Olivier Nusse, d’Universal Music: les plateformes en ligne « ont besoin de nous »
Avec l'AFP
Spotify, Deezer, iTunes… « Les plateformes ne peuvent pas se passer de nous« , affirme à l’AFP Olivier Nusse, PDG d’Universal Music France (groupe Vivendi). Un lien réciproque, puisque les producteurs de musique dépendent des données sur les audiences détenues par les acteurs en ligne. Accéder à cette mine d’or est devenu un sujet de négociation permanent entre producteurs et distributeurs.
Mais les plateformes comme iTunes, et surtout les « pure players » comme comme Spotify ou Deezer, ont besoin des catalogues appartenant, pour l’essentiel, aux maisons de disques. « Elles ne peuvent pas nous contourner, contrairement à ce qui peut être le cas dans l’audiovisuel » où des plateformes comme Netflix se sont lancées dans la production, selon Olivier Nusse, également président du syndicat national de l’édition phonographique (Snep).
Un rapport de force qui se rééquilibre
Le marché de la musique se dématérialise rapidement même s’il reste dominé à 51% en France par les ventes de supports physiques, d’après le Snep. « Des phénomènes comme l’album de Johnny Hallyday (produit par Warner Music, Ndlr) vont avoir un impact fort en 2018« , remarque Olivier Nusse. Mais il table sur une bascule au plus tard en 2019, essentiellement grâce aux revenus du streaming (payant ou gratuit avec publicité), en forte croissance, tandis que le marché du téléchargement semble « amené à disparaître« . Dans ce contexte, le rapport de force avec les distributeurs, devenus des acteurs mondiaux, se rééquilibre.
Au cœur des négociations se trouvent la mise en valeur des artistes de chaque maison, notamment dans les playlists, principales sources de découverte et d’écoute pour les utilisateurs, mais aussi les fameuses données d’audience.
Capacité à acquérir et analyser des données
Combien de fois un morceau a-t-il été ajouté aux favoris, ou, au contraire, rejeté? Combien d’auditeurs uniques a eu un album sur une période définie? Quelle proportion de tel artiste trouve-t-on dans les playlists d’ambiance? Quel profil d’auditeurs écoute tel genre de musique? « Les catalogues constituaient l’actif principal, voire exclusif, des maisons de disques. Aujourd’hui notre capacité à acquérir et analyser des données (…) devient un actif aussi essentiel, pour pouvoir continuer à financer la production« , constate Olivier Nusse. « Les artistes qu’on fait rayonner créent une audience qui a une vraie valeur, sur les réseaux sociaux et les plateformes elles-mêmes« , continue-t-il.
« C’est un des axes importants pour nous, (…) rémunérer les artistes qu’on défend et les équipes qui les portent, à la hauteur des audiences qu’on développe. » Universal Music a engagé de nombreux « data scientists », des analystes des données. Leur accès aux données des plateformes, « c’est l’objet de discussions, sans cesse« . « Les contenus disponibles sur les plateformes sont produits et financés à 100% par les producteurs que nous sommes. Il semble donc totalement légitime que toute donnée qui émane de leur distribution nous soit accessible« , ajoute Olivier Nusse.
« Les gens sont prêts à payer »
Les données intéressent aussi ceux qui considèrent que le système de rémunération actuel, indexé au nombre d’écoutes, favorise les musiques « urbaines », comme le rap, dont raffole la population la plus consommatrice de musique, les jeunes. Mais Olivier Nusse reste prudent: « Tant qu’on n’a pas trouvé des aménagements qui permettraient de répartir un peu mieux les revenus sur les différents artistes dans les différents genres, il faut faire attention à pas mettre en péril ce qui est seulement en train d’émerger. » Le marché de la musique français n’est reparti à la hausse que depuis deux ans, après quinze années de décroissance.
En 2017, il ne représentait que 40% du pic de 2002, selon le Snep. En outre, « même chez des ados qui disent qu’ils n’écoutent que du rap, on s’aperçoit qu’ils écoutent beaucoup d’autres choses, comme de la variété française par exemple. » Le patron d’Universal Music se souvient aussi de l’époque toute récente où se formait l’idée dans l’inconscient public que la musique devait être gratuite. Les producteurs se sont battus contre un recours trop systématique aux formules basées sur la publicité. « Les abonnements payants sont de loin le mode de consommation le plus rémunérateur pour les artistes… Cela n’a pas toujours été facile à faire entendre« , se rappelle Olivier Nusse. Aujourd’hui le nombre d’abonnés payants en France, toutes plate-formes confondues, « dépasse les 5 millions. (…) Cela prouve que les gens sont prêts à payer. »
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