Il semble qu’en 2012, bon gré mal gré, la plupart des candidats à la présidentielle ont integré le web comme un élément majeur de leur campagne : chacun a son compte Twitter, sa page Facebook, voire sa websérie, sa chaine Youtube, etc… Et surtout chaque parti mobilise ses militants sur ces réseaux, transformant les colleurs d’affiche en colleurs de tweets.
Pourtant si on épluche les programme des candidats, à la rubrique “web”, la seule véritable question qui semble se poser à tous c’est “pour ou contre HADOPI”. Tout le monde semble d’accord pour redistribuer de l’argent à la culture, que ce soit en taxant les fournisseurs d’accès, Google, Amazon ou en mettant les internautes à contribution. Dans une étonnante inversion des priorités habituelles des politiques, il semble que, dès qu’il s’agit de web, c’est la culture qui passe en premier.
Sauvegarder la liberté et la neutralité du web est aussi une priorité pour beaucoup, même si chez certains ça passe curieusement par un “filtrage” assez contradictoire. Dans les programmes on aborde aussi parfois la question de l’accès à internet pour tous et le développement des réseaux. Les plus ambitieux des candidats parlent de pédagogie : internet rentrerait au programme de l’Education Nationale.
En clair, en 2012, les candidats à la présidentielle se sont tous mis au web social, mais ne vous en faites pas, dès le mois de juin il sera oublié. Pour nos candidats, le web est avant tout un outil de campagne, pas de gouvernance. Encore une fois, nos politiques sont en retard d’un train sur le numérique.
Les enjeux d’une présidence 2.0
Il y a quelques initiatives à gauche pour utiliser le web comme outil de crowdsourcing pour les programmes, comme le morne Wiki du Front de gauche du Numérique ou bien la méthode encore plus primitive de Fleur Pellerin, responsable du pôle numérique de la campagne Hollande , qui a lancé un appel public à lui envoyer des propositions… dans sa boîte mail. En 2012, c’est bien peu.
Il faut dire que les tentatives de créer des réseaux sociaux au PS et à l’UMP avec La Coopol et Les Créateurs de Possibles n’ont pas été les succès escomptés. Si les grands partis n’arrivent pas à utiliser le web social dans leurs processus de démocratie interne, comment s’attendre à ce qu’ils sachent le faire une fois au pouvoir ?
Le secret de la démocratie participative 2.0, c’est peut-être d’utiliser les réseaux existants plutôt que de vouloir tout reconstruire. L’Islande a réécrit sa constitution avec la collaboration de tous les citoyens via Twitter et Facebook. Sans aller jusque là, n’y a-t-il donc aucun moyen d’impliquer plus les Français dans leur gouvernance au quotidien à travers le web ?
L’Islande a aussi une page Facebook, un compte Twitter et même un Tumblr. Bien sûr, ce ne sont pas des outils du processus démocratique mais plutôt des outils promotionnels pour le tourisme. C’est tout de même le signe d’un pays plus ouvert aux innovations du web que la France, où on parle d’Hadopi ou de licence globale pour régler des problèmes qu’on pourrait résoudre en soutenant des sites de crowdfunding comme Ulule, et des sites de streaming légal comme Deezer.
Bien entendu, l’Islande est un tout petit pays, et tout ce qui est fait là bas n’est pas forcément adaptable en France. Il n’est pas question de toute façon de remettre notre processus démocratique entre les mains d’une entreprise privée étrangère comme Facebook. N’y a-t-il cependant pas une place dans nos démocraties pour les pétitions en ligne ou le crowdsourcing ?
Un consensus mou autour de l’open data
L’open data est une des plus belles opportunités de la démocratie 2.0. La libération des données publiques permet à la fois de créer des opportunités économiques pour les acteurs privés qui travaillent avec l’Etat, mais aussi de faciliter le contrôle démocratique par les citoyens et les médias.
Le site Whoslobbying.com agrège par exemple les données publiques disponibles sur les lobbyistes et les emplois du temps des politiques au Royaume-Uni pour rendre la pratique du lobbying plus transparente.
La France s’est mise timidement à dévoiler ses données avec le site data.gouv.fr à la fin de l’année dernière, mais il y a encore beaucoup à faire. Dans les programmes, pourtant, on ne trouve au mieux que des déclarations d’intention vagues.
L’open data, tout le monde semble pour, mais personne ne dit vraiment jusqu’où il compte pousser cette transparence, et quels moyens il mettra pour y parvenir. On parierait que si une véritable impulsion est donnée à l’open data dans les cinq prochaines années, elle viendra par une directive européenne et pas par notre gouvernement.
Un président face à Facebook et Wikileaks
La démocratie web est en train de s’imposer, que les candidats le veuillent où non. Pendant son quinquennat, notre prochain président devra représenter un peuple qui s’informera très bientôt plus par les réseaux sociaux que par les médias traditionnels. Il devra faire face à des manifestations internet orchestrées par les géants du web comme celles qui ont rassemblé Google, Wikipedia et tant d’autres contre SOPA et PIPA aux USA, ou bien par Anonymous et Lulzsec. Il présidera un pays où Wikileaks pourra rendre ses données publiques qu’il le veuille ou non.
Notre prochain président devra comprendre les enjeux de la Big Data, il fera face à des géants du web qui en sauront plus sur ses citoyens que lui, et il devra les protéger.
En bref, le numérique sera un des enjeux essentiels des cinq prochaines années, et quel que soit son nom, notre futur président ne semble pas y être préparé.
Pour approfondir le débat, retrouvez le dossier très complet réalisé par Olivier Ezratty : « Les clivages de la présidentielle sur le numérique »
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