Pourquoi 81% des initiatives d’expérience clients sont des échecs?
Que vous travaillez dans les produits ou les services, en B2B ou B2C, Mc Kinsey l’affirme, la quasi intégralité des réussites exceptionnelles en business sont centrées sur l’expérience clients. Par conséquent, il est évident que cette dernière est un élément stratégique pour la quasi intégralité des entreprises.
Pourtant, la réalité est bien différente.
Le service clients est dédié à résoudre les problèmes de l’entreprise pas du client.
Faibles est le nombre d’entreprises du 20ème siècle à être centrées clients – les salariés sont centrés sur leurs carrières donc centrés sur leurs boss, la politique interne, les produits…le client arrive en bout de file. A l’heure du web social, on veut à tout prix éviter une crise via Twitter, passer trop de temps au téléphone avec un client alors on essaie de trouver des solutions.
En réalité, on ne réfléchit au client que par le coût qu’il implique.
Vieille réalité, le client est considéré comme un coût plutôt qu’un atout pour la majorité des marques. Et puis avouons-le, la conquête et la séduction sont beaucoup plus agréables que la fidélisation… C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, on essaie de transformer les centres clients (comprendre « coûts ») en centres de revenus.
Vous n’avez jamais trouvé cela particulièrement énervant d’appeler un service client pour un souci et qu’ils essaient de vous vendre des produits/services en plus ? « Mais puisque je vous dis que je n’aime pas vos t-shirts et qu’ils ne me vont pas, ne me donnez pas un crédit à dépenser sur votre site pour cette terrible expérience, je ne peux rien en faire… » Cela vous rappelle quelque chose ?
Cette notion n’est évidemment pas nouvelle, mais, par contre elle est bien réelle. L’expérience client est évidemment considérée par la plupart des entreprises, mais simplement comme un programme et non pas comme une manière d’envisager le business.
Par conséquent, les initiatives visent simplement à améliorer les process existants afin d’avoir des clients satisfaits. Vous ne voulez pas des clients « satisfaits », vous voulez qu’ils vous aiment !
La pyramide de l’expérience clients
J’aime beaucoup cette pyramide de l’expérience client que mon ami Augie, expert de l’expérience clients chez Gartner, a mis en place : Il explique très bien les différentes étapes et la problématique d’envisager la pyramide en débutant par le bas :
Me donner les informations que je peux utiliser: sans doute la forme la plus faible de l’expérience clients. Cela consiste à simplement donner les instructions en cas de souci. Vous crevez votre pneu, voici les instructions pour le changer. Cette proposition d’expérience clients ne permet en aucun cas de satisfaire ces derniers.
Résoudre mon problème lorsque je demande :Plus je crie fort, plus je vais être entendu donc si j’ai beaucoup de followers sur Twitter, mon expérience sera sans doute plus fluide. L’entreprise veut surtout s’épargner une situation qui lui couterait encore plus cher. Par conséquent, elle essaie de résoudre vos problèmes et essaie de vous vendre quelque chose au passage – sur un malentendu…
Répondre à mes besoins lorsque je le demande : il y a une différence entre un « problème » et un « besoin ». Si par exemple vous perdez votre carte de paiement, que la banque arrête les prélèvements, mais que vous devez quand même joindre Visa/Mastercard/American Express pour recevoir une nouvelle carte et faire des démarches, vos besoins ne sont pas totalement résolus même si le problème lui l’est. Ici donc la banque s’occupe tout de suite à votre appel
Me donner ce dont j’ai besoin sans que je le demande : Quand votre banque se rend compte avant vous qu’il y a un débit potentiellement frauduleux, qu’ils vous contactent et vous remplacent votre carte sans que cela ne vous coûte rien. Vous recevez la suivante par courrier. Cette étape permet de créer une relation de confiance avec une marque et un lien émotionnel
Me donner ce dont j’ai besoin sans le savoir : A cette étape, cela implique de totalement repenser l’expérience client, d’y intégrer un niveau d’analyse de données très fine tant sur le client que sur les élements extérieurs. C’est typiquement ce que propose le thermostat Nest qui vous permet de faire des économies d’énergie « derrière votre dos ».
Me rendre plus fort, plus puissant : Evidemment, il s’agit principalement d’inspiration plus que d’une réalité dans la majorité des verticales business.
Seules les marques les plus puissantes ont réussi cet exploit, c’est évidemment le cas d’Apple avec l’iPhone qui a totalement révolutionné l’accès à l’information d’une manière totalement intuitive.
C’est aussi le cas de Facebook ou YouTube qui ont permis à la majorité de se mettre en avant, de créer une réputation, créer des relations ou même de créer des carrières jusqu’à devenir millionnaires pour certains d’entres eux. Il en va de même pour de nombreuses « licornes» de l’économie collaborative comme Airbnb, Lending Club ou d’autres.
Comme l’explique Augie, envisager l’expérience client comme un programme implique de rendre quelques personnes responsables de ce programme tandis que le reste de l’entreprise travaille à améliorer les marges, faire de l’acquisition, etc. Dès lors, les marques peine à monter les marches de cette pyramide et s’arrêtent bien souvent à « Résoudre mes difficultés quand je le demande », mais ne vont pas chercher plus loin.
C’est ici que le problème réside.
L’expérience client implique un changement de culture
Les marques innovantes aujourd’hui ne partent pas de la perception de produits ou services existants, mais d’une compréhension des besoins et des attentes des consommateurs. En réalité, ils ne regardent pas la pyramide par le bas en se demandant comment gravir les échelons, ils prennent la pyramide par le haut et c’est de cette manière qu’ils « disruptent » des business existants.
Créer une expérience clients unique implique de casser les silos, d’essayer à tout prix de satisfaire le client même si parfois il s’agit de lui recommander des produits concurrents ou à faire soit même (parce que cela permet de collecter de la donnée et donc d’améliorer mon expérience).
Il s’agit de comprendre que les employés qui sont en direct avec le client (vendeurs, service clients, personnel de services…) sont les plus importants à considérer.
Ces derniers doivent se sentir valorisés, avoir des réponses à apporter, être récompensés à donner une bonne expérience clients. Souvent ces employés évitent les interactions clients car ils n’ont pas les bonnes réponses ou les bons outils pour répondre. Les employés de 1ère ligne ne sont pas les exécutants d’un plan, d’une certaine manière, ils sont les leaders de l’expérience client.
L’exemple d’Uber est évident et simple à comprendre pour tout le monde. Et si vous pensez que votre industrie est différente…vous avez sans doute tort.
Uber n’as pas considéré l’industrie du taxi en s’intéressant aux plaintes consommateurs (qualité de la voiture, chauffeur pas sympas…), ils ont complètement réécrit l’expérience de transport urbain. Ce n’est pas simplement de pouvoir payer avec sa carte de crédit, mais par exemple de placer des voitures là où vous allez les demander parce que leur algorithme permet de le prédire…et de pouvoir d’un doigt commander une voiture là où vous êtes sans payer de frais d’approches, sans attendre dehors. Uber n’est pas une commodité, Uber est un « pain killer » et c’est ce qui fait toute la différence.
Alors, si vous aussi vous ne faites que benchmarker votre industrie pour savoir si vous êtes plus ou moins performants, vous risquez de passer à côté de la réalité de votre propre business.
La culture clients doit être le centre névralgique du business, ce n’est pas un programme, c’est la priorité business car on sait tous que derrière des clients satisfaits, on trouve toujours un business florissant.
Le futur de l’expérience client sera proactif
Beaucoup de choses ne fonctionnent pas dans la manière dont on envisage l’expérience clients aujourd’hui. On met des rustines sur des problèmes plutôt que d’essayer d’envisager l’expérience clients autrement, on est réactif à des plaintes, on crée un programme pour s’assurer de faire de l’upsell ou du crossell et c’est malheureusement trop souvent centrés sur les problèmes de l’entreprise.
Demain, l’expérience client devra être proactive, c’est-à-dire de répondre (à minima) en avance de phase aux besoins des consommateurs sans que ces derniers aient besoin de se poser la question, sans même qu’ils sachent qu’ils ont un souci potentiel.
Des courses qui se font toutes seules par exemple quand votre frigo note que vous allez manquer d’un (ou plusieurs) items que vous consommez régulièrement.
Un miroir qui prévoit quel maquillage mettre dans votre sac parce que vous avez une soirée et qu’il va sans doute pleuvoir. Un réveil qui vous réveille 10 minutes en avance car il y a des problèmes de métro ou un accident sur la route que vous allez emprunter. Cela implique une avancée forte de l’utilisation des données internes et externes, des algorithmes d’analyse poussés, mais surtout une culture différente pour rendre tout cela possible.
Il ne s’agit aucunement de simplement cocher la case de l’expérience clients et de considérer que le problème est résolu. Il ne s’agit pas non plus de transformation digitale, mais d’un changement culturel fort au sein des organisations qui est nécessaire.
Il faut que chaque employé (pas simplement le département marketing et communication) sache et vive pour la raison d’être de la marque pour laquelle il travaille, prenne des décisions en fonction des valeurs de cette dernière qui vont toujours dans le sens de la satisfaction client et non pas de la minimisation du coût qu’il génère.
Grégory Pouy est le fondateur de LaMercatique, un cabinet de conseil de transformation digitale axé sur la partie marketing. Basé entre New York et Paris, il est « expert » marketing pour Frenchweb.fr. Pour suivre ses écrits et échanger avec lui :
Son blog: http://www.gregorypouy.fr
Son compte sur Twitter: @gregfromparis
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Merci pour cet article Grégory. J’aime particulièrement ce passage : « Demain, l’expérience client devra être proactive, c’est-à-dire de répondre (à minima) en avance de phase aux besoins des consommateurs sans que ces derniers aient besoin de se poser la question, sans même qu’ils sachent qu’ils ont un souci potentiel. »
Il me semble la proactivité n’est pas le futur, elle fait déjà partie du présent.
Selon eConsultancy, 69 % des entreprises déclarent proposer une expérience en ligne de qualité ; toutefois, 51 % des clients ont fui ces entreprises suite à de mauvaises expériences en ligne. Comment corriger cet écart ? En parvenant à comprendre pleinement les clients dans chacun de leurs échanges avec la marque. Malheureusement, la plupart des solutions d’analyse fonctionnent de manière cloisonnée et fournissent des informations décousues sur les actions des clients. Aujourd’hui avec les capacités de l’analytique cognitif, il est tout à fait possible d’être proactif, par exemple en :
• découvrant comment un client type peut rationaliser l’expérience de chaque client;
• identifiant les irritants majeurs et les principales causes qui empêchent les clients de valider leurs achats ;
• quantifiant précisément l’impact sur le business de l’abandon de panier.
Analyser le fossé qui existe entre ce que les clients attendent et ce que les marques proposent est selon moi la clé préalable aux initiatives expériences clients. Comment améliorer sans visibilité sur ce qui doit être amélioré ?