
Paul-François Fournier : comment Bpifrance veut armer l’économie française
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A l’occasion d’un entretien exclusif accordé à Frenchweb, Paul-François Fournier, Directeur Général de Bpifrance, revient sur les enjeux clés de l’innovation souveraine en France : accélération Deep Tech, nouveaux fonds crypto, stratégie défense, et structuration du capital-risque européen.
Six ans après le lancement du Plan Deep Tech, Bpifrance s’impose comme l’un des moteurs stratégiques de l’État dans le financement de l’innovation. Dans un échange avec Richard Menneveux, Rédacteur en chef de Frenchweb, Paul-François Fournier dresse un bilan d’étape du plan, et esquisse les grands défis à venir : dépendance au financement public, difficulté d’attirer les fonds privés, réindustrialisation par l’innovation, percée européenne du capital-risque, et émergence de nouveaux modèles technologiques en crypto et en défense.
Deep Tech : des chiffres et un cap assumé
Le programme Deep Tech, déployé avec France 2030, visait à remettre la science au cœur de l’économie réelle via la création de startups technologiques. L’objectif ? Passer de 160 à 500 startups Deep Tech créées par an. En 2024, on atteint déjà les 385.
Ces startups se structurent autour de trois grands piliers :
- Les sciences de la vie (biotech, parcours de soin digitalisé)
- Les green tech (batteries, biodiversité, agritech)
- Les technologies dites « souveraines » (IA, quantique, semi-conducteurs)
“Les startups sont le meilleur vecteur pour transposer la science dans l’économie réelle.”
Le besoin massif de capitaux privés
Bpifrance reconnaît que l’écosystème Deep Tech est encore trop dépendant du financement public. Si la banque publique assume son rôle moteur, l’objectif est de ramener sa part à 20 %, comme dans le digital.
Problème : il faudra 30 milliards d’euros pour financer les séries A et B des 6 prochaines années. L’enjeu est donc d’attirer le capital privé, européen notamment, et de créer des fonds spécialisés.
“Nous avons créé les conditions. Maintenant, il faut drainer les capitaux.”
Crypto : comprendre pour anticiper
La création d’un fonds de 25 M€ spécifique aux actifs numériques marque un tournant : Bpifrance veut comprendre les infrastructures du Web3, pas spéculer sur les cryptos.
Objectif : identifier les briques technologiques utiles à la finance et au marché secondaire. L’approche est modeste mais stratégique : tester en investissant, sans attendre.
“La crypto, ce n’est pas du bricolage. On veut comprendre en faisant.”
Defense Tech : vers un modèle dual civil/militaire
Deux fonds spécifiques (Definvest et Innovation Défense) soutiennent des startups à la frontière entre civil et militaire. Bpifrance pousse une logique de dualité : IA, quantique, drones, spatial, autant de technologies utilisables dans les deux mondes.
Mais pour que l’écosystème décolle, il faut un changement culturel dans les grands groupes et une acculturation du secteur défense au modèle startup.
“L’achat innovant par l’Etat est une clé. La DGA doit devenir un client test.”
Paul-François Fournier plaide pour une saine compétition intra-européenne (France, Allemagne, Pays-Bas…) mais une convergence sur le capital-risque.
Objectif : faire grossir des fonds Series A/B à portée européenne, attirer des LP internationaux et créer un marché fluide du capital.
“Nous voulons une plateforme française à base européenne. Et tout le monde joue européen.”
Exits industriels : la prochaine bataille
Si les startups Deep Tech veulent croître, il faudra générer des sorties. Bpifrance appelle à une transformation de la culture d’innovation des grands groupes : investir, racheter, consolider.