Un débat public enflammé sur fond d’inquiétudes sanitaires, environnementales et sécuritaires: la France, « en retard » dans le déploiement de la 5G, s’écharpe sur la question du futur réseau mobile, juste avant le lancement des enchères d’attribution des premières fréquences mardi. Des autorités de régulation en passant par les opérateurs ou les spécialistes du marché télécom hexagonal, tous avouent leur surprise face au débat sociétal autour de la 5G qui a subitement pris de l’ampleur ces dernières semaines, cinq ans après le début des préparatifs.
Une « spécificité française » déplore-t-on au sein du gouvernement, alors que les principales économies mondiales en Asie (Chine, Corée du Sud), en Amérique du Nord (Etats-Unis) ou en Europe (Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Espagne) ont déjà achevé leurs enchères et, pour certaines, lancé les premières offres commerciales. En cause: un climat, avec la pandémie de Covid-19, propice aux angoisses de l’opinion sur d’éventuels risques sanitaires et environnementaux liés à la révolution technologique à venir.
Sans oublier la menace sécuritaire brandie par Donald Trump à l’encontre de Huawei, dont se défend l’équipementier chinois, dans le contexte de guerre commerciale entre Etats-Unis et Chine. « La 5G se déploie une année de crise sanitaire, qui effectivement exacerbe le débat. Nous avons à faire face à une temporalité un peu particulière, où la sensibilité sur un certain nombre de sujets liés à la santé, à l’environnement, est plus forte que par le passé », souligne Fabienne Dulac, présidente d’Orange France.
« Amish » contre les Modernes
Il n’en fallait pas moins pour faire de la 5G l’un des enjeux majeurs de l’agenda politique depuis la fin du confinement et la « vague verte » aux élections municipales de juin. Première offensive d’envergure sur le sujet, la tribune cosignée mi-septembre dans le Journal du Dimanche par près de 70 élus LFI et EELV (dont Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot) réclamant un moratoire à la mise en oeuvre de la 5G… deux semaines avant le coup d’envoi des enchères. Le lendemain devant un parterre d’entrepreneurs du numérique, la réponse d’Emmanuel Macron a fusé: « Oui la France va prendre le tournant de la 5G », a-t-il martelé, ironisant sur ses adversaires qui préfèreraient « le modèle Amish » et le « retour à la lampe à huile ».
Depuis, les passes d’armes n’ont cessé de se multiplier sur les réseaux sociaux, les plateaux de télévision ou à l’Assemblée, attisant un clivage profond entre pro-5G et partisans d’une plus grande sobriété numérique. À la demande pressante de « débat public » d’associations, d’ONG ou d’élus locaux en attente de davantage d’informations sur les impacts sanitaires et environnementaux, la majorité promet la « transparence » avec un renforcement des recherches scientifiques sur le sujet.
« Effort de pédagogie »
Les opérateurs (Orange, SFR, Bouygues, Free) ont, en parallèle, temporairement mis de côté leurs rivalités pour défendre leurs investissements futurs -2,17 milliards d’euros au minimum pour les 11 « blocs » de fréquences en jeu. Aux arguments de « compétitivité » et « d’innovation » nécessaires en temps de « crise économique » exposés par le gouvernement, opérateurs et équipementiers (Ericsson, Nokia, Huawei) déroulent inlassablement la liste des bienfaits à venir: le désengorgement des réseaux, une meilleure performance énergétique, ou encore le développement de la télémédecine, de l’usine « du futur » et de l’agriculture « connectée ». « C’est très important de montrer que la 5G, c’est au fond le moyen de rendre l’écologie non punitive et de la réconcilier avec l’économie », estime auprès de l’AFP Jacques Biot, administrateur chez Huawei France.
L’ancien président de Polytechnique (2013-2018) a animé mardi avec plusieurs experts l’une des tables rondes, visioconférences et prises de parole qui se multiplient sur le sujet. Pourquoi l’avoir fait dans le contexte actuel? « La 5G, c’est un moyen d’éviter les gaspillage. C’est important de le faire savoir parce qu’on a probablement un petit peu trop promu la 5G comme une technologie d’ingénieur alors qu’elle est là pour résoudre des problématiques sociétales », a-t-il répondu. « C’est important de faire un effort de pédagogie, sans passion, en respectant les opinions des gens, et en essayant de leur montrer qu’au fond on répond à leurs aspirations. On n’est pas là pour leur imposer », complète-t-il. L’opération déminage ne fait que commencer.
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