EXPERIENCESMARKETING IRL

Pourquoi le funnel marketing va disparaître (ou muter en graphe conversationnel)

Le “funnel” marketing – ce schéma canonique qui guide les clients depuis la découverte jusqu’à l’achat en passant par la considération – a structuré la pensée stratégique des équipes marketing pendant des décennies. Linéaire, séquentiel, mesurable, il convenait à un monde centré sur la diffusion de masse, les campagnes temporalisées et les parcours clients balisés.

Mais ce modèle s’effondre silencieusement à mesure que l’intelligence artificielle conversationnelle prend le relais de l’interface et que le client n’interagit plus avec une plateforme, mais avec un système. Le funnel n’est pas adapté à des interfaces dynamiques, exploratoires et personnalisées. Ce n’est plus un tunnel qu’il faut cartographier, mais un graphe.

Un modèle linéaire dans un monde fluide

Historiquement, le funnel a permis de rationaliser le marketing à l’ère de la publicité : chaque étape (awareness, interest, consideration, conversion, retention) correspondait à une intention implicite, mesurée par des signaux comportementaux (visite, clic, temps passé, achat, réachat).

Mais à l’heure où le point d’entrée principal dans une interface devient une conversation avec un modèle d’IA, ce séquençage s’effondre :

  • L’utilisateur ne “descend” plus un funnel, il navigue à sa manière.
  • Il pose une question complexe, saute les étapes, revient en arrière, bifurque.
  • Il peut passer de la découverte à l’achat en une instruction, ou passer une heure à tester, itérer, explorer, sans déclencher d’action mesurable.

“Chat est le point d’entrée, et tout le reste est un graphe d’intention derrière lui.” – Kevin Weil, CPO d’OpenAI

Vers une cartographie conversationnelle

Le remplacement du funnel par un graphe conversationnel repose sur un constat : la navigation n’est plus pilotée par l’interface mais par l’utilisateur, via ses formulations naturelles, ses hésitations, ses reformulations, ses tests.

Dès lors, la mesure ne repose plus sur un taux de conversion par étape, mais sur l’analyse des nœuds et des trajectoires conversationnelles :

Funnel traditionnel Graphe IA-first
Étapes fixes et séquentielles Intentions dynamiques et arborescentes
Taux de conversion Profondeur et boucle des interactions
Call-to-action explicite Instruction implicite ou combinée
Parcours pré-déterminé Navigation générée en temps réel

Exemple : un prospect dans un outil IA-first (ex. assistant bancaire ou solution B2B) ne clique pas sur “Je veux un devis” → il demande : “Et si je choisis l’offre intermédiaire avec 2 utilisateurs, est-ce que le support est inclus ?” Cette séquence n’existe pas dans un funnel classique, mais elle est une étape d’intention forte.

Ce que cela change pour les équipes marketing

1. Le tracking ne peut plus se contenter d’événements

Le signal utile devient conversationnel : mots-clés, reformulations, ton, latence entre les instructions, etc. Cela impose de nouvelles couches d’analyse (NLU, intent detection, embeddings vectoriels).

2. Les parcours ne s’automatisent plus avec des règles statiques

Les logiques de nurturing ou de réactivation doivent être contextualisées par les agents IA eux-mêmes, en fonction des signaux détectés, non d’un scénario défini à l’avance.

3. Les interfaces doivent assumer la non-linéarité

Le bon design ne cherche pas à canaliser l’utilisateur, mais à l’aider à naviguer librement dans une base de réponses, d’actions et d’offres.

4. La notion d’“attribution” devient floue

À qui ou quoi attribuer une conversion quand l’utilisateur a parlé à un agent, lu une page, testé un outil IA, exploré 3 options en langage naturel, sans jamais cliquer ? L’enjeu devient relationnel, pas transactionnel.

Conclusion : désapprendre le funnel pour apprendre le graphe

Les marketeurs qui pensent encore en funnel devront, comme les développeurs autrefois passés de l’impératif à l’asynchrone, désapprendre une logique séquentielle pour maîtriser les logiques d’arborescence, d’intention, et de conversation.

Cela suppose de réarticuler la collaboration entre UX designers, marketers, data scientists et product managers. Et surtout d’accepter que l’IA ne structure pas seulement la réponse, mais l’espace même de la navigation.

Suivez nous:
Bouton retour en haut de la page