Oui, on peut encore gagner de l’argent avec sa musique… ….mais différemment
2,5% de la production musicale représente 70% de la diffusion radio…Et l’an passé, 90 % des revenus des ventes en ligne sont allés à seulement 10 % des groupes. Il devient de plus en plus dur de développer et exposer de nouveaux talents, or c’est là que tout reste à faire.
On entend souvent l’expression “S’adapter ou mourir” concernant les maisons de disques. Je suis d’ailleurs la première à l’utiliser…
Ça peut sembler exagéré, menaçant… mais pour l’industrie musicale, il s’agit des deux seules alternatives. Et elles n’ont jamais semblé aussi réelles. Dans les prochains mois, EMI pourrait très bien disparaître. Et toutes les grandes maisons de disques se jettent à corps perdu dans des batailles perdues d’avance.
Alors que leur principal concurrent est la gratuité, elles ne se focalisent que sur l’éradication du partage de fichiers illégaux alors qu’elles devraient rentrer en concurrence frontale avec le gratuit et proposer des produits à forte valeur ajouté.
Imaginons que les maisons de disques aient compris cela il y a 10 ans au lieu de faire de la lutte contre le téléchargement illégal le cœur de leur business model. Nous aurions des fichiers DRM Free et un Itunes interopérable depuis des années…
S’adapter ou mourir donc…
Mais il reste de nombreux et différents leviers de monétisation (voir mon article surhttp://digitalmusic.tumblr.com/post/330391306/quels-sont-tous-les-canaux-de-revenus-potentiels-pour) et de nouveaux business modèles émergents, permettant aux artistes (comme aux labels) de pouvoir vivre de la musique.
Le marketing direct to fans – ensemble d’actions marketing se concentrant principalement sur la monétisation de la relation artiste et fan – est en plein développement. Ce business model ne dépend plus uniquement de l’air play radio ou les diffusions de clips en TV. Il dépend principalement de la relation entretenue entre les artistes et leurs fans.
Mike Masnick (rédacteur en chef de Techdirt) l’a très bien théorisé avec cette formule :
Connecting with Fans (CwF) + Providing a Reason to Buy (RtB) = $$$
En résumé, trouvez vos (vrais) fans, fidélisez les, donnez leur une raison d’acheter et à cette condition vous gagnerez de l’argent.
De nombreux artistes, maintreams ou indépendants ont radicalement changé de modèle marketing pour utiliser principalement le marketing direct to fan avec succès. Parmi les plus connus, citons les exemples de Nine Inch Nails, Radiohead, Imogen Heap, Amanda Palmer, David Byrne, les Beastie Boys, Weezer, Jonah Matranga, Exsonvaldes ou Cyril Paulus pour la Franc e…
Cela peut sembler assez facile: l’artiste entre en contact avec ses fans, leur donne une raison d’acheter et monétise. Mais comment savoir qui sont ses fans? Comment rentrer en contact avec eux?
Comment attirer leur attention quand il y a à peu près 6 millions d’artistes sur MySpace? Cela peut paraître simple pour NIN et Radiohead, qui ont bénéficié du soutien de leurs labels pendant des années, et qui possédaient un public déjà très important lorsqu’ils ont décidé de quitter leurs labels respectifs. Alors comment un artiste en développement, seul, peut émerger, attirer l’attention et gagner de l’argent?
Est-ce que le marketing direct to fan n’est pas mieux adapté aux artistes établis ou réfugiés des majors ?
En fait, cela est très simple si vous comprenez bien l’essentiel de ce modèle.
Le cas Trent Reznor
Trent Reznor, l’homme derrière le groupe Nine Inch Nails, a fait de très nombreuses expériences qui démontrent bien comment fonctionne ce modèle. Il en est même devenu le véritable précurseur et chef de file.
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=Njuo1puB1lg[/youtube]Reznor a toujours fait en sorte d’être proche de ses fans et a créé un des meilleurs sites d’artiste, avec forums, chat rooms et de nombreuses possibilités d’interaction. Il encourage également les fans a réellement interagir les uns avec les autres.
Alors que Warner Music a bloqué tous les clips de ses artistes sur Youtube pendant des mois, Reznor regroupe sur la home page de son site web toutes les vidéos prises par ses fans lors de ses concerts (il encourage ses fans à prendre photos et vidéos). Il a même créé une application Iphone gratuite qui permet à ses fans de se retrouver, de communiquer les uns avec les autres, et de partager photos et vidéos.
Tout le propos de Reznor est de bien comprendre comment attirer et se connecter avec ses fans et de les aider à mieux se connecter les uns aux autres, comme s’ils faisaient partie d’un club.
Et à partir de là, on a toutes les raisons d’acheter (Rtb=Reason to buy). Et Trent Reznor donne toutes les raisons d’acheter. Récemment, il a décidé de mettre en ligne gratuitement tout ce qu’il enregistrait. En effet, sachant que sa musique sera de toute façon sur les sites de partage de fichier, il ne voit aucune raison de perdre son temps à combattre cet état de fait.
Par contre, il ajoute à sa musique tellement d’options que les gens ont de toute façon envie de l’acheter. Lors de la sortie de son album Ghosts I-IV, il a mis en ligne tous les titres sous une licence Creative Commons permettant à tout le monde de les partager en ligne gratuitement.
Mais il a également mis en place des “raisons d’acheter” très simples. Vous pouviez acheter le CD 2 disques pour 10 $. Vous pouvez également acheter le Deluxe Edition pour 75 $ (coffret, CD, DVD, Blu-ray et un album photo).
Il a également mis en vente 2500 exemplaires d’un coffret Ultra Deluxe limited Edition à 300 $. Avec le coffret, vous aviez CD, DVD, Blu Ray, Vinyls de haute qualité et album de photos très rares sur une impression haute qualité. Mais, le plus intéressant est queReznor a signé lui-même tous les coffrets. De sa main.
Au final, il a vendu en moins de 30 heures les 2.500 coffrets pour un total de 750.000 $.
Si l’on regarde de près les chiffres de Reznor, on s’aperçoit qu’il donne sa musique, soit, mais que cela ne signifie pas qu’elle est gratuite.
En étant toujours au plus près de ses fans, il leur a donné une raison d’acheter. Et c’est ce qu’ils ont fait !
Dans la seule première semaine de sortie de son album, Trent Reznor a engrangé 1,6 million de dollars.
L’idée que l’on ne peut pas rivaliser avec le gratuit ou que le gratuit signifie qu’il n’y a pas de business model est un mythe. Quand la musique devient gratuite, cela ouvre de nouvelles opportunités pour des business modèles efficaces.
Le dernier album de Reznor, « The Slip », sorti il y a quelques mois, était également gratuit. Mais il est sorti le jour même de l’annonce de la tournée de la prochaine tournée de Nine Inch Nails. Ce que Trent Reznor demandait ? De lui laisser une adresse email si vous téléchargiez son album. Dès que vous aviez donné votre email, vous pouviez ensuite télécharger ses titres, en format FLAC (meilleur que le simple MP3).
Mais comme vous aviez laissé votre adresse email, vous avez donc reçu un email vous informant de la tournée, dans votre ville ou pas loin… et les tickets sont partis à toute vitesse.
La musique gratuite n’a pas nui à la capacité de Reznor à gagner de l’argent. Elle l’a même renforcée.
Alors oui me direz-vous mais Reznor n’est vraiment pas représentatif. Car après tout, sa fanbase, il l’a construite alors qu’il était encore signé sur un label. Et c’est ce « vieux modèle » qui lui a permis de sortir des albums, d’en faire la promotion, de construire safanbase et devenir une star du rock.
Alors même si on peut ergoter sur la conséquence réelle de sa signature dans un label dans la réussite actuelle de Reznor, il est intéressant d’étudier comment ce modèle marche pour de nombreux artistes, très différents, des superstars aux artistes en développement.
John Freese: une stratégie radicale
Josh Freese est un batteur, qui apparaît sur plus de 100 albums et se produit avec de nombreux groupes. Il a joué avec Nine Inch Nails, Guns N’Roses, Sting, Devo, The Vandals, The Offspring. Pourtant, en dehors des cercles spécialisés, il n’est pas vraiment connu. Quand il sort son deuxième album solo, Since 1972 , en mars 2009, il décide de mettre en place un système similaire à ce qu’avait fait Reznor sur Ghosts I-IV mais adapté à sa propre personnalité – En résumé, un peu extrême…
Il y avait donc la possibilité d’acheter la musique et les CD pour vraiment pas cher. Mais pour 50 $, John Freese vous appelait directement et vous pouviez lui parler 5 minutes, en lui posant toutes les questions que vous vouliez sur lui ou ses amis. Pour 250 $ vous pouviez déjeuner avec lui et pour 500 $ vous déjeuniez dans un restaurant très haut de gamme. Les déjeuners se sont vendus en une semaine environ.
À 2.500 $ (dans la limite de 5 packages), il vous donne une leçon de batterie (et vous pouvez garder une de ses caisses claires). Vous pourrez également visiter le musée de cire de Hollywood avec Freese et un de ses amis rockstar (à choisir dans une liste). Et puis vous pourrez aussi choisir 3 vêtements dans sa garde robe et les garder.
A 10,000 $, vous dinerez avec Freese et un de ses amis rockstar, avant d’aller à Disneyland toujours avec Freese. Et à la fin de la soirée, vous garderez la Volvo break de Josh – après l’avoir déposé chez lui. Evidemment, il n’y avait qu’un seul package de disponible.
Il y avait aussi des packages à 20.000 $ et à 75.000 $ avec des offres comme avoir Freese comme batteur dans votre groupe ou l’avoir comme assistant personnel pendant quelques semaines. Vous pouvez aussi partir en tournée avec lui. Il pourra même écrire et enregistrer une chanson sur vous. Un adolescent de Floride avait acheté l’option à 20.000 dollars, et a passé une semaine avec Freese, dont une nuit sur le Queen Mary, une soirée pizza chez et avec Mark Mothersbaugh (de Devo) et un mini-golf avec le chanteur de Tool.
C’est quoi être un artiste maintenant?
Alors là, on me dira, oui, mais est-ce qu’un artiste doit faire ça, ce n’est vraiment pas son métier… Oui mais d’abord, c’est quoi être un artiste maintenant? ne doit-il pas se poser la question constamment de comment monétiser, de comment se rendre visible, aller chercher du public..Et puis enfin, personne n’a obligé Freese à quoi que ce soit. Il a composé ses packages et s’est amusé tout seul. Et il ne conseille à personne de le faire. ET je ne le conseille pas non plus, ce qu’a fait Freese est plutôt radical.
Mais en se faisant connaître, en créant sa base fans, en leur donnant quelque chose qui avait réellement de la valeur (et qui lui plaisait), il a crée un business model qui a marché.
Bon, alors oui, d‘accord me dira t’on, mais Freese est un produit de la vieille industrie, il a des amis rock stars, ce n’est pas juste…
Jill Sobule: être proche de ses fans pour financer son album
Parlons alors de Jill Sobule, qui avait produit un hit en 1995 avec “I Kissed A Girl” (non non pas celui de Katy Perry). Depuis, elle a été virée par 2 majors puis 2 labels indépendants. Elle a donc décidé de faire appel à ses fans pour financer son nouvel album. Elle était déjà proche d’eux via Facebook, en lançant des concours tous les jours, en chattant, répondant aux questions…
Elle a donc lancé son site web «Jill’s Next Record» en offrant, comme Reznor et Freese de nombreux packages pour inciter ses fans à financer son album. En payant 200 $, ils avaient par exemple un accès gratuit à tous ses concerts. Ils pouvaient même avoir leur propre chanson de remerciement. Pour 5000 $, elle fait un concert chez vous, et n’a aucun problème à ce que vous fassiez payer l’entrée. Elle a fait environ 6 concerts. Pour 10,000$, vous pourrez chanter sur l’album. En fait, au départ, elle avait proposé ce package comme une blague, mais une femme au Royaume-Uni l’a acheté. Jill l’a donc fait venir à Los Angeles pour lui faire faire les chœurs sur son album.
Son objectif était de recueillir 75,000$, sans avoir aucune idée de ce qu’elle pourrait récupérer. Au final, elle a levé 80.000$ en 53 jours. Grâce à ça, elle est rentrée en studio, elle a enregistré son album et a pu embaucher un producteur.
Encore une fois, là vous pourrez me dire « oui, mais bon, elle avait enregistré un titre en 1995, alors ça compte pas.. », sauf que bon, depuis 1995, elle a été virée de 4 maisons de disques…
Corey Smith: donner sa musique peut rapporter gros
Alors, parlons de Corey Smith. Début 2000, Smith était un professeur de lycée, et artiste nuits et week-ends. Il a décidé de se consacrer uniquement à la musique. Il a commencé à tourner, en se concentrant particulièrement sur la construction de sa fan base en utilisant son site et réseaux sociaux.
Il donnait toute sa musique gratuitement sur son site web pour ramener des gens à ses concerts. Il offrait également des tickets en pré-vente à seulement 5$ (pour ses concerts), ce qui incitait ses fans à justement élargir le cercle en incitant famille, amis à en acheter. Il a donc considérablement développé sa fanbase. Il a également essayé différentes expériences et notamment celle de ne plus donner gratuitement sa musique sur son site web. Résultat: ses ventes sur Itunes ont diminué.
En 2008, Corey Smith a gagné près de 4 millions$, en grande partie grâce aux concerts qu’il a initié grâce à son site et réseaux sociaux. Et tout en donnant sa musique gratuitement, il a tissé des liens avec les fans en leur donnant une raison d’acheter.
Fanfarlo + Stratégie numérique réussie = succès
Fanfarlo est également un très bon exemple de l’utilisation du marketing direct to fan pour un groupe en développement. L’album du groupe, alors seulement travaillé par leur maison de disque sur Itunes s’est vendu à 850 exemplaires.
Le groupe, en reprenant la main sur son marketing et en s’associant avec TopSpin Media a alors vendu 13 000 albums. Sans compter l’accroissement très important du public à leur concert et l’augmentation des ventes de merchandising.
Ils ont appliqué différentes techniques, très simples, déjà utilisées avec succès par les vétérans du Direct to Fan (Nin, Weezer, Beastie Boys…): site web constamment remis à jour, points d’accès digitaux multiples mais très simplement gérés Flickr, YouTube, Facebook…), newsletters, emails, recommandation de groupe plus connus (Sigur Ros en l’occurrence a beaucoup recommandé Fanfarlo comme avait pu le faire John Mayer avec Passion Pit), offre de promotion spéciale sur l’album vendu à 1$ pendant quelques jours, applications et widgets…
Donner leur musique à 1$ n’a pas fait baisser les ventes. Bien au contraire. Cela a attiré de très nombreuses personnes sur le site. Qui ont écouté la musique. Puis acheté l’album et différents packages.
Alors bien sûr, tout le monde ne peut pas se payer le luxe d’être recommandé par Sigur Ros.
The Lights Out et le hashtag magique
The Lights out, groupe basé à Boston souhaitait développer leur visibilité et acquérir de nouveaux fans pour leurs tournées. Ils ont donc décidé d’organiser des concerts flash mob via twitter. Ils ont demandé à leurs followers quels étaient les meilleurs endroits, ont créé un événement sur Facebook, puis un hashtag sur Twitter pour regrouper tous les messages. Ce qui a décuplé l’intérêt des followers de leurs followers qui voulaient en savoir plus sur le pourquoi de l’hashtag, et ce hashtag s’est vite transformé en générateur de viralité. Le groupe a continué à twitter de l’événement et après, en repostant des photos, des commentaires. Au final, 70,000 impressions (couverture medias, twitter, twitpic) sur eux.
Jonathan Coulton: un morceau gratuit par jour
Jonathan Coulton était un programmeur informatique. En septembre 2006, il a décidé d’écrire, d’enregistrer et de sortir une nouvelle chanson par semaine pendant un an – toutes publiées sous licence Creative Commons, (ce qui veut dire que n’importe qui peut les partager). Et ça a bien été partagé.
Coulton est devenu une vraie sensation sur le web, et de plus en plus de fans le suivaient. Certains ont même créé des vidéos pour ses titres. Il vit maintenant de ses tournées, qu’il a initiées via le web. Il est également connu pour ses petites phrases comme “…you’ve got a more advanced recording studio in your laptop than the Beatles had when they made Sgt. Pepper’s, so record your music yourself.” Ou “Send out a million pieces of yourself to interact with potential fans. If they’re out there, they’ll find you — and hopefully sometime after that, give you money.”
Moto Boy: l’avenir est dans les boîtes à musique
Moto Boy est un auteur-compositeur interprète suédois sur le label « Songs I Wish I Had Written ».
Moto Boy et son label ont décidé de mettre tous ses titres sur les sites de partage de fichiers y compris The Pirate Bay. Mais dans le même temps, Moto Boy travaille beaucoup pour se connecter et interagir avec ses fans. Sur son site web, il encourage les fans à interagir avec sa musique. Quand ces fans ont commencé à filmer ses concerts et à les poster sur Youtube, son label a été cherché les meilleures pour les regrouper et en faire un « maxi concert YouTube ». Rien à voir avec certains labels qui forcent les artistes à retirer le contenu.
Même si sa musique est gratuite, il continue à se connecter de manière étonnante avec ses fans. L’année dernière, il a vendu sa musique dans des coffrets boites à musique. Il a même lancé des boites à musique en édition limitée (25) fabriquées à la main, signées par lui-même, avec un CD , les partitions et paroles. Tisser des liens avec les fans et leur donner une raison d’acheter au-delà de la musique a fait de Moto Boy un artiste reconnu en Suède.
Amanda Palmer: Do It Yourself 2.0
Amanda Palmer est la chanteuse des Dresden Dolls, un « duo punk cabaret » et a enregistré un album solo sur le label Roadrunner (filiale de Warner Music). Comme elle a trouvé qu’ils géraient plutôt mal sa promotion, elle a décidé de prendre les choses en main.
Elle a donc été chercher ses fans directement sur les réseaux sociaux, en étant notamment très active sur Twitter. Elle a ensuite offert des concerts flash un peu partout où on l’appelait. En Juin 2008, elle a fait un concert flash sur une plage de Los Angeles en proposant un titre qu’elle avait écrit le matin même suite à la suggestion d’un fan sur Twitter.
Ça a donné un super clip vidéo tourné par un fan. Elle a réussi à créer également son propre business model. Un soir, en discutant avec ses fans sur Twitter, elle a lancé l’idée de faire du merchandising avec des t-shirts qu’elle customiserait personnellement. Elle a tout mis en place en quelques heures (via des sites de merchandising sur internet) et a vendu pour 11.000 dollars de merchandising en quelques jours. Une autre nuit, via sa webcam, elle a lancé en direct une vente aux enchères en ligne pour différents articles de sa tournée, qu’elle personnalisait. En trois heures, elle a gagné 6.000 $.
Il y a encore quelques semaines, elle disait n’avoir toujours pas touché la moindre redevance de la part de son label sur son album.
Elle vient de quitter son label, et a écrit de nombreux articles sur sa nouvelle liberté et sa volonté de travailler et monétiser différemment sa musique.
Matthew Ebel: l’abonnement pour vivre de sa musique
Matthew Ebel est un chanteur de Boston qui a commencé à construire sa fanbase en jouant en live et en étant très actif sur les réseaux sociaux. Il a ensuite décidé de lancer son propre abonnement « backstage ». Pour 5$, 10 $ ou 15 $ par mois, les fans ont accès à différentes prestations, dont l’accès à des nouveaux titres toutes les semaines.
Selon leur abonnement, ils ont accès à des concerts, des cadeaux surprises, du merchandising ou des prestations uniques. Au final, Ebel réussit à vivre de sa musique à plein temps. Les abonnements représentent près de 40% de ses revenus, le reste provient de ses concerts, ventes de CD et ventes digitales. Tisser des liens avec les fans et leur donner une vraie raison d’acheter a fait en sorte qu’il peut avoir une carrière de musicien.
Moldover: l’avenir est dans les boîtes à musique
Moldover est un musicien électro de San Francisco. Il a eu une idée rigolote pour son nouvel album. Faire de la boite du CD un instrument de musique à lui tout seul. En cliquant sur un bouton, on a accès à tous les titres, avec possibilité de modifier et jouer avec. Il y avait même des capteurs de lumières et la possibilité de brancher la boite à son PC ou à un système audio.
Au final, alors que les CD étaient vendus à 50$, la demande a été beaucoup plus forte que l’offre. Donc même si on nous dit que personne ne paie pour la musique, en proposant quelque chose de très différent, cet artiste moins connu a réussi à attirer l’attention sur lui et à vendre.
Cyril Paulus: en France, Internet marche, aussi
Cyril Paulus est un chanteur compositeur, ayant sorti un album chez Sony en 2006, et remercié par sa maison de disque en Février 2009. Il a lancé sa propre plate-forme.
Le postulat de base était qu’il voulait faire en sorte que ses fans entendent son album. Il a donc décidé de ne pas le vendre mais de vendre un abonnement à son site. Il y a 3 formules 1 mois, 6 mois, et 12 mois, celui d’un mois coûte 6,99€ (ce qui revient à dire que rien que pour l’album, c’est 30% moins cher que sur les itunes et autres).
Il offre donc à ses abonnés le nouvel album, tous ses anciens titres en écoute illimitée, ses nouveaux titres au fur et à mesure, et d’autres avantages, comme une webtv qui diffuse en continu et propose des émissions spéciales 2 fois par mois, une messagerie vidéo pour que ses fans puissent se filmer et envoyer des messages, à lui ou à la communauté (encore une fois interaction entre les fans et lui et entre la communauté), et par la suite, des tarifs réduits sur les places de concerts…
Pour ça Cyril s’est formé à Final Cut pour la vidéo, a investi dans de bonnes caméras, a financé l’enregistrement de son album, s’est greffé une case “chef d’entreprise” et a rationalisé chaque centime investi…
Résultat : ouverture le 15 décembre 2009 et ça marche. Comme il dit, il est 10 fois plus heureux quand un abonné décide de renouveler son abonnement pour un an, que quand il vendait 100 albums en 2007.
Tout ça ressemble beaucoup à ce que fait Trent Reznor me direz-vous. Oui, sauf que Cyril Paulus n’avait jamais entendu parler de ce que faisait Trent Reznor. Preuve que ce Direct To fan semble naturel à beaucoup d’artistes.
Charly et sa drôle de dame: le saut dans l’Internet
Charly et sa drôle de dame est un artiste en développement, mais en vrai de vrai développement. Il a commencé il y a quelques années et toujours pas de label, de tourneur, de manager, de fans…
Qu’est ce qu’il a fait? Il s’est remis en question et s’est dit que sa communication n’est peut-être pas la meilleure. Il investit doncTwitter, arrive à se construire une petite communauté de fans, construit un site à son image, se bâtit une histoire… le résultat : il n’a toujours pas de tourneur, de manager, mais il a des fans. Et son nom commence à circuler, sa signature commence à être reconnue…en quelques mois, il a fait plus qu’en quelques années.
Exsonvaldes dans ton salon
Exsonvaldes est un jeune groupe rock folk français. Troisième album soit, mais pas beaucoup de visibilité media. Qu’importe, inspiré par l’exemple de Jonah Matranga aux Etats-Unis, déjà très actifs sur Internet (ils sont sur Twitter, Facebook, ont leur propre site et un Bandcamp), ils décident de développer leur visibilité et leur fan base en faisant des concerts en appartements.
Ils lancent une invitation un peu comme une boutade à la fin d’un concert (« Hé, on va dans telle ville, quelqu’un pour nous accueillir chez lui pour un concert ? »), et au final ont fait un peu plus de 40 concerts en appartements maintenant (en plus de leur tournée). Le résultat : augmentation de leur notoriété, visibilité, et de leur fans base (oui car celui qui invite invite des gens qui ne connaissent pas forcément Exsonvaldes) et des ventes de leur merchandising.
En effet, ils vendent du merchandising à la fin de chaque concert en « pay what you want » (vous donnez ce que vous voulez). Au final, ils gagnent 20% de plus sur le merchandising que sur des prix fixés. Pourquoi? Grâce à l’interaction. Assister à un concert gratuitement, qui vous plaît, avec un artiste à quelques mètres de vous, ça crée un vrai lien émotionnel. Et ça se voit sur les ventes…
Bien sûr, ce ne sont que des artistes, mais tous ces nouveaux modèles sont en train d’impacter l’écosystème.
Des entreprises innovantes pour soutenir ses artistes 2.0
De nouvelles entreprises se sont créées, comme TopSpin, Nimbit et Kickstarter pour soutenir les artistes (et/ou les labels) dans ces évolutions. TopSpin aide les artistes (et/ou labels) à mieux communiquer avec leurs fans et à monétiser. Et on constate que quand c’est bien fait, les gens achètent. Par exemple, un artiste travaillé par TopSpin voit le panier moyen de ses fans atteindre les 100 $, et plusieurs artistes ont un panier moyen de fans à 50 $.
Dire que les gens ne veulent que la gratuité n’est pas corroboré par ces exemples. Dans l’ensemble les artistes utilisant TopSpin ont panier moyen d’achat par les fans à 20 $ …donc plus que le prix d’achat d’un CD.
Et, bien sûr, les labels ont un rôle à jouer. Il s’agit d’un business model pour les artistes et pour les labels. Le futur est le direct to fans. Et ce futur est le même pour les labels.
D’ailleurs, certains labels comme Universal Motown indique que les artistes qui ne comprennent la nécessité et la responsabilité de communiquer avec leurs fans ne sont probablement pas des artistes qu’ils signeront:
There may be some indie hipper-than-thou artists who want to let the music speak for itself, they are probably not for us. We believe an artist has a responsibility to communicate with their audience…We embrace the world of technology and the vast improvements in communication.
Cameo Carlson, executive vice president at Universal Motown Republic Group.
Dans ces domaines, Universal Music vient d’ailleurs de finaliser un partenariat avec Mozes et Big Champagne et Warner Music avec Cisco. Certains gros artistes majors n’ont pas attendu ces partenariats pour se lancer dans le direct to fan. Mariah Carey, Lady Gaga, Prince ou Bowie l’utilisent depuis longtemps.
Un album de remix fait par des fans
Terry McBride est le patron de Nettwerk, un label canadien qui utilise ces business models avec beaucoup d’artistes différents. Il a déclaré que le droit d’auteur ne voudrait plus rien dire d’ici une décennie, et qu’il essaie donc d’agir en conséquence. Son objectif prioritaire est de s’assurer que chaque action lui permet de réellement communiquer avec les fans de ses artistes.
Avant la sortie l’album de l’artiste K-OS (Hip hop), ils avaient lancé sur internet toutes les pistes de l’album, permettant aux fans de faire leur propre mix. Ce n’était même pas un remix car les titres n’avaient même pas encore été mixés.
Plutôt que de s’angoisser à cause des fuites éventuelles sur l’album, ils ont préféré laisser les fans faire ce qu’ils voulaient des titres, sans s’en inquiéter. Ils ont proposé ensuite aux fans de mettre leurs mix sur un site, de voter et les meilleurs mix ont été mis sur un album. L’album pro et l’album fan ont été lancés en même temps.
De nombreux fans ont achetés les deux albums qui se sont retrouvés en même temps dans le top 50.
Il faut donc arrêter la nostalgie du « avant c’était le bon temps » pour se concentrer véritablement à développer ces business models. Ce marketing n’a rien de nouveau. Il s’agit simplement d’un retour aux racines. L’artiste qui va s’adresser directement à ses fans. Et Internet permet maintenant de le faire rapidement, facilement et mondialement…Je ne dis pas que le marketing direct to fan est la seule olution. Je pense simplement qu’il s’agit d’une des solutions, parmi d’autres, à ne pas négliger.
Le connect to fans: un retour aux sources
D’ailleurs dans le milieu des années 1970, le groupe folk canadien “Stringband” réunissaient les noms et adresses de ses fans à chaque concert et leur envoyaient des cartes postales pour les informer des concerts, des fêtes, nouveaux albums….Pour leur 3ème album (1977), ils ont demandé à leurs fans de les aider (10 $ ou 15 $). Ceux qui les aidaient étaient invités à faire les chœurs en studio avec le groupe pour compléter l’album, et l’album a été appelé «Merci aux personnes suivantes….” avec les noms des centaines de gens qui les avaient aidés imprimé sur la pochette du disque, et quelques centaines d’autres sur la page d’insert … le disque a été envoyé à chaque donateur (frais de port avait été payé avec les dons).
Donc cette formule du CwF + RtB peut être valable n’importe quand.
Encore une fois, toutes les campagnes marketing sont différentes, et doivent être pensées en vue d’améliorer les forces et opportunités de chaque artiste. Les outils vont également continuer à évoluer mais le principe de déterminer ses objectifs principaux (« Je veux que mon widget soit sur 100 sites cette année » ou « 50 000 visiteurs uniques ce mois ci » ou que « mon titre soit écouté 10 000 fois » ou que » j’arrive à collecter 5000 emails de fans » ou que « le panier moyen d’achat de mes fans soit de 30 € sur mon site ») et de travailler à développer sa fanbase pour les atteindre ne changera pas. Nous n’en sommes qu’au démarrage du direct to fan.
Des maisons de disques aux maisons de musique
Le rôle des maisons de disques doit également évoluer. Son rôle de base, indispensable, ne changera pas, en facilitant la commercialisation et la distribution des artistes. Imaginons maintenant que les maisons de disques deviennent des maisons de musique, vendent des gammes de produits beaucoup larges que des CD, permettent aux artistes de proposer des packages à valeur ajouté et donnent également une chance réelle à la distribution digitale en comprenant qu’Internet n’est pas qu’une plateforme de distribution, mais un moyen réel de diffusion et de monétisation.
Imaginons également qu’elles comprennent pleinement le rôle du consommateur, améliorent sa connaissance et son suivi (un consommateur n’est pas seulement un acheteur ou un pirate).
Imaginons qu’elles utilisent un music marketing créatif, utilisant les nouvelles technologies, nouveaux outils et réseaux sociaux, mixant la musique,graphisme, social, communautaire et recommandation…
Plus que jamais, la musique est et doit rester une expérience et non un produit…
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Illustrations CC Flickr par Nine Inch Nails Official, Hoong Wei Long, _astracan_, ekai, Johanna B.
Merci pour le re-rewriting et visuels à Guillaume Ledit (@leguillaume) d’Owni.fr
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Excellent article.
A noter qu’aucune plateforme légale de distribution de musique via BitTorrent n’a été créé. Et pourtant, le succès serait au rendez-vous. A lire un cahier des charges pour un projet (business plan compris :) : « music & freemium » en 4 parties sur mon blog:
http://blog.mediacker.com/2010/02/music-freemium-part-1.html
Parallèle étonnant avec mes projets artistiques du moment, et des tas d’infos utiles pour les rendre encore plus pertinents…
Excellent article ! Merci