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Pourquoi la Chine veut ramener ses géants de la Tech dans le rang

AFP

Pékin a sifflé la fin de la récréation: après avoir longtemps fermé les yeux sur leurs pratiques, la Chine veut ramener dans le rang ses géants technologiques à l’influence démesurée. Les entreprises de l’internet et du numérique sont particulièrement dynamiques en Chine où la législation jusque-là relativement laxiste en matière de données personnelles et l’absence de concurrents étrangers -majoritairement bloqués- a permis à des géants locaux d’émerger.

Le vent est cependant en train de tourner. Début mars, 12 entreprises -dont les mastodontes du commerce en ligne Alibaba et JD.com- ont été condamnées à des amendes pour avoir enfreint les règles anti-monopole. Pékin se montre également plus pointilleux en matière de données personnelles: lundi, le régulateur a ainsi fixé un cadre pour définir ce que les applications mobiles peuvent ou ne peuvent plus collecter. Et depuis novembre, Alibaba semble particulièrement dans le viseur de Pékin. Les autorités ont d’abord suspendu une colossale entrée en Bourse à 34 milliards de dollars d’Ant Group, sa filiale de paiements en ligne. Le mois suivant, le groupe fondé par Jack Ma était visé par une enquête sur ses pratiques commerciales, jugées anti-concurrentielles.

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Devenu « trop puissant » ?

Quelques semaines plus tôt, l’excentrique milliardaire avait publiquement accusé les régulateurs d’entraver l’innovation dans le secteur de la finance en ligne -apparemment un crime de lèse-majesté pour le pouvoir du président Xi Jinping. Ant Group détient Alipay, une application ultra populaire qui permet de régler ses achats par téléphone ou faire des réservations en ligne, dans un pays où l’argent liquide a quasiment disparu. Ant a par ailleurs prospéré dans les prêts bancaires, la gestion de patrimoine et l’assurance, en profitant d’une législation moins contraignante que celle qui s’applique aux banques publiques traditionnelles. En ce sens, Alibaba était devenu « trop puissant », à l’image d’autres acteurs de la tech qui se jouent de la réglementation, souligne dans une note le cabinet d’études Eurasia Group.

Désormais, Pékin veut que les géants de la tech se recentrent sur leur coeur de métier ou respectent les mêmes règles que les acteurs traditionnels. Pour continuer à proposer des prêts, Ant devra se plier à la réglementation bancaire, chose que les géants du secteur évitaient jusqu’ici. Désormais, « ces derniers devront créer des sociétés » spécifiques pour leurs activités bancaires, remarque l’analyste Ke Yan, du cabinet DZT Research spécialisé dans les investissements. « Ils ne pourront pas y échapper », estime-t-il. Et ce, au moment où Pékin s’inquiète de l’endettement alarmant du pays, qui fait peser un risque sur le système financier.

Une approche « très chinoise »

Le pouvoir communiste aurait également demandé à Alibaba de se désengager des médias, inquiet de l’influence du groupe fondé par Jack Ma, rapportait la semaine dernière le Wall Street Journal. Dans le viseur notamment: le South China Morning Post (SCMP), un grand quotidien anglophone de Hong Kong, dont la ligne éditoriale est parfois critique de Pékin. Le serrage de vis dans la tech n’est toutefois pas propre à la Chine, nuance Jeffrey Towson, auteur de la lettre d’information Asia Tech Strategy. Aux Etats-Unis, les géants Apple, Google, Facebook et Amazon, accusés d’abus de position dominante, sont également sous la menace d’un durcissement de la législation.

Simplement, Pékin a opté pour une approche « très chinoise », fait remarquer M. Towson: « D’abord, le laissez-faire pour ne pas entraver l’innovation, puis l’intervention» avec un durcissement du cadre réglementaire. Les internautes sont par ailleurs de plus en plus sensibles aux questions de vie privée alors que le recours à la reconnaissance faciale et à d’autres technologies avancées se banalise en Chine. « En Chine, on ramène tout au Parti communiste mais si le gouvernement britannique avait procédé de la même façon, personne n’aurait rien trouvé à y redire », estime M. Towson. Pékin a des « préoccupations légitimes » du fait du développement du secteur, selon M. Towson, estimant ces mesures « raisonnables ».

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