Pourquoi les PME innovantes françaises sont à la traîne en Europe
1. Le primat de «la France d’abord»
Les investisseurs français ont la fâcheuse habitude d’exiger de nos start-up de démontrer la faisabilité de leur modèle d’abord en France. Une fois produit, le résultat a bien souvent besoin d’adaptations importantes pour traverser nos frontières, ce qui fait naître de nouveaux besoins en financement et une nouvelle quête d’investisseurs. Le fait que BlaBlacar ait besoin de plusieurs centaines de millions pour se déployer dans d’autres pays ne fait que souligner la complexité de dupliquer un modèle bien rodé dans un nouveau pays. Oser concevoir un produit dès son origine pour un marché international permet de croître sans frontières. Les fondateurs de Skype et Spotify, compte tenu de la taille insuffisante de leur marché domestique, ont toute de suite visé l’international. Ensuite, le marché français reste trop petit et en plus, nos grands comptes (groupes privés et collectivités) sont peu enclins à contracter avec des PME innovantes.
2. Des aides publiques mal ciblées
Le soutien public aux PME innovantes est bien réel en France avec des dispositifs tels que le CIR, le CII ou la French-Tech. Face à la timidité des business angels français et européens, ces aides demeurent primordiales mais financent surtout des thématiques généralistes avec des perspectives prévisibles. Des secteurs plus risqués comme les Biotech, l’eSanté, les énergies renouvelables et les innovations de service sont moins bien valorisés, malgré des appels à projet ciblés. Il conviendrait donc de mieux cibler certains dispositifs sur les PME vraiment très innovantes et d’aller au-delà du concept de financement du produit. Il faut intégrer le financement de la commercialisation et même l’accompagnement tout au long de leur processus d’innovation.
3. L’image ternie de la France
L’image de la France à l’international n’est pas bonne, victime de ses corporatismes et rétive à l’innovation. Dans le classement international d’attractivité pour les start-up, Paris se classe à la 11ème place. La gestion du dossier Uber n’a fait que conforter cette image ternie et a envoyé un message à l’international que la France refuse l’innovation. Pourquoi un fonds étranger devrait-il investir dans un pays qui a un problème avec l’innovation de rupture et qui refuse le dialogue?
Pourtant, derrière cette image écornée, la France dispose de vrais atouts de par la qualification de sa main d’œuvre et de par ses dispositifs incitatifs publics. La France s’appuie aussi sur d’excellents centres de recherches, qui protègent bien leurs résultats, mais le transfert de ces résultats dans le milieu industriel continue de poser problème. En effet, les relais industriels, surtout avec des PME françaises, demeurent insuffisants. Les grands organismes de recherche raisonnent en silos et ont toujours plus tendance à licencier leurs résultats qu’à amorcer une véritable politique partenariale avec les industriels et PME.
4. Un environnement législatif incertain et un éparpillement des appels à projets
Chaque année, la législation change et impacte la gestion de nos entreprises. Le statut de Jeune Entreprise Innovante, le Crédit Impôt Recherche, le Crédit Impôt Innovation sont certes des dispositifs essentiels mais ils sont soumis à d’incessantes modifications. De plus, malgré le statut JEI, nos PME subissent l’augmentation continue des taxes directes et indirectes. Nos ingénieurs sont les plus chers d’Europe, les plus difficiles à recruter et les plus difficiles à licencier. Dans ce contexte d’instabilité et de manque de lisibilité, le nombre de concours et d’appels à projet explose ! Chaque start-up peut facilement concourir à une dizaine de concours et d’appels à projet chaque mois.
5. Il y a trop de chasseurs de prime parmi les professionnels de l’innovation
La France est un pays de subventions et d’aides mais trop de gestionnaires se sont installés sur ce marché dit de l’innovation juste pour rédiger des dossiers CIR, CII ou Assurance prospection au lieu de réaliser un vrai accompagnement stratégique des entreprises innovantes. A l’étranger, avec moins d’aides disponibles, les meilleurs cabinets se positionnent comme de vrais coach. Ils sont là pour aider les fondateurs sur la stratégie, sur la définition des projets, sur les financements, sur la croissance à l’international et sur la recherche de partenaires… En France, combien de cabinets conseils accompagnent leurs clients lors des levées de fonds ou de montage de dossiers européens?
Quand les PME innovantes aux Etats-Unis doivent courir un 100 mètres sous les applaudissements de la foule, les PME européennes courent sous une pluie abondante. En France, nous ajoutons même des obstacles, rivières et fossés pour transformer le parcours en un 110 mètres steeple ! Et bien sûr nous n’applaudissons surtout pas ceux qui osent courir….
Alliant une formation d’ingénieur à l’INSEAD, un esprit entrepreneur et des expériences en France et à l’International, Erik Van Rompay est un expert référent sur l’innovation en Europe.
Cinq années chez Walt Disney Imagineering. J’ai travaillé à la réalisation de plusieurs projets industriels pour Ford Motors Co, Volvo, Daf Trucks et Rolls Royce, la création de 5 start-up ainsi qu’une formation INSEAD qui m’ont permettent de maitriser toute la problématique de la start-up jusqu’au grand groupe industriel.
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