Pacte d’associés: quelles clauses sont les plus problématiques lors de la vente d’une startup ?
Les pactes d’associés, accords entre startups et investisseurs, déterminent les droits, obligations et protections des parties en vue d’un investissement. Comprendre leurs clauses, et en saisir les implications financières et stratégiques, est crucial pour négocier un pacte d’actionnaires ad hoc.
Pour en parler, nous avons interrogé Romain Cottard, Managing Partner d’ADER Finance, spécialiste des levées de fonds et du M&A, ainsi qu’Olivier Sanviti, avocat et dirigeant du cabinet ACT LEGAL
Quelles clauses sont les plus problématiques lors de la vente d’une startup ?
Pour Romain Cottard, la clause de liquidation préférentielle est souvent un point de friction majeur :
En premier, la clause de liquidation préférentielle, qui donne le droit aux investisseurs financiers de récupérer leur argent en priorité lors de la vente d’une start-up ; cette clause quasi systématique peut être un véritable frein à une vente lorsque le prix proposé par les acquéreurs n’est pas aussi élevé qu’anticipé, ce qui peut provoquer une situation où une très grosse partie (voire la totalité) du prix de vente va dans la poche des investisseurs financiers. »
Olivier Sanviti souligne quant à lui la complexité de ces clauses et l’importance d’un accompagnement juridique adapté :
Il existe des dizaines de types de clause de liquidation préférentielle, les pièges peuvent être nombreux et chaque détail, chaque mot compte. Mon conseil est simple : soyez bien accompagné par un avocat ayant l’habitude de ce type de clause et connaissant les standards de marché. »
Autre clause pouvant poser problème : la clause d’obligation de sortie conjointe (drag along), qui permet de forcer une vente si un certain pourcentage d’actionnaires (généralement 70-80%) accepte une offre de rachat.
Elle peut parfois être problématique lorsque le seuil nécessaire pour déclencher la vente n’est pas atteint. »
Enfin, la clause de liquidation forcée, qui permet aux investisseurs d’imposer la vente d’une startup après cinq ans sans l’accord des fondateurs, est souvent perçue comme une menace. Pourtant, Romain Cottard nuance cette idée reçue :
Contrairement aux idées reçues, la clause de liquidation forcée, permettant aux investisseurs financiers entrés au capital d’une start-up il y a 5 ans de la mettre en vente même sans l’accord des fondateurs n’est que très rarement problématique : il est quasiment impossible de vendre une start-up encore jeune (et donc souvent dépendante opérationnellement de ses fondateurs) sans la pleine coopération de ses fondateurs (alors que c’est bien plus courant pour des sociétés plus matures de type private equity). »
Quelles clauses influencent l’attractivité d’une startup lors des tours de financement suivants ?
Selon Romain Cottard, certaines clauses sont rassurantes pour les investisseurs, tandis que d’autres peuvent être un frein :
Les clauses de good/bad leavers (promesses de cessions de parts en cas de départ) qui s’appliquent aux fondateurs de start-up sont très rassurantes pour les investisseurs, car elles permettent de s’assurer de la présence opérationnelle des fondateurs pendant la durée de l’investissement ; elles sont d’ailleurs quasiment toujours demandées lors d’une levée de fonds. »
« Les clauses d’inaliénabilité des titres, empêchant les actionnaires (souvent fondateurs) de vendre leurs titres pendant une certaine durée sans l’accord des investisseurs sont également de nature à rassurer les investisseurs, en leur garantissant que personne ne « quitte le navire » en cours de route, et que les intérêts de chacun soient donc alignés. »
Toutefois, certaines clauses peuvent compliquer les levées ultérieures. C’est notamment le cas des clauses de ratchet, qui ajustent la participation des investisseurs historiques si un tour ultérieur se fait à une valorisation inférieure à la précédente :
Enfin, les clauses d’ajustement ou de « ratchet » peuvent compliquer des tours de financement ultérieurs : cette clause permet aux investisseurs historiques de se reluer au capital si le tour de financement ultérieur se fait à une valorisation moins élevée que le tour précédent ; on a beaucoup vu ces clauses s’appliquer en 2023 et 2024 du fait de la baisse des valorisations vs. 2020 et 2021 ; quand elles sont appliquées, l’impact sur la répartition du capital est parfois violent et peut compliquer un tour ultérieur dans lequel les fondateurs seraient trop dilués. »
Comment les clauses des term sheets diffèrent-elles entre les startups early-stage et celles en phase de scaling ?
Si la majorité des clauses restent similaires, certaines évoluent à mesure que la startup gagne en maturité.
Romain Cottard identifie plusieurs différences majeures :
Une grande majorité des clauses juridiques sont similaires entre les start-ups early-stage et celles en phase de scaling. Néanmoins, on note quelques différences/évolutions :
Tout d’abord, les seuils financiers : là où des fondateurs de start-ups doivent souvent demander l’accord de leurs investisseurs pour recruter un profil non prévu avec un salaire supérieur à 100k€ bruts annuels, ou souscrire un emprunt supérieur à 100k€, ces seuils sont généralement plus élevés pour des sociétés plus matures, et les dirigeants ont les mains « plus libres » dans leur gestion opérationnelle. »
Ensuite, les clauses régissant la gouvernance (qui dirige la société ?) évoluent : là où des fondateurs de start-up early-stage ne peuvent souvent pas être révoqués (parce qu’ils détiennent une forte majorité du capital et que la survie et le succès de la société dépendent d’eux), les start-ups en phase de scaling ont généralement un pacte d’actionnaires qui permet aux actionnaires de révoquer si besoin les dirigeants (c’est rare, mais cela arrive). »
Enfin, les clauses de good/bad leavers et d’inaliénabilité des titres sont également plus souples : au fur et à mesure qu’une société grandit, elle est de moins en moins dépendante de ses fondateurs, et les mécanismes cherchant à « verrouiller » ces fondateurs opérationnellement ou capitalistiquement sont moins durs. »
Pour Olivier Sanviti, les clauses les plus sensibles concernent la gouvernance et le départ des fondateurs :
Si la question de la valorisation est résolue (ainsi que l’éventuelle ventilation entre les actions et les obligations à créer)… sont relatifs à la gouvernance (places au Board, vétos éventuels, liste des décisions importantes et stratégiques), et liées au départ des fondateurs (good, medium et bad leaver). »
Il insiste aussi sur un point souvent négligé : les aspects assurantiels d’un deal :
Les aspects assurantiels d’un deal sont parfois négligés. Il est super important d’avoir une assurance RCMS (responsabilité civile des mandataires sociaux – très utile surtout si la société est liquidée judiciairement…) et une GSC (Garantie Sociale des Chefs et dirigeants d’entreprise – assurance chômage privée bien utile quand le dirigeant est révoqué de son mandat social…). »
Petit lexique des clauses de pacte d’associés à bien connaitre:
Les clauses économiques : une priorité financière
Préférence de liquidation
La préférence de liquidation garantit aux investisseurs un retour prioritaire en cas de liquidation, vente ou fusion de l’entreprise. Elle peut inclure :
- Non-participative (1x) : L’investisseur récupère son investissement initial avant tout partage des bénéfices.
- Participative (1x + bénéfices) : L’investisseur récupère son capital, puis participe au partage des bénéfices restants.
Exemple : Une startup se vend pour 10 M€. Un investisseur ayant injecté 5 M€ avec une préférence 1x non-participative récupère ses 5 M€, et les 5 M€ restants sont répartis entre les autres actionnaires. Avec une clause participative, il récupère ses 5 M€ plus une part proportionnelle des bénéfices restants.
Impact | Entrepreneurs | Investisseurs |
---|---|---|
Avantages | Attractivité pour les investisseurs | Sécurisation du retour sur investissement |
Inconvénients | Réduction des gains des fondateurs | Moins intéressant pour des valorisations élevées |
La clause anti-dilution
Elle protège les investisseurs contre la dilution en cas de levée ultérieure à une valorisation inférieure. Deux mécanismes sont courants :
- Full Ratchet : Ajuste totalement la valorisation initiale au prix de la nouvelle levée.
- Weighted Average : Ajuste partiellement selon une moyenne pondérée entre prix ancien et nouveau.
Exemple : Un investisseur détient 10 % d’une entreprise valorisée à 10 M€. Si une levée est effectuée à 5 M€, le Full Ratchet lui permet d’augmenter sa part pour conserver la même valorisation unitaire que lors de l’investissement initial.
Impact | Entrepreneurs | Investisseurs |
---|---|---|
Avantages | Facilite l’obtention de financements | Protège la valeur économique des actions |
Inconvénients | Forte dilution des fondateurs | Peut ralentir les tours futurs |
Milestones Clause (Tranches d’investissement)
Les fonds sont libérés en plusieurs tranches, conditionnées à l’atteinte d’objectifs préalablement définis, comme le lancement d’un produit ou l’atteinte de chiffres d’affaires.
Exemple : Un investisseur engage 5 M€, avec une première tranche de 2 M€ débloquée immédiatement, et les 3 M€ restants conditionnés à l’acquisition de 10 000 utilisateurs.
Impact | Entrepreneurs | Investisseurs |
---|---|---|
Avantages | Encourage la performance | Réduit le risque d’exposition |
Inconvénients | Pression pour atteindre rapidement des objectifs | Complexité opérationnelle accrue |
Clauses de contrôle : équilibrer influence et autonomie
Représentation au conseil d’administration
Cette clause permet aux investisseurs d’obtenir un siège ou un rôle d’observateur au conseil, leur offrant une supervision directe sur les décisions stratégiques.
Exemple : Un fonds détenant 25 % du capital exige un siège pour influencer les décisions stratégiques, notamment les levées de fonds et acquisitions.
Impact | Entrepreneurs | Investisseurs |
---|---|---|
Avantages | Apporte de l’expertise externe | Supervision directe sur la gestion stratégique |
Inconvénients | Réduit l’autonomie décisionnelle | Peut alourdir les processus de gouvernance |
Droit de premier refus (ROFR)
Les investisseurs peuvent acheter en priorité des actions mises en vente par d’autres actionnaires.
Exemple : Un employé souhaite vendre ses actions. Les investisseurs existants peuvent exercer leur ROFR pour conserver le contrôle de la structure d’actionnariat.
Impact | Entrepreneurs | Investisseurs |
---|---|---|
Avantages | Protège contre l’entrée d’actionnaires indésirables | Maintient l’influence sur la structure d’actionnariat |
Inconvénients | Limite la flexibilité des fondateurs | Peut alourdir les négociations secondaires |
Drag-along et Tag-along Clauses
- Drag-along : Permet aux investisseurs majoritaires de forcer les minoritaires à vendre leurs actions lors d’une cession.
- Tag-along : Donne aux minoritaires le droit de participer à une vente initiée par les majoritaires.
Impact | Entrepreneurs | Investisseurs |
---|---|---|
Avantages | Simplifie les processus de sortie | Protège les droits des minoritaires |
Inconvénients | Peut contraindre les fondateurs à vendre | Complexifie les grandes transactions |
Clauses spécifiques et rares
Sustainability Clause (Clause ESG)
Les investisseurs imposent des engagements ESG (Environnement, Social, Gouvernance) à l’entreprise, comme l’atteinte de certains seuils de parité ou de réduction d’empreinte carbone.
Exemple : Une startup s’engage à atteindre la neutralité carbone d’ici 3 ans pour respecter une exigence d’un fonds d’investissement dédié aux technologies vertes.
Redemption Rights Clause
Permet aux investisseurs de forcer le rachat de leurs actions après une période donnée si aucune sortie (IPO, acquisition) ne s’est produite.
Exemple : Après 7 ans sans événement de liquidité, un fonds peut demander le remboursement de sa participation initiale.
Impact | Entrepreneurs | Investisseurs |
---|---|---|
Avantages | Offre une flexibilité temporelle | Garantit une sortie même sans IPO |
Inconvénients | Crée une pression financière à long terme | Peut décourager des tours futurs |
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