Pourquoi l’armée allemande recrute parmi les amateurs de jeux vidéo
AFP
« Nous recherchons des jeunes spécialisés dans les technologies de l’information. Ceux qui ont le goût de l’informatique frappent à la bonne porte», dit à l’AFP Nils Feldhoff, chargé de la communication de l’armée allemande. Avec moult soldats en treillis et accessoires technologiques l’armée allemande utilise la Gamescom de Cologne, grand-messe européenne du jeu vidéo, pour tenter de recruter des jeunes talents parmi les visiteurs.
En privilégiant toutefois les informaticiens aux amateurs de sensations militaires fortes. Comparé à ses voisins directs du salon, prestigieuses universités d’ingénierie, grands constructeurs automobiles ou développeurs de logiciels, le stand imposant de la Bundeswehr avec sa trentaine de militaires présents détonne par son agitation. Des dizaines de jeunes s’y pressent pour essayer un simulateur de vol en réalité virtuelle d’hélicoptère ou jouer à un jeu de rapidité à deux avec des cases lumineuses à toucher.
L’armée allemande assure toutefois ne pas vouloir profiter de l’engouement de nombreux jeunes pour les jeux de tirs, souvent violents, pour rallier des candidats. « Nous avons une mission éducative claire: nous essayons strictement de séparer le jeu virtuel de la réalité en expliquant aux jeunes intéressés qu’ici ce n’est pas un jeu vidéo», ajoute-t-il. Si un joueur « veut devenir militaire car il est intéressé par les armes, ce n’est pas un bon argument», affirme-t-il.
Manque de recrues dans les technologies de l’information
Prospectus à la main vantant la possibilité « de faire la différence, même sans uniforme», Lucas Heilmann, 19 ans, se dit intéressé: « j’ai répondu à plusieurs questions à propos des différents langages de programmation, des réseaux et bases de données». Cette politique de recrutement très active de l’armée allemande est relativement récente dans un pays qui, en raison de son passé nazi, a longtemps été imprégné de culture anti-militariste et où les opérations militaires, notamment à l’étranger, restent peu populaires.
En outre, la Bundeswehr souffre d’une mauvaise image dans l’opinion en raison de son matériel vétuste, du sous-investissement et de divers scandales récents, liés aux dépenses du ministère de la Défense ou à l’influence de l’extrême droite dans la troupe. Mais les choses changent. Avec la fin de la conscription en 2011, les militaires doivent désormais largement recruter et elle peine à trouver des talents dans le domaine des technologies de l’information. Le profil de nombreux utilisateurs de jeux vidéo est pour elle séduisant. Certains militaires ont à l’origine aidé au développement des jeux vidéo.
William Higinbotham, qui pendant la Deuxième guerre mondiale avait conçu le mécanisme d’allumage de la première bombe atomique et créé l’affichage radar d’un bombardier, a réalisé plus tard en 1958 avec « Tennis for two » un des tous premiers du genre. Un autre jeu, de ping-pong cette fois, « Pong », a été développé par un ancien militaire. La Bundeswehr mène désormais des campagnes d’affichage régulières et participe aussi à des salons comme celui des jeux vidéo, où elle espère trouver notamment des recrues pour une de ses missions croissantes: la lutte contre la cybercriminalité.
« Quand on voit les services de renseignement on se dit qu’on va être contrôlé»
Présent à la Gamescom, Linus Niebuhr, 20 ans, reste encore sceptique: « franchement, les hackers compétents dans ce salon ne sont pas assez stupides pour s’asseoir au PC des militaires pour montrer leurs compétences juste à côté… des services de renseignement!». Car de l’autre côté du paravent des militaires, le Renseignement intérieur allemand a installé son propre stand.
Outre les profils d’informaticiens, l’organisme recherche également « des employés pour s’occuper des phénomènes d’extrême droite et pour l’observation», précise une porte-parole. « Nous attachons une grande importance à la fiabilité, à la volonté de prendre des responsabilités et à la capacité de travailler en équipe», ajoute-t-elle. Une présence qui dérange certains: « Ma génération de joueurs défend un internet libre et quand on voit les services de renseignement on se dit qu’on va être contrôlé. Mieux vaut rester à l’écart», se méfie Tim Henrik Walter, juriste de 34 ans et joueur occasionnel.
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