un commentaire

  1. Etonné de ne pas avoir entendu parler d’AwoX avant, on n’entend parler que de cas d’entreprises en déclin, cela fait du bien de lire des exemples de succès à la française !
    Franck | de Agence Gap

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