
On n’industrialise pas l’IA avec des slides
HARD RESET : la chronique qui ne résout rien, mais tente quand même.
Il plane sur les comités exécutifs une douce illusion : celle que l’intelligence artificielle est déjà en train de transformer l’organisation. Pourtant, derrière le vernis des slides, un chiffre dérange : seulement 11 % des cas d’usage IA atteignent un niveau de production réel, selon QuantumBlack (McKinsey). Autrement dit, 89 % des projets IA échouent. Pas par manque d’intelligence artificielle mais par manque d’intelligence organisationnelle.
L’échec structurel des projets IA
Pourquoi échouent-ils ?
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- Parce qu’on demande à des technologies de rupture de s’adapter à des processus cassés.
- On attend d’un modèle de langage qu’il fluidifie une relation client déjà défaillante.
- On veut accélérer une supply chain dont les données sont fragmentées.
- On confie un projet stratégique à une task force sans pouvoir ni vision.
En réalité, l’IA met en lumière ce qui ne fonctionne pas dans les organisations : silos, dette technique, culture du contrôle, obsession du ROI à trois mois. Dans ce contexte, l’IA devient un gadget ou un fantasme.
L’IA n’est pas un outil, c’est une transformation
Il faut le dire clairement : l’IA n’est pas une surcouche. C’est une refondation.
Ce n’est pas une “expérimentation” dans un coin du SI. C’est une remise en cause des fondations :
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- Les architectures de données.
- Les systèmes opérationnels.
- La manière de décider, de déléguer, d’apprendre.
Et ce n’est pas à un Chief Data Officer isolé d’en porter la charge. Comme tous les sujets transformatifs, si le CEO ou le président ne s’implique pas personnellement, inutile de commencer. Ce sera un POC de plus, puis un échec de plus.
Le piège du « bon modèle, mauvaise cible »
On entend souvent : “Nous avons les meilleurs modèles, mais le projet ne décolle pas.” C’est que la plupart des projets IA sont des réponses brillantes à des questions mal posées. Le problème n’est pas le modèle, c’est la cible :
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- À quel moment du process la valeur est-elle réellement créée ?
- Qui utilisera ce modèle ? Et comment ?
- Quels sont les irritants métiers, pas les fantasmes techniques ?
La réponse ne vient pas d’un modèle open source. Elle vient d’une capacité à repenser les usages, les décisions, les workflows.
Comment inverser la courbe?
Sortir des 89 % d’échecs n’est pas une affaire de technologie. C’est une affaire d’exécution stratégique. Cela suppose :
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- Un sponsor exécutif fort, qui assume que l’IA est un projet de transformation, pas un gadget numérique.
- Une approche produit, pas projet, orientée vers l’impact utilisateur, pas la réussite technique.
- Une mise à l’échelle des conditions, pas des ambitions : pas de modèle IA sans pipeline de données robuste, pas d’industrialisation sans intégration dans le système existant.
- Une pédagogie sans relâche, pour éviter l’élitisme technologique qui isole l’IA du corps social de l’entreprise.
La décennie qui commence ne sera pas celle de l’IA.
Elle sera celle de ceux qui sauront l’opérationnaliser. Les autres auront le meilleur PowerPoint du board, mais le plus faible taux de mise en production.
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