Pourquoi le métier de dircom’ ne sera plus jamais le même
Dans la série « que va devenir mon métier », nous allons parler aujourd’hui du dircom. Il se trouve qu’on m’a posé la question de l’avenir de la fonction à plusieurs reprises ces dernières semaines donc autant partager avec vous les idées qui me sont venues a brûlé pour point.
Pour synthétiser mon propos en une phrase : le futur d’un dircom c’est d’être un dircom.
Donc rien ne change a priori ? Et bien si, justement, tout change. Car jusqu’à présent le directeur de la communication ne dirigeait pas la communication.
Le futur du dircom c’est d’enfin être un dircom et plus un directeur de l’image
Son vrai métier était de protéger l’image. Un rôle hérité d’une époque où l’entreprise avait le monopole de la parole pour ce qui la concernait et où il suffisait de construire une belle image, la mettre sous cloche de verre et s’assurer que rien ne vienne la salir. Et comme seul un autre message, dissonant, était le seul risque d’atteinte à l’image il importait bien de s’assurer que le moins de personnes possibles communiquaient.
D’où le nombre de profils « politiques » que l’on peut trouver dans la fonction, le rôle ayant longtemps été davantage celui d’un porte-flingue que celui d’un communicant. Mais j’ai comme l’idée que les profils porte-flingues n’ont plus beaucoup d’avenir dans la profession et, s’ils en ont encore dans l’entreprise, ça sera à un autre poste.
Aujourd’hui, à partir du moment où clients et employés ont mille et uns moyens de partager et communiquer sur l’écart entre l’expérience qui leur était promise et celle qu’ils ont vécu c’est tout ce paradigme qui s’effondre et de protecteur de l’image le dircom redevient communicant. Communicant et , pourquoi pas, impulseur de changement.
Le nouveau dircom, un communicant multifacettes
Bien sûr, et il n’y a rien de spécialement nouveau ici, le dircom va devoir organiser la prise de parole de l’entreprise. Par contre ce qui change est que cette prise de parole va s’effectuer dans un univers qui n’est plus ce qu’il était il y a 10 ou 15 ans : plus confus, éclaté, avec des interlocuteurs nouveaux. Cela demande un nécessaire changement de posture.
Ce changement de posture concerne, entre autre le ton et les canaux utilisés. Si la voix officielle, corporate, garde sa raison d’être, l’impact est plus important lorsque la parole est incarnée. Le dircom va donc devoir aider à la prise de parole des individus, à commencer par les dirigeants. Je dis aider et non organiser puisque que pour être efficace cette prise de parole doit aujourd’hui être personnelle et authentique. Que ce soit en interne ou un externe, la différence entre un dirigeant qui « tweet » ou blogue lui-même ou fait écrire ses textes par son service de presse saute rapidement aux yeux. Il y a des codes avec lesquels ont ne peut jouer et celui-ci en est un.
Nouvelle posture donc car notre dircom se retrouve dans l’empowerment et le lâcher prise : il donne les moyens, les outils, forme, coache mais au final ne contrôle plus et perd la main sur l’exécution.
D’une communication de masse à des masses de communicants
Mais il n’y a pas que les dirigeants : les meilleurs porte-parole d’une entreprise sont ses collaborateurs. Tous ses collaborateurs. Là le dircom va devoir en finir une fois pour toutes avec la schzyphrénie qui veut que d’un côté il rêve que tous ses salariés soient des ambassadeurs modèles et cauchemarde à l ‘idée qu’un seule d’entre eux commette une fois une boulette.
Sachant qu’on ne peut interdire la prise de parole, sachant qu’elle est déjà réglementée par la loi et le contrat de travail (et oui, il y a des sujets dont on ne peut parler en public), sachant qu’on ne peut forcer à la prise de parole non plus, le meilleur des dispositifs est de donner aux collaborateurs les outils, bonnes pratiques et réflexes de gestion de leur marque personnelle. Cela implique une nécessaire responsabilisation qui rejaillira nécessairement sur leur prise de parole « professionnelle ». On relira utilement « The Social Employee » à ce propos.
Enfin notre dircom va davantage être dans une logique de mise en mouvement de l’information que de production. Bien sûr il continuera à en produire, mais cela comptera pour une part de plus en plus faible du volume global. En effet quand, en interne comme en externe, les collaborateurs deviennent des producteurs d’information, la fonction communication se retrouve dans un rôle de curation et de diffusion. On voit désormais des directions de la communication faire du crowdsourcing en partant de l’ »employee generated content » de terrain pour identifier des actualités à relayer ou reprendre en le traitant plus en profondeur.
Le collaborateur, partenaire de la com’
Une autre chose va changer : la manière dont le dircom va devoir considérer le salarié. Bien sur il reste dans certains cas la cible du message. Mais il va également devenir un partenaire. Pour l’externe (le client) on l’a vu, c’est évident, mais en interne également. On connait le peu d’appétence des collaborateurs pour la lecture de la communication corporate ou managériale. Par contre lorsque le message est relayé, « liké » en interne par son réseau, on finit par se dire « tiens…ça vaut peut être la peine de lire ».
Le dircom impulseur du changement
Le dircom comme le DRH n’ont pas la main pour tout changer dans l’entreprise mais peuvent vraiment aider à impulser le changement en faisant remonter les irritants et points d’insatisfaction, à la fois coté collaborateur et client.
Si on est d’accord pour dire que la prise de parole d’un client ou d’un collaborateur résulte de l’écart (positif ou négatif) entre ce qu’on lui a promis et ce qu’il a vécu, c’est un véritable baromètre temps réel de ce qui fonctionne ou non dans l’entreprise. Car si l’écart est réel et est perçu de manière négative, notre dircom (et le DRH pour ce qui est de la marque employeur) sont aux premières loges pour identifier les signaux faibles demander les mesures correctives. Car la réponse à ces signaux ne doit que rarement être un signal contraire mais un réalignement interne pour aligner la promesse et la réalité (sachant que ça n’est pas en cassant le thermomètre qu’on fait baisser la fièvre).
Bertrand Duperrin est Digital Transformation Practice Leader chez Emakina. Il a été précédemment directeur conseil chez Nextmodernity, un cabinet dans le domaine de la transformation des entreprises et du management au travers du social business et de l’utilisation des technologies sociales.
Il traite régulièrement de l’actualité social media sur son blog.
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