
L’électronique atteint ses limites. Alors que les modèles d’intelligence artificielle deviennent de plus en plus massifs, connectés et complexes, les géants de la tech et les startups misent désormais sur la photonique pour franchir une nouvelle frontière technologique : transmettre l’information non plus par des impulsions électriques, mais par la lumière. Au cœur de cette course silencieuse mais décisive, un objectif : reconstruire l’infrastructure matérielle de l’IA à l’échelle de demain.
Un goulot d’étranglement invisible, mais critique
L’efficacité des systèmes d’IA ne dépend plus uniquement de la puissance brute des puces, mais de la vitesse et la capacité à faire circuler les données entre elles. Avec l’essor des architectures distribuées — plusieurs dizaines voire centaines de puces interconnectées pour entraîner un seul modèle —, les limitations physiques des connexions électriques deviennent un frein majeur : pertes d’énergie, latence, surchauffe.
La photonique, qui utilise des signaux lumineux pour transférer les données, offre une bande passante bien plus large, sans dissipation thermique équivalente. C’est cette rupture que cherchent à exploiter les leaders du secteur, conscients que la prochaine génération d’IA reposera autant sur l’interconnexion que sur le calcul.
Une dynamique alimentée par les géants… et les capital-risqueurs
NVIDIA, AMD, Google, Microsoft, OpenAI, Meta : tous investissent dans des solutions optiques, en interne ou via des partenariats. NVIDIA teste déjà des modules photonique dans sa gamme de composants réseau. AMD explore des designs co-packagés combinant puces et interconnexions optiques.
Dans leur sillage, des startups comme Lightmatter ou Ayar Labs lèvent des centaines de millions d’euros pour concevoir les briques photoniques de cette future infrastructure. Lightmatter, récemment valorisée à 4,1 milliards d’euros, propose par exemple des interposeurs et chiplets optiques qui viennent s’insérer directement sous ou sur les puces d’IA. L’objectif : rendre la photonique compatible avec les chaînes de production actuelles, sans tout reconstruire.
Une rupture industrielle comparable à l’arrivée du GPU
Comme le GPU a permis le passage de l’IA expérimentale à l’IA générative, la photonique pourrait permettre le passage à l’IA opérationnelle à très grande échelle. Elle adresse un double enjeu :
- La montée en charge des modèles : de GPT-3 à GPT-5, le besoin d’interconnexion interne explose.
- L’efficacité énergétique : alors que les coûts de calcul s’envolent, la photonique promet de réduire drastiquement la consommation liée aux échanges de données.
Des verrous technologiques à lever avant le passage à l’échelle
Si la photonique promet une rupture en matière de performance, sa généralisation se heurte encore à plusieurs obstacles techniques et industriels. Miniaturisation des composants, contrôle de la dissipation thermique, coûts de fabrication élevés et absence de standards de production freinent son intégration à grande échelle. C’est ce qui explique pourquoi, malgré des démonstrations convaincantes, NVIDIA ou AMD n’ont pas encore basculé vers une adoption massive dans leurs architectures commerciales.
Pour autant, de nombreux observateurs estiment que le basculement pourrait s’opérer d’ici deux à trois ans, sous la pression combinée de la montée en complexité des modèles d’IA et de la nécessité de repenser l’efficacité énergétique des infrastructures. À mesure que les chaînes de production s’adaptent, la photonique pourrait s’imposer comme le nouveau socle matériel de l’IA distribuée.
👉 La photonique en IA : ce qu’il faut retenir
- Accélérer les connexions entre puces est devenu aussi critique que le calcul lui-même.
- La photonique permet une bande passante bien plus large avec moins d’énergie dissipée.
- Startups et géants investissent massivement pour industrialiser cette approche.
- Lightmatter, Ayar Labs, Intel, NVIDIA, AMD, Meta font partie des acteurs clés de cette transition.
- L’enjeu : bâtir l’infrastructure de l’IA générative et distribuée de demain