WORK CULTURE IRL

« On est en retard sur la roadmap » mais on passe 50% du temps en réunion

Faire plus de réunions pour rattraper le retard : l’illusion du management réactif

50 % du temps passé en réunion, et pourtant la roadmap produit accuse plusieurs semaines de retard. Ce constat, courant dans les scale-ups en hypercroissance, traduit une dérive managériale : croire que l’accumulation de points de synchronisation permettra de résoudre les problèmes de livraison. Dans les faits, elle les aggrave.

L’alignement, faux remède à la désorganisation

Lorsque les équipes prennent du retard, les réflexes sont souvent les mêmes : multiplier les comités, instaurer des daily stand-up étendus, créer des points de validation intermédiaires. L’intention est claire — améliorer la coordination — mais l’effet est contre-productif. Plus de réunions signifie mécaniquement moins de temps pour exécuter.

« Ce n’est pas parce qu’on parle plus d’un problème qu’on le résout plus vite ». L’alignement ne remplace ni la clarté, ni la décision. Il en devient même parfois un substitut toxique.

Un indicateur de gouvernance inefficace

La réunionite traduit souvent un dysfonctionnement plus profond : une gouvernance floue, des priorités mouvantes ou une absence d’ownership. Dans certaines organisations, aucune équipe ne peut trancher sans validation croisée, transformant la collaboration en une chorégraphie inefficace. Chaque décision suspendue appelle une réunion supplémentaire.

Dans ces contextes, le temps passé en réunion devient un indicateur inversé de performance : plus il augmente, plus l’entreprise révèle son incapacité à trancher rapidement. La vélocité baisse, non par manque de ressources, mais par dilution des responsabilités.

Le coût réel : vélocité, engagement, qualité

Les conséquences sont mesurables. D’après une étude menée par Atlassian, un employé tech consacre en moyenne 31 heures par mois à des réunions qu’il juge inutiles. Si ce temps n’est pas converti en décisions exécutables, il devient une dette organisationnelle.

Sur le terrain, les équipes techniques témoignent d’une perte de sens : « On passe notre temps à parler de delivery, mais personne ne code ». Le morcellement du temps de travail fragilise la concentration, pousse à la superficialité dans les tâches, et finit par altérer la qualité produit.

La réunion n’est pas le problème, c’est ce qu’on en fait

L’enjeu n’est pas d’éliminer les réunions, mais d’en redéfinir l’usage. Une réunion efficace sert à décider, pas à informer. Elle repose sur trois principes : un objectif clair, un ordre du jour limité, une issue actionable. Sans cela, elle devient une boucle de discussions sans fin, souvent prolongée par des réunions post-réunion.

Dans les entreprises les plus efficientes, la norme devient l’écrit : Amazon impose par exemple des mémos préparatoires de six pages pour chaque réunion stratégique. GitLab, en full remote, structure toutes ses décisions produit par des commentaires écrits dans Git. La réunion n’est alors que l’étape terminale d’un processus asynchrone, non son point de départ.

Rétablir la chaîne de valeur du temps

Pour sortir de l’illusion du management réactif, il faut replacer le temps de travail dans une chaîne de valeur. Chaque heure passée à coordonner doit générer un effet de levier sur la livraison. Cela suppose :

    • Une priorisation ferme par le leadership produit,
    • Une clarté des rôles (ceux qui décident, ceux qui exécutent),
    • Une culture du mémo, pour préparer et documenter l’action,
    • Une discipline dans le calendrier, pour sanctuariser les périodes de deep work.

L’objectif n’est pas de faire moins de réunions par principe, mais de se rappeler que la réunion est un outil, pas une solution. Quand elle devient la réponse réflexe à chaque problème, elle devient elle-même un problème.

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