Prendra-t-on demain sa complémentaire santé chez Google?
L’assurance et la banque font partie des tout premiers secteurs d’activité a s’être emparés du numérique, avant même l’invention par Alan Turing et son équipe du premier ordinateur électronique dans les années 40, bien avant, du temps de la mécanographie, au tout début du XXe siècle, une période où le secteur naissant de ce qui deviendra pas la suite l’informatique était représenté par IBM et Bull.
Il n’est du coup pas surprenant que ces professions, avides de calculs et très gourmandes en données, fassent parti de celle à qui la vague à venir de la big data, combinée à des innovations telles que le wearable computing, de la voiture connectée et l’internet des objets, promet une disruption fracassante. L’une des grandes questions en suspend est de savoir si cette disruption redistribuera les cartes au profit de nouveaux entrants issus des GAFA ou si elle confortera des acteurs en place qui auront su, mieux que d’autres, anticiper et profiter de la «révolution numérique».
Le Big data va repenser la relation assureur-assuré
L’assurance – et dans une moindre mesure la banque – repose en grande partie sur une science : les statistiques. L’apparition concomitante de ces deux disciplines au XVIIIe siècle montre à quel point leurs destins sont liés, et le destin des statistiques est en train de connaitre un bouleversement d’une amplitude sans précédent avec la Big Data.
Les statistiques permettant d’appréhender de façon rationnelle le risque relatif à un client, en s’efforçant de le faire entrer dans une case. Un modèle somme toute assez grossier qui pourrait bénéficier d’une personnalisation extrême, synonyme à la fois de marges (plus) confortables coté assurance et de prix plus adaptés à chaque situation coté assurés, voir d’un renouvellement en profondeur de l’offre – assurance à la demande, à la volée, pour quelques jours, voir quelques heures : tout est imaginable, il suffit de voir comment l’offre en matière d’hôtellerie a été redéfinie par Airbnb pour s’en convaincre.
Le rythme avec lequel la plupart des consommateurs disséminent une multitude de données personnelles, consciemment ou pas, est de plus en plus frénétique, et ne peut que s’accélérer avec l’arrivée des objets, voitures et autres vêtements connectés, pour partie orientés vers le «quantify self», les données de santé, et la surveillance des modes de vie – et par extension de la prise de risque au quotidien de leurs utilisateurs. Cela laisse entrevoir un renouveau en profondeur de la relation assureur-assuré, basée sur un contrat consistant à responsabiliser l’assuré face au risque, renforcé par un monitoring permanent de celui-ci, en échange d’un contrat plus adapté, et certainement bien moins couteux.
Facebook s’est (presque) lancé dans le credit rating
La Big Data permettra de son côté de personnaliser chaque police d’assurance ou chaque emprunt bancaire en fonction d’une estimation individualisée du risque bien plus fine que ce que l’assurance est en mesure de faire aujourd’hui. Témoin Facebook, qui a récemment annoncé la mise au point d’une mesure assimilable à un credit rating basé sur les activités que vous pouvez déployer sur leur plateforme, ou Google, qui vient d’investir dans une start-up, «Oscar Health», déjà valorisé à plus d’un milliard de dollars, et qui promet de révolutionner l’assurance santé. [lire notre article : Clover Health (concurrent d’Oscar Health) lève 100 millions de dollars pour son assurance santé basée sur la data, ndlr]
Pour arriver à cela, il faudra lever quelques réticences et probablement quelques freins légaux – ce qu’une communication adaptée et un lobbying forcené devraient être en mesure de faire, particulièrement dans un pays comme la France, ultra conservateur face aux mutations induites par les technologies et dont les législations sont lourdement influencés par le poids des lobbies.
Promettre une mutuelle de santé bien moins couteuse en échange d’une surveillance de l’assuré face aux risques qu’il fait encourir à sa santé au quotidien – alimentation, pratique sportive régulière, cycles de sommeil respectés, etc – n’a rien d’invraisemblable, et le monitoring précis de tous ces paramètres n’a rien d’irréaliste. On remplace un «contrat de confiance» matérialisé par un bout de papier par un échange entre des données personnelles et un service amélioré, un deal sommes toutes banal de nos jours, auquel la plupart des consommateurs ne trouvent finalement pas grand-chose à redire. On pourrait même y voir un progrès à travers un accent mis sur une plus grande responsabilisation des assurés, qui profiterait à la communauté dans son ensemble en réduisant de façon significative le budget de la santé à travers la responsabilisation et la prévention – un domaine dès à présent abordé par Google à travers une pilule connectée mise au point par son «X-Lab», en mesure de détecter aussi bien un cancer qu’une attaque cardiaque imminente, ou ses lentilles de contact destinées à soigner le diabète, mis au point en collaboration avec Sanofi.
Des offres sur-mesure grâce au quantified self
Il en va de même pour tout un tas d’autres domaines relatifs à l’assurance des particuliers – votre téléphone, équipé d’un GPS, est dès à présent en mesure de savoir si vous respectez les limitations de vitesse au volant, et peut d’ores et déjà avoir une idée précise de votre activité sportive. Certains assureurs ont d’ores et déjà misé sur des boites noires installées à bord des automobiles, mais celles-ci devenant de plus en plus connectées, cette «barrière à l’entrée» aura vite fait de sauter au profit d’un smartphone disposant de ses propres capteurs et pouvant au besoin interroger la voiture pour obtenir des données complémentaires.
Demain, votre montre connectée en saura bien plus encore, et un assureur pourra prendre en compte ces données afin de réajuster, en temps réel au besoin, votre assurance. Une mutuelle avec un prix cassé en échange d’une alimentation saine, d’une pratique sportive régulière, d’un rythme de sommeil respecté et d’une intrusion permanente dans votre intimité ? C’est parfaitement possible – les barrières technologiques sont pour ainsi dire inexistantes, quant aux freins psychologiques, la facilité avec laquelle la loi sur la surveillance est passée en France laisse penser qu’il n’y aura qu’un petit groupe de résistants pour s’opposer à ce que la plupart des consommateurs prendront comme une augmentation de leur pouvoir d’achat, négligeant de prendre en considération la dimension liberticide d’une telle proposition. Après tout, Android, avec Google Now, vous propose dès aujourd’hui un service d’assistance dans vos déplacements d’une qualité remarquable, en contrepartie d’une intrusion à peine plus prononcée dans vos données personnelles.
Le problème (pour AXA ou la BNP), c’est que les champions de cette intrusion dans l’intime, de sa monétisation et de la fourniture, en contrepartie de ces données hautement personnelles, de services plus ou moins gratuits, sont aujourd’hui des acteurs qui ne sont pas – pour l’instant – dans le monde de l’assurance et de la banque. Google et Facebook, pour ne citer qu’eux, excellent dans l’Art et la manière de mettre en place une relation avec leurs utilisateurs consistant à échanger leur intimité contre un service immatériel.
Quelle place pour les assureurs traditionnels ?
Google – qui est sans doute la plus grande menace qui plane sur le monde de la banque assurance, en dehors d’un possible et imminent crash financier mondial – est le plus grand employeur de statisticiens dans le monde, et a démontré par le passé à quel point cette maitrise des statistiques lui permettait de réaliser des services – comme la traduction en ligne ou la correction orthographique – très éloignés de l’usage traditionnel des statistiques. Tabler sur une assurance Google demain n’a rien d’ahurissant, la firme de Montain View maitrise les mathématiques propres au métier d’assureur mieux que quiconque, et dispose de capacités de calcul que même la NSA lui envie, ainsi que d’une réserve de trésorerie suffisante pour s’improviser assureur ou banquier du jour au lendemain.
Qu’en est-il du monde de la banque/assurance ? Est-il en mesure de parcourir la distance qui le sépare de ces hypothétiques polices d’assurance ultra personnalisées ? De renouveler la relation qu’il a établit de longue date avec ses assurés pour devenir bien plus intrusif et omniprésent ? D’obtenir de leur part un blanc seing sur leur intimité et de se comporter comme un prescripteur sur leur mode de vie ?
A ceux qui pensent que ce scénario d’une disruption totale du monde de l’assurance par des acteurs du numérique est fantaisiste, il conviendra de faire remarquer qu’Apple est passé avec brio du marché de l’informatique à celui de la musique et de la téléphonie avant de s’attaquer à l’horlogerie et par son intermédiaire à la santé, que Google, parti d’un moteur de recherche est en passe, lui aussi, de devenir un acteur de la santé et des objets connectés, ou qu’Amazon, initialement un commerçant en ligne, est le leader mondial incontesté du marché du cloud computing, et propose désormais à ses clients d’abriter dans leur foyer un curieux objet baptisé «Echo», écoutant en permanence les conversations au sein de leur habitat de façon proposer un service d’assistance qui fait passer Big Brother pour un vieux transistor dont le seul tord, au fond, est de n’avoir jamais su trouver une valeur d’usage qui fasse passer la pilule de la mise à mort de la vie privée qui allait avec.
Les capacités à muter et à se diversifier des géants de la Silicon Valley, combinée à leur puissance financière et technologique, représentent sans nul doute le plus grand danger que l’on puisse imaginer pour le monde de la banque et de l’assurance, qui ferait bien de réfléchir dès à présent sur ses propres capacités à muter en profondeur et à faire évoluer de façon radicale sa relation avec les assurés et d’explorer toutes les pistes, même les plus fantaisistes.
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Sujet intéressant, mais que de fautes !!! J’ai lâché l’article…