Que retenir de ce curieux CES 2021?
Par Olivier Ezratty, expert FrenchWeb
Nous voici à la fin de ce CES 2021 que l’on ne peut plus qualifier de « Las Vegas » puisqu’il avait lieu sur Internet, et plutôt aligné sur le fuseau horaire EST (New York / Washington).
Cette photographie de début d’année de l’état de l’offre technologique du moment ne pouvait pas s’analyser de la même manière que d’habitude. La découverte des nouveautés, qu’elles proviennent de grandes entreprises établies, de PME ou de startups, ne bénéficiait pas de la sérendipité de la visite d’un salon physique. La capacité des exposants à se faire connaître par leurs relations médias était encore plus déterminante que d’habitude pour sortir du lot. Cela semble avoir été préjudiciable aux startups qui ne bénéficiaient pas de l’appel d’air de la zone Eureka Park des éditions précédentes ou qui ne faisaient pas appel à des agences de relations publiques pour se faire connaître auprès des médias.
Il est toujours aussi difficile de résumer un salon de cette ampleur même si le nombre d’exposants est descendu de 4500 à 1960. Chacun y voit de toutes manières midi à sa porte selon ses propres centres d’intérêt. Aucun résumé ne peut être objectif. L’offre y est pléthorique et les secteurs représentés hétéroclites. Une startup présentant un produit n’est pas en soi une tendance. Le suivisme des uns sur les autres ne fait que confirmer des orientations du marché déjà connues. L’illisibilité d’un tel salon est aussi liée à la prolifération d’objets secondaires, d’accessoires utiles ou futiles et de solutions de marchés niches. Pour comprendre les tendances, il faut en pratique suivre l’actualité technologique toute l’année !
Ce CES 2021 reproduisait des typologies de tendances observées les années précédentes, portant sur des aspects particuliers de catégories existantes, et de mégatendances lourdes comme les véhicules électriques ou la démocratisation de la 5G. S’y ajoutait une “covidisation” d’une partie de l’offre, l’accent étant mis autour d’une vie centrée sur le domicile pour les activités privées comme professionnelles.
Nous allons voir cela dans le seul compte-rendu écrit que je ferais de ce CES 2021. Comme je l’avais annoncé en janvier 2020, le Rapport CES 2020 de 360 pages était le dernier du genre. Ce post est donc mon unique rapport écrit. Ne vous plaignez pas, c’est déjà bien copieux ! Au menu : comment les exposants se marketaient dans ce salon en ligne, la covidisation de l’offre, la mise en valeur de l’IA, la TV et la vidéo, la mobilité, les micro-ordinateurs, les transports, les objets connectés, la tech4good et l’environnement, un peu de quantique et un bêtisier !
Marketing en ligne
Avant de rentrer dans le lard des tendances, il me faut commenter la dimension marketing de ce salon devenu virtuel. Ce format génère des contraintes nouvelles, des pratiques plus ou moins efficaces et un retour d’expérience intéressant pour les entreprises qui doivent apprendre à faire leur marketing de manière exclusivement virtuelle. En deux mots, l’expérience virtuelle de ce CES 2021 était très décevante.
Comment visitait-on donc ce salon ? En s’inscrivant, de manière payante à partir de décembre, on pouvait accéder à une liste d’exposants curieuse : les 2000 exposants étaient sélectionnables après un tri par thématique et pays, et en ayant comme information les concernant que leur logo. On sélectionnait donc les logos intéressants, ce qui était très défavorables aux sociétés non connues. Quelle erreur ! Est-ce parce que la réalisation du site a été confiée à Microsoft qui en a profité pour caser sa solution de visioconférence Teams ? C’est un peu comme si on avait fait appel à SAP ou à McKinsey pour créer un jeu vidéo destiné à des enfants de 5 à 10 ans.
Les malins pouvaient intégrer une tagline explicite ou une image de produit dans leur logo pour éviter le syndrome de l’anonymat. Une fois le stand sélectionné, on se retrouvait dans une page web intégrant la description de l’activité de la société (ou pas… selon les cas), un carrousel de vidéos, des PDF téléchargeables (et je ne compte pas les startups françaises qui n’avaient rien à fournir de ce côté-là) et une liste de contacts avec qui on pouvait déclencher non pas une visio live (fail…) mais un tchat supporté par le service Pubble. On pouvait prendre un rendez-vous, via Microsoft Teams, et il fallait attendre un certain temps voire un temps certain pour avoir une réponse de l’exposant dans certains cas. Avec un système tellement bien fait qu’il proposait par défaut une date du passé, le dimanche d’avant le début du CES 2021 ! Avant d’ouvrir la page d’un stand, le site demandait si on acceptait de transmettre ses coordonnées à l’exposant. Heureusement, un opt-out n’empêchait pas de visiter le “stand”. Bref, adieu la sérendipité.
Dans le bêtisier, il y avait L’Oréal, dont la page ne contenait rien : pas de vidéo, pas de produit, pas de document et pas de contacts alors qu’ils lançaient bien des produits intéressants ! D’autres faisaient cela très bien comme ProovStation avec plusieurs vidéos et une brochure de qualité ou encore Taiwanavec son pavillon virtuel maison valorisant ses PME et startups.
Pour ce qui est des vidéos des “exposants”, il y avait à boire et à manger. Le pire du moment, qui m’agace au plus haut point, sont ces satanées vidéos format “dessin animé” gnangnans qui ne présentent même pas l’incarnation réelle du produit, qu’il s’agisse de matériel ou de logiciel. En voici un exemple avec la startup Jooxter ! Heureusement, d’autres vidéos permettent de mieux appréhender les produits et donnent plus envie de les explorer.
On pouvait sinon assister aux keynotes et conférences en direct ou en différé. Certaines étaient difficiles à suivre comme celle de LG qui enchaînait un nouveau produit toutes les 15 secondes. La manie des grands du secteur de vouloir enfiler des dizaines de messages est agaçante. Ils feraient mieux d’approfondir convenablement un ou quelques produits comme le fait traditionnellement Apple dans ses grands lancements de septembre. Fooooocus ! (contre-exemple ci-dessous avec le groupe coréen Hancom qui fait un peu trop de tout… pour un chiffre d’affaire total d’environ $300M). Et avouez-le, vous êtes toujours moins attentifs chez vous qu’en étant dans la salle lors d’une keynote ou d’une conférence !
À côté de cette information bien maigre pour faire son marché, la liste des 75 000 visiteurs inscrits était accessible. Et pas 200 000 comme certains l’ont cru et relayé. C’est un plus par rapport aux éditions précédentes de pouvoir savoir qui est “là”, notamment par société, sachant que le “là” était d’une valeur très relative. Un peu comme tous ces amis ou toutes ces relations avec qui on aimerait bien discuter librement en cette période de confinement prolongé mais que l’on n’ose pas forcément déranger.
En pratique, l’actualité du salon était bien plus facile à suivre via la couverture presse des grands médias technologiques tels qu’Engadget, TheVerge, C-NET et consorts, sans compter les médias français. Je l’ai aussi suivie via mon lecteur RSS avec une recherche sur le mot clé “CES 2021”, histoire de ne rien louper. Encore plus qu’à l’habitude, les médias ont donc joué le rôle d’intermédiateurs de découverte des nouveautés de ce salon. Cela a d’ailleurs bien fonctionné car l’actualité labellisée “CES 2021” était relativement abondante, tout du moins comparativement à tous les autres salons qui s’étaient maintenus dans un format virtuel en 2020. Vous aviez vu passer l’IFA de Berlin en septembre ou le Web Summit en décembre ?
Géopolitique du CES
L’équilibre des exposants par pays a été modifié par la virtualisation du salon. Le principal changement est la chute assez marquée du nombre d’exposants chinois. C’est un peu normal dans la mesure où une grande part des exposants chinois était des sous-traitants ne présentant pas d’offre ayant un grand intérêt. Sur les 2000 exposants, nous avons toujours les USA en premier avec 569 exposants, suivis des Coréens qui étaient 341 puis de 203 Chinois. D’ailleurs, Gary Shapiro, le patron de la CTA qui organise le CES, annonçait la fin du CES de Shanghai dans une interview avec Elsa Bembaron du Figaro. Ce n’est pas étonnant. Ce salon dont la dernière édition avait eu lieu en 2019 n’était pas une réussite.
La France arrivait en quatrième position de ce 2021 avec 135 entreprises, talonnée par Taiwan avec 130 exposants puis les Pays-Bas représentés par 85 sociétés. La présence française était bien valorisée par l’action de Business France qui avait créé pour l’occasion une brochure rassemblant l’ensemble des acteurs présents. Le Village Francophone revenait aussi avec une animation en ligne avec le concours du Village by CA, ce qui s’accordait bien.
La France collectait de plus une grosse dizaine d’awards honorees et un finaliste “Best of Innovation”, un résultat honorable mais inférieur à celui des années précédentes. A comparer à 191 entreprises et 285 produits élus, et 20 lauréats du “Best of Innovation”.
Les régions françaises étaient bien représentées avec notamment les régions au sud de la Loire : Région Auvergne-Rhône Alpes, Région Sud, Occitanie et Aquitaine. Pour la première fois, l’Outre-Mer était représenté de manière consolidée par Tech4Islands regroupant trois startups de Guadeloupe, Nouvelle Calédonie et Polynésie Française.
Qu’en est-il de la qualité des entreprises françaises représentées ? Je préfère ne pas me prononcer, faute de données objectives et même subjectives. A part pour rappeler que nombre de startups françaises sont sur des marchés très niche. Avec pas mal de sociétés destinées aux entreprises (Klaxoon, Linagora). Ou d’autres dont le nom ne semble pas refléter une véritable ambition internationale comme La Ruche à Vélos et son parking à vélos automatisé qui a pour l’air pas mal. Les grandes entreprises françaises exposant virtuellement comprenaient Schneider Electric, STMicroelectronics, Technicolor,L’Oréal et EDF (via ses filiales Exaion, Hynamics et Seclab) auxquelles il fallait ajouter le CEA qui valorisait trois startups spin-offs.
Covidisation de l’offre
Impossible de ne pas parler de l’impact du covid-19 sur l’offre présentée. Il est facile de covidiser de nombreux pans de l’offre numérique du moment, qu’il s’agisse des outils de travail chez soi, des loisirs numériques de la maison ou de ce qui concerne la santé. C’était aussi un autre moyen de valoriser les offres destinées aux entreprises alors que le salon est censé être la condensat des offres destinées au grand public.
Le télétravail était visible via quelques offres divers matérielles et logicielles. Nous avons d’abord des caméras de visioconférences adaptées aux entreprises ou au travail à domicile : la Owl Labs Meeting Owl Pro qui filme une salle de réunion à 360° et identifie et visualise les intervenants, la Labpano Pilot One 8K à 360° ainsi que la J5create 4K UHD Camera. Malheureusement, les outils de visioconférence les plus courants tels que Zoom diffusent rarement les vidéos au-delà d’un basique 720p.
Une caméra 360° placée au plafond comme la DreamVu Social Distancing Camera de MorpheusTEK permet de compter les personnes dans une pièce et de vérifier que leur distanciation est bien respectée (vidéo). Canon était très content de rappeler qu’ils avaient créé un logiciel pour transformer leurs appareils reflex et hybrides en webcam via le câble USB. Manque de bol, l’image 16×9 générée est cadrée dans du 4×3 et limitée au 720p, c’est donc inutilisable. La solution qui marche consiste à acquérir un convertisseur HDMI->USB à environ 22€ (exemple).
Côté professionnel, le tonitruant français Klaxoon présentait sont Smart Work Board, un pad partageable par les participants à une réunion, remplaçant l’habituel tableau de blanc et ses post-it. Un autre français, Ubikey, présentait aussi une solution de travail collaboratif à base de tableau blanc interactif.
Imverse (Suisse/USA) présentait Live3D, une solution “d’hologrammes” pour faire ses visioconférences. Il s’agissait en fait de la captation de vidéo volumétrique en temps réel, couplée à une visualisation exploitant un casque de réalité augmentée. Je m’insurge à chaque fois contre ces appellations “d’hologramme”. Un hologramme exploite des lasers et des interférences. Ce n’est jamais le cas dans ces solutions. Mais la vidéo volumétrique est ce qui s’en rapproche le plus. Comment fonctionne la solution d’Imverse ? Elle s’appuie sur un dispositif de captation monté multi-caméras monté sur un échafaudage. Ce n’est pas des plus pratique pour l’exploiter dans une salle de réunion ! Bref, ce n’est pas encore scalable même si le rendu est très sympathique.
Ce genre de solution de vidéo volumétrique est dans l’air du temps depuis au moins trois CES. J’avais repéré ce sujet au moment du CES 2017 avec quelques startups (FreeD, hyperVR, 8i), l’une d’entre-elles ayant été présentée dans le keynote d’Intel. L’année suivante, ce dernier présentait son impressionnant studio de production de vidéos volumétriques. En 2019, Intel démontrait un remake de Grease réalisé dans ce studio et affiché sur un écran 3D autostéréoscopique modifiant l’image en fonction de la position de l’audience, récupérée par un capteur RealSense. En 2020, le relais de la vidéo volumétrique était pris par la startup israélienne TetaVi positionnée comme prestataire de service de captation. Dans son keynote sur ce CES 2021, Canon évoquait aussi son activité dans la captation volumétrique de compétitions sportives aux USA. Presque un remake de ce que faisait Intel en 2017.
La covidisation de l’offre touchait aussi le robot de désinfection aux UV-C de LG Electronics. Les UV-C sont la partie des UV qui tue les pathogènes aériens dont le virus du covid-19. Ils sont générés par des lampes à excimer qui font plusieurs dizaines de centimètres de long, comme des néons. On ne sait pas encore générer des UV-C avec des lampes LED car les rendements sont très mauvais dans cette gamme de longueur d’onde, en-dessous de 222 nm. Deux robots équivalents était présentés par le Chinois Ubtech, les Adibot. Et puis GHSP proposait sa lampe UV-C Grenlite pour désinfecter l’intérieur des véhicules.
On avait aussi le AirPop (Pays-Bas) smartmask, un masque intégrant un analyseur de la qualité de l’air qui vous indique en plus quand il faut changer son filtre, MaskFone (UK), un masque intégrant oreillettes et micro, Seguro (USA) et son masque AirSafe transparent recouvrant tout le visage, le masque ventilé xHale du Français xRapid Group, iWavenology (Taiwan) avec son capteur de proximité à base d’Ultra Wide Band (UWB) pour garantir la distanciation sociale et toute une panoplie de produits mesurant la température des gens alentours à base de capteurs infrarouges.
Nous verrons plus loin d’autres solutions inspirées de la situation, notamment du côté des laptops.
Intelligence artificielle
Rares sont les produits qui ne se targuent pas d’intégrer des briques d’IA. Au CES, le moindre objet traitant des images ou de la parole est de la partie. Cela comprend donc tous les smartphones, toutes les caméras de surveillance, toutes les enceintes à commande vocale, même si Amazon et Google ne pouvaient plus faire leur démonstration de force comme les deux années précédentes.
Parmi les awards du salon, on avait droit à un bric à brac hétéroclite de produit affichant des morceaux d’IA avec Petpuls (un collier connecté qui analyse les aboiements des chiens pour détecter leur état émotionnel), Orcam Read (un stylo de lecture de textes imprimés ou sur écrans et text-to-speech), Qeexo (une solution logicielle d’AutoML pour les entreprises, par ailleurs mise en valeur par STMicroelectronics car elle supporte leurs microcontrôleurs STM32), John Deere avec son X-Serie combinee, une sorte de robot de récolte de maïs, puis le Daesung Hive Controller qui robotise le nettoyage des ruches.
On peut y ajouter le français VMPS Corporation avec Mathia un outil d’apprentissage des mathématiques exploitant la reconnaissance vocale et un affichage “holographique” (sur un miroir) ainsi que le Suisse Cryfe avec son système exploitant l’analyse du visage et du langage pour détecter l’authenticité de l’interlocuteur. Il cible les RH pour les recrutements !
Et puis parmi plein d’exemples, Cynomys (Italie) et sa solution de suivi de bétail à base d’IoT et d’IA qui fonctionne avec les volailles, les porcs et les vaches, Handsteco de Medic-Lead (UK), un distributeur de savon à base d’IA qui vérifie que l’utilisateur se lave bien les mains, Oticon (Danemark) et ses écouteurs More pour malentendants dynamisés au deep learning, Sniffy (USA) avec son application mobile servant à élever son chien, contenant aussi des morceaux de fruits d’IA dans son yaourt logiciel, et Philips qui lançait ses brosses à dent connectées Sonicare 9900 Prestige dont l’application mobile associée utilise aussi de l’IA. Au juste, s’est-t-on bien préoccupé des biais de l’IA de la brosse à dent ?
Et puis Sony mettait le paquet dans l’IA washing avec le lancement de ses nouvelles TV Bravia XR dotées d’une “intelligence cognitive” intégrée dans leur “Cognitive Processor XR”. Tout cela pour améliorer à la marge la qualité de l’image, déjà magnifiée par de belles dalles OLED ou quantum dots LCD.
Vidéo et TV
La tradition n’a pas été rompue : les constructeurs de TVs ont continué de jouer dans la surenchère sur la qualité des images. La quête est toujours la même : les contrastes, le rendu des noirs et la colorimétrie. Après des années à voir se confronter les quantum dots des écrans LCD et les écrans OLED, poussés surtout par LG Electronics, cette année voyait deux technologies particulièrement mises en avant : les mini-LED et les micro-LED. Et comme d’habitude, les appellations sont trompeuses car elles n’ont pas grand-chose à voir.
Les mini-LED sont des LED blanches ou bleues de rétroéclairage d’écrans LCD. Elles permettent d’obtenir de meilleurs contrastes et noirs, une promesse éternelle depuis que je vais au CES ! Cela ne sert pas à grand-chose car le véritable noir est très rare dans les contenus vidéo ! Faites un essai avec un film de SF ! Ces mini-LEDs se trouvaient chez LG avec ses TV QNED et leurs 25 000 mini-LED, Samsung avec ses Neo QLED 4K et 8K, jusqu’au 95 pouces en 8K, et avec un nombre de LEDs non précisé et chez TCL avec ses OD Zero intégrées dans des TV allant jusqu’au 85 pouces, avec un nombre de LED non indiqué comme pour Samsung.
Les micro-LEDs qui sont des matrices de LED RGB émissives, une version miniaturisée des systèmes d’affichage de l’événementiel. Les bénéfices sont voisins de ceux de l’OLED. Elles sont plus durables, plus lumineuses et génèrent de meilleurs noirs. Ces micro-LED sont cependant très chères à produire car il faut les placer une par une ou par blocs sur un substrat. Même en robotisant cela, ce n’est pas simple. Samsung présentait ses TV micro-LED de 99 et 110 pouces à plus de $150K ! Le bonus ? Une télécommande alimentée par un petit panneau solaire et fabriquée en plastique recyclé. Ces micro-LEDs proviennent notamment de PlayNitride (Taiwan) qui fournit une bonne part des fabricants d’écrans du marché (AUO, TCL et sa filiale CSoT, Samsung, Tianma) avec ses composants à base de nitrure de gallium (GaN).
HiSense présentait de nouvelles TV Laser, les TriChroma Laser TV qui sont en fait des projecteurs vidéo à courte portée que l’on place en-dessous d’un écran blanc. Ils améliorent le rendu des couleurs en couvrant 107% de la spécification BT2020 et 151% de la spécification DCI-P3 utilisée au cinéma. Le système utilise trois sources laser de couleur RGB pures qui améliorent au passage la luminosité. Le format proposé couvre des écrans de 75 à 100 pouces.
Côté décoration, Samsung fait évoluer ses TV cadres photos The Frame, lancés pour la première fois en 2017. Leur édition 2021 est plus fine, avec seulement 24,9 mm d’épaisseur pour des diagonales allant de 32 à 75 pouces. Ils peuvent même être personnalisés avec un biseau à 45° (angled beveled bezel option). LG Electronics faisait de même avec ses TV cadres photos OLED evo G1 Gallery Series disponibles en format mural ou sur pied (ci-dessous). L’épaisseur de la version 2020 était de 2 cm, celle de 2021 n’étant pas précisée. On suppose… moins ! L’image du produit ne permet pas de savoir “moins combien ?”.
Quid des usages et des interfaces utilisateurs de ces TV ? Ils sont assez peu mis en avant comme depuis pas mal d’année. LG présentait son WebOS 6 pour ses TV connectées avec un menu d’accueil repensé pour la nième fois. Et le support du cloud gaming via Google Stadia et permettant l’accès à des cartes graphiques Nvidia dans le cloud. Sinon, Google TV évolue chez les constructeurs chinois qui sont les principaux à l’adopter. Et l’ATSC 3.0 se généralise pour les pays utilisant ce standard de diffusion broadcast de la TV équivalent à notre TNT et son interactivité HbbTV qui est relativement peu utilisée.
Dans le domaine de la réalité mixte, virtuelle ou augmentée, le CES ne valorisait pas de grande nouveauté. Il y avait notamment les Lenovo ThinkReality A3 Smart Glasses, équipées d’un processeur Qualcomm Snapdragon XR1 SoC, d’une caméra 8MP, capable d’afficher virtuellement jusqu’à 5 équivalents d’écrans Full HD. La paire doit être connectée à un PC ou un smartphone utilisant un Qualcomm Snapdragon 8cx.
Enfin côté captation, Sony lançait un drone intégrant un hybride de la série Alpha, le AirPeak (vidéo). A quoi bon vu l’encombrement de ce marché ? Un me-too franchement de trop.
Mobilité
Je regroupe les quelques tendances confirmées par ce CES côté smartphones en trois catégories : la démocratisation de la 5G, les formats exotiques et l’amélioration des fonctions photo et vidéo.
La démocratisation de la 5G se confirmait avec des modèles de smartphones qui descendent maintenant en-dessous de 300€. C’est le cas du Redmi Note 9T 5G lancé pour ce CES 2021, qui est équipé d’un chipset MediaTek Dimensity 800U et d’une batterie de 5000 mAh. Son prix démarre à 230€ pour 64 Go de stockage. MediaTek serait d’ailleurs devenu le plus grand fournisseur de chipsets de smartphones fin 2020 en dépassant de peu Qualcomm. Au CES 2021, Qualcomm lançait au passage le Snapdragon 480, un chipset d’entrée de gamme 5G qui va aussi contribuer à cette démocratisation pour les annonces à venir de l’année. Cela complétait l’annonce du Snapdragon 888 haut de gamme en décembre 2020.
Les formats de plus en plus exotiques continuent de proliférer. Le LG Wing avec son double écran rotatif, la caméra cachée derrière l’écran chez Xiaomi, le Samsung Galaxy Z Flip qui se plie en deux formant un petit carré puis le Samsung Galaxy Z Fold 2 qui se déplie en deux pour devenir une grande tablette carrée. Cette disparité va leur nuire et je crains qu’aucun format de ce type ne puisse s’imposer à la longue. A noter la présentation de prototypes de smartphones à écrans enroulables chez TCL (vidéo) et LG (vidéo). TCL présentait même un écran enroulable de 17 pouces, produit avec une technologie d’impression OLED. Cette fois-ci, plutôt pour un laptop du futur. Tout cela est bien distrayant. J’ai cependant du mal à voir l’un de ces formats s’imposer et pas que pour une question de prix. La grande masse des utilisateurs préfère des solutions simples.
Enfin, les fonctions photos sont toujours plus évoluées avec des smartphones intégrant entre trois et cinq caméras selon les cas, avec des optiques à grande ouverture, des zooms, des grands angles, un nombre de pixels de 108 MP (mégapixels) et de l’IA embarquée pour traiter numériquement les photos, notamment à basse lumière.
Vers la fin du CES 2021, Samsung annonçait ses derniers Galaxy S21 avec trois modèles : le S21 de base, le S21 Plus et le S21 Ultra. Ils réservent d’habitude ces annonces pour le MWC de Barcelone, mais celui-ci a été repoussé de février à juin 2021 et rien ne garantit qu’il aura lieu physiquement à ce moment-là. La principale nouveauté du S21 est son chipset qui devient le dernier Qualcomm Snapdragon 888 annoncé en décembre 2020. C’est complété par une augmentation de la résolution du capteur grand angle principal qui monte à 108MP pour le S21 Ultra et 64 MP pour les autres. Et surtout une baisse des prix par rapport à la gamme des S20, permise notamment par la suppression du chargeur dans le packaging (comme chez Apple, sachant que ce dernier n’en a pas profité pour baisser ses tarifs) et du slot pour carte mémoire.
A plus long terme côté photo, Samsung viserait les 200 MP voire même les 600 MP, une course à l’échalote dénuée de sens. Les caméras selfies frontales des prochains smartphones du marché devraient s’améliorer avec le nouveau capteur CMOS d’Omnivision, le OV32B et ses 32 mégapixels (ces capteurs sont plus petits que ceux des caméras dorsales) ! C’est complété par des pointeurs lasers ou des LiDAR pour faciliter la mise au point, notamment en situation de basse lumière.
Cette surenchère contribue à enfoncer encore plus le marché des appareils photos qui décline inexorablement depuis plus de 10 ans. Mais, mais… les reflex et hybrides full frame ont encore quelques atouts en terme de qualité d’image (normal, leurs capteurs sont bien plus grands) et au niveau du bokeh, que l’IA embarquée dans les smartphones n’arrive pas encore à bien simuler. Je dois avouer que je sors moins souvent mon reflex de son sac depuis que je suis passé à un smartphone récent.
Ordinateurs personnels
L’offre évolue surtout au gré de l’arrivée des nouveaux processeurs d’Intel et AMD et maintenant à base de noyaux arm comme chez Apple et Qualcomm. Chez Intel, on en est aux Core de 11e génération avec leur GPU et leurs tenseurs (GNA) pour accélérer les calculs du deep learning.
Côté laptops, les améliorations sont toujours marginales d’une année sur l’autre comme celle des webcams intégrées qui semblent progresser comme dans les Dell Latitude 9420 et 9520 de 14 et 15 pouces. Il est en effet incroyable que dans des laptops pouvant atteindre 2000€ les webcams intégrées ne soient même pas Full HD alors que c’est le cas de n’importe quelle caméra de smartphone d’entrée de gamme.
Dans cette même lignée, HP lançait son Elite Dragonfly Max équipé de quatre micros et d’une caméra de 5MP donc, Full HD, ainsi que d’un capteur de proximité infrarouge. Le tout avec des Core Intel de 11e génération et jusqu’à 32 Go de mémoire et 2 To de SSD PCIe tout en conservant un vrai port HDMI 1.4 en plus de plusieurs USB-C. Enfin, une option 5G est prévue, qui sera disponible selon les pays.
Lenovo lançait le ThinkPad X1 Titanium Yoga, un convertible 13,5 pouces de ratio 16/10, un format qui faisait aussi son apparition chez d’autres constructeurs. Le nouveau Yoga ne pèse que 1,1 kg pour 11 mm d’épaisseur et rappelle le Yoga 900S lancé en 2016. Il intègre la 5G, très à la mode dans ce CES 2021 et est motorisé par un Intel Core de 11e génération non précisé ce qui sous-entend qu’il sera commercialisé sous plusieurs versions, dont le prix démarre tout de même à 2149€.
Lenovo lançait aussi ses Lavie Mini sous la marque NEC (acquise en 2016). C’est un convertible de 8 pouces Full HD, avec un processeur Core i7 de 11e génération généreusement équipé de 16 Go de RAM et de 256 Go de stockage. Il pèse 579 g et sa batterie fait 26 Wh. Il peut être complété par un pad le transformant en console de jeu (ci-dessous).
Intel lançait une nouvelle famille de chipsets quadcore de la 11e génération gravés en 10 nm, les Core H35, avec une édition spéciale pédalant jusqu’à 5GHz, pour 35 Watt. Ils sont dédiés aux laptops de gamers.
Intel met aussi en avant la fonctionnalité Evo de ses nouveaux chipsets pour laptops qui est destinée à améliorer les usages : sortie plus rapide de mise en veille, plus grande autonomie, recharge plus rapide et meilleure connectivité.
AMD faisait de même avec le lancement de Ryzen 5000 pour notebooks de jeux avec jusqu’à huit cœurs. En affirmant qu’ils sont les meilleurs au monde ce qui pourra se vérifier avec des benchmarks tierce-partie. Nvidia complétait tout cela avec son GPU GeForce RTX 3060 visant à rendre leur technologie de rendering RTX pour jeux vidéo plus abordable par rapport au flagship RTX 3080.
D’où les présentations de nouveaux laptops de gamers de compétition comme les Razer Blade 15 et Blade 17 équipés cependant de processeurs Intel 10875H de la génération précédente à celle qui était annoncée au CES 2021. Ils sont surtout équipés de GPU Nvidia GeForce RTX 3080 avec jusqu’à 16 Go de mémoire, le top pour le jeu vidéo sur PC. Asus lançait pour sa part son laptop ROG Zephyrus Duo 15 SE doté de deux écrans OLED (ci-dessous).
L’Asus ZenBook Pro Duo 15 OLED est aussi doté de deux écrans et d’un GPU Nvidia RTX 3070. Il semble plus dédié aux créatifs. Nos gamers pourront au passage s’équiper des manettes de jeux etee de TG0 (UK, ci-dessous, vidéo).
Quelques constructeurs tels que Samsung lançaient une nouvelle salve de Chromebooks, ces laptops exploitant le système d’exploitation de Google lancé en 2011. Leur derniers Chromebooks sont équipés d’un écran QLED Full HD de 13,3 pouces et d’un chipset Intel Core i3 de 10ième génération ou encore d’un Celeron 5205U d’entrée de gamme. Le tout avec 4 Go de mémoire et 64 Go de stockage, le tout pour $550 à $700. Acer lançait son Chromebook Spin 514 convertible utilisant un processeur AMD Ryzen 3000-C. Asus faisait de même en lançant son Chromebook CX9 durci de 14 pouces. On trouve aussi des Chromebooks chez Dell et Lenovo.
A quoi servent donc ces Chromebooks ? Essentiellement, à naviguer sur Internet avec le navigateur Chrome et à lancer des applications Android. Ce sont généralement des laptops ou convertibles sous-configurés qui ne sont pas assez gonflés pour traiter des photos ou des vidéos, et encore moins pour les jeux vidéo. Qui plus est, ils ne sont pas si peu chers par rapport aux laptops et convertibles d’entrée de gamme tournant sous Windows. Ils sont néanmoins très utilisés dans les écoles, notamment aux USA. Lorsque l’on passe aux études secondaires et supérieures, on passe inexorablement aux Mac Books et aux laptops sous Windows.
Et des laptops ou convertibles à base de processeurs arm tournant sous Windows ? Ils se faisaient rares avec le HP Elite Folio et le Lenovo IdeaPad 5G. Le premier est un 13,5 pouces Full HD équipé d’un chipset Qualcomm Snapdragon 8cx Gen 2 supportant 4G et 5G via les modems X20 et X55 de Qualcomm, plus 16 Go de mémoire et 512 Go de stockage. Avec une autonomie annoncée de 24 heures. Le second est un 14 pouces Full HD équipé d’un Qualcomm Snapdragon SC8180XP qui a l’air légèrement moins récent, avec 8Go de mémoire et jusqu’à 512 Go de stockage, affichant une autonomie de 15h avec sa batterie de 51 Wh et de 20h en lecture de vidéos.
Tout cela alors qu’Apple abandonnait Intel pour créer son processeur maison à base de noyaux arm, affichant une puissance de calcul faisant honte à Intel dans ses derniers Macbooks lancés fin 2020 et doublant l’autonomie à 20 heures, dans la lignée des laptops Windows dotés de processeurs Snapdragon.
Pour les desktops, Intel lançait ses processeurs Core i9-11900K gravés en 14 nm, des processeurs Core de 11e génération “Rocket Lake S” améliorant la performance de 19% par rapport au Core i9-10900K de 10e génération. Il comprend 8 cœurs au lieu de 10, tournant à 4,8 GHz avec un cœur pouvant être poussé à 5,3 GHz. Les communications sont améliorées avec un bus PCIe 4.0 à 20 voies permettant d’augmenter la vitesse des liens avec le GPU. Intel annonçait aussi ajouter des fonctions de protection contre les ransomwares dans ses processeurs d’entreprises utilisant les fonctionnalités vPro. MSI et Asus en profitaient pour lancer de nouvelles cartes mères dont je vous passe les détails.
Lenovo lançait son all-in-one Yoga AIO 7 avec un écran de 27 pouces pivotant en mode portrait plus audio JBL de 2x5W et un CPU AMD Ryzen 7 4800H. LG présentait enfin un moniteur ultrafin, l’UltraFine OLED Pro de 31,5 pouces, sans préciser son épaisseur. C’est tout de même ballot ! Plein d’autres moniteurs widescreen étaient annoncés, sans un intérêt énorme. Ils sont souvent optimisés pour les joueurs avec un frame rate élevé.
Transports
Les véhicules présentés sont toujours électriques. L’électrification de véhicules touche de nombreuses catégories : voitures, pick-ups, camions, bus et utilitaires. L’autonomie est mise en veilleuse comme l’année précédente pour mettre en valeur la conduite assistée. Panasonic la mettait le mieux en valeur dans une vidéo de démonstration.
Une exception à découvrir dans ce CES : les camions de transport autonomes de Caterpillar pour les mines où, il est vrai, il n’y a pas grand monde et peu de risques d’être confronté au fameux dilemme du tramway. Ils sont déjà opérationnels mais faire la part des choses entre le téléguidage et l’autonomie complète n’est pas évident. Leur concurrent japonais Komatsu fait de même.
Du côté des véhicules électriques hors “voiture classique”, notons dans l’actualité :
- Rivian qui a levé en tout $5,35B pour construire ses pickups électrique devant notamment concurrencer le CyberTruck de Tesla qui sera sûrement commercialisé en retard. Il avait été annoncé en novembre 2019 pour une production prévue fin 2021.
- WeRide qui a levé $403M pour développer des bus autonomes qui ressemblent à des Navya. Tout ça pour ça!
- Van Hool (Belgique) qui développe son bus électrique, le CX45E avec 500 km d’autonomie théorique.
- Kodiak qui présentait ses camions autonomes et remportait au passage un award du salon.
- Cenntro Automotive (USA) présentait son CityPorter, un van de livraison électrique avec 350 km d’autonomie et une charge utile de plus de deux tonnes.
- Sono Motors (Allemagne) présentait son petit SUV électrique alimenté par panneaux solaires, lui fournissant une autonomie de 35 km par jour, si vous habitez dans un endroit bien ensoleillé et jusqu’à 140 km/h.
Dans le même temps, Uber abandonnait les véhicules autonomes en 2020. L’autonomie est toujours une histoire de dans cinq ans à dans dix ans sauf pour Elon Musk qui promet chaque année sans sourciller que cela sera prêt pour l’année suivante.
GM relançait en 2020 la production de ses Hummer avec un modèle électrique. On ne pourra pour autant pas prétendre que c’est “vert” vus la taille et le poids de l’engin. Comme tous les véhicules électriques de GM à venir, ils seront équipée d’une nouvelle batterie Ultium, qui avait été révélée début 2020. Elle remplace 70% du cobalt par de l’aluminium et est structurée en cellules plates procurant une meilleure densité, moins de câble et une autonomie allant de 720 km à 960 km. Les batteries Ultium seront fabriquées dans une usine aux USA dans une joint venture lancée avec LG Chem. Leur gestion sans fil est réalisée avec une électronique d’origine Analog Devices. Au CES 2021, Panasonic annonçait aussi qu’il allait pouvoir utiliser moins de 5% de cobalt dans ses batteries.
GM présentait aussi une Cadillac de luxe exploitant la même batterie et bourrée de technologies pour le confort du conducteur et des passagers. Dans les utilitaires, leur BrightDrop est une offre globale de vans de livraison électriques (EV600) couplée à des palettes motorisées pouvant se déplacer dans des entrepôts, de manière téléguidée dans un premier temps.
Byton (Chine) avait marqué les esprits les années passées avec sa console utilisant un écran énorme de bout en bout. Un écran dont l’intégration avait d’ailleurs été réalisée en partenariat avec Faurecia. Cela faisait des émules sur ce CES 2021 avec des présentations de tableaux de bord utilisant aussi de très grands écrans, chez Mercedes pour son MBUX Hyperscreen, un écran OLED ultrawide de 56 pouces puis chez Cadillac du groupe General Motors pour son Lyriq EV de 33 pouces. Tout cela pour associer contenus médias pour les passagers, et aide à la conduite et cartographie pour le conducteur.
Côté équipementiers, Magna annonçait la création d’une joint venture avec LG Electronics pour la création de “powertrain” des véhicules électriques, la partie pilotage de la puissance et motorisation électrique.
La bataille des LIDAR accessibles se poursuivait. Mobileye et Luminar annonçaient un partenariat pour créer un LiDAR à moins de $1K comprenant probablement un chipset Mobileye de traitement des informations issues des LiDARs de Luminar. Au même moment, Mobileye annonçait travailler sur un chipset LiDAR intégré à base de photonique silicium utilisant le procédé FMCW (Frequency Modulated Continuous Wave Technology), pour une disponibilité en 2025 ! Et puis RoboSense lançait un nouveau LiDAR, le RS-LIDAR-M1, de format classique avec scan mécanique rotatif horizontal et angle de scan vertical de 40°. Sa particularité est un encodage du signal laser qui évite de s’emmêler les pinceaux laser entre LiDARs de véhicules avoisinants.
Enfin, présenter des drones de passagers, même en statique est difficile en mode virtuel. Cela n’a pas de rapport avec le fait qu’Uber Elevate ait été cédé à Joby Aviation pour $75M en août 2020. Uber Elevate s’était fait remarquer deux fois de suite au CES en présentant d’énormes maquettes de drones de passagers électriques développées par Bell Helicopter et Hyundai. Entre temps, d’autres fabricants de drones ont fait des progrès notamment eHang et Lilium qui avancent dans leurs tests sur le terrain, surtout en Asie et dans les Émirats.
Objets connectés
La caverne d’Ali Baba des objets connectés du CES 2021 est toujours aussi remplie et il est impossible d’en faire véritablement le tour. Comme les startups étaient moins visibles cette année, on retenait plus facilement la production des grandes marques asiatiques dans les produits blancs.
A commencer par les réfrigérateurs connectés de Samsung de la série Bespoke qui s’égayent avec un choix de couleur pour les quatre portes et avec un grand écran en mode portrait pour découvrir des recettes de cuisine. C’est le coup qu’ils nous font à chaque CES. Cette histoire se répête inlassablement et les scénarios d’usage présentés sont rarement crédibles. Samsung lançait aussi le JetBot 90 AI+, un robot aspirateur tout terrain encore plus intelligent qui fait de la reconnaissance d’objets, équipé de LIDAR, capteurs 3D, caméras et se déplace sur chenilles. La vidéo de démonstration est hilarante de décalage par rapport à la vie réelle même pour ceux qui ont des animaux domestiques. Nous avions aussi le LG Electronics CordZero ThinQ A9 Kompressor+, un aspirateur robot qui vide automatiquement son réservoir. C’est plus crédible. Si l’on arrive à retenir son nom !
Samsung présentait enfin le produit habituel qui ne sera jamais commercialisé : le Bot Handy, un robot qui remplit le lave-vaisselle. Il remplace dans ce rôle la balle robot Ballie présentée au CES 2020, qui ne servait à rien, et ne sert toujours à rien. Donc, on n’en parle plus. Même pas de V2 ! Elle a toutefois trouvé son succédané, le Moorebot Scout, un mini-robot sur chenille doté d’une caméra qui peut farfouiller chez vous pour surveiller vos enfants, animaux domestiques et pourquoi pas les livreurs que vous avez autorisé à rentrer chez vous avec votre serrure connectée.
Pour votre cuisine, Moley (UK) vous promet le robot qui va faire le boulot à votre place. J’ai déjà évoqué ce genre de produit dans des éditions du rapport du CES des années passées. Là, ils disent que c’est bon pour la commercialisation. Il va juste falloir refaire entièrement votre cuisine Ikea pour que cela rentre dedans pour caser le rail qui soutient les deux bras articulés du robot (vidéo) ! Et aussi probablement casser la tirelire !
Hors électroménager, nous avions quelques produits plus ou moins originaux dans le domaine de la santé, avec une prééminence des Coréens qui s’explique simplement par leur côté généralement innovant et par le fait que le pays était cette année le second du CES 2021 en nombre d’exposants.
- Philips Teledentistry, un service de consultation à distance de dentiste qui tourne autour de leur brosse à dents connectée. Cela correspond à l’obsession qu’ont les fabricants de passer de la production de produits à la fourniture de services, si possible avec un abonnement. Ils rêvent de business models à revenus récurrents. Il est rare que cela fonctionne, hormis pour la vente de dentifrice.
- H Robotics Rebless (Corée), un engin dédié à la rééducation du genou et des coudes. On en voit régulièrement au CES et celui-ci avait l’air plus abouti.
- Bosch Hemoglobine Monitor, qui sert à contrôler l’anémie, par analyse non invasive de l’hémoglobine. Powered by machine learning of course ! C’était l’un des nombreux produits destinés à analyser votre composition sanguine présentés au CES. Il y avait aussi ceux de Winnoz (Taiwan) et mProbe CADx (Taiwan).
- Nahibu (France) et son test microbial permettant de connaître la diversité de sa flore intestinale. D’un point de vue pratique, le test fonctionne de la même manière qu’un Hemocult de dépistage du cancer colorectal. Les résultats vous sont envoyés en ligne avec des recommandations et notamment des conseils alimentaires basés sur la méthode Shido… promue par Nahibu. Les magasins bio vont sûrement apprécier.
- ICON.AI (Corée) avec un système de “suivi de la santé” qui intègre la commande vocale Alexa, un capteur amovible à électrodes mesurant rythme cardiaque, oxymétrie, tension et ECG. Il affiche les résultats sur le dock et son écran. Le “suivi de la santé” est une promesse courante et évidemment trompeuse car cela ne permet de réaliser qu’un petit bilan cardiaque superficiel. HD Medical HealthyU (USA) fait la même chose avec en plus un ECG 7 points et avec un appareil entièrement portable. On trouve le même genre de solutions sous la forme de coques de smartphones comme avec vmedical (pays non précisé, est-ce le Français vmed ?) ou chez G Medical Innovation (USA/Îles Caïmans) avec son Prizma Medical Smartphone Case. Des applications mobiles comme Anura de NuraLogix (Canada) servent aussi à réaliser un bilan de santé, en pratique seulement cardiaque, en examinant juste votre visage.
- Macroact Maicat est au chat ce que l’Aibo de Sony est au chien, un robot chat. Il est cependant moins souple qu’un chat. Et on remplace la litière par la recharge de la batterie. Est-ce plus propre ? On demandera au Shift Project de faire le benchmark.
- Breadth in Balance présentait une ceinture connectée ne servant pas à mesurer l’évolution de son tour de taille mais à vous aider à bien respirer et à décompresser. Si cela se trouve, cela peut même aider à déstresser pendant les confinements.
- Et puis une queue de comète de capteurs connectés pour retrouver son chat (Ubiscale Feelloo, France) ou ses paires de lunettes (Findy, Suisse) ou les deux à la fois. Alors, que devient Wistiki ?
Environnement et Tech4Good
Le sujet était abordé par les grandes marques asiatiques. Samsung est celui qui l’a le plus mis en avant sur ce CES 2021 avec en vrac : de l’électroménager qui économie l’eau et l’électricité, des produits en matières recyclées et la possibilité de réutiliser les emballages des TV pour créer du mobilier… en carton.
Il y avait en tout 206 sociétés dans la catégorie “sustainability”, soit 10% du total, avec avec des cas très border line. Les produits du domaine les plus courants concernent la purification de l’eau et de l’air, le suivi de la consommation d’eau, la gestion des déchets et la culture hydroponique.
Voici quelques cas originaux identifiés en scannant les exposants :
Du côté du recyclage : Lasso (UK) et sa poubelle intelligente qui trie vos déchets recyclables, les nettoie et les broie. Il trie ainsi les plastiques, métaux et le verre. Cela pousse le bouchon de la poubelle intelligente un peu plus loin que l’état de l’art. Puis Clearbot (Hong Kong) qui présentait un petit robot de collecte de déchets dans les rivières et océans et Plas’Tri (France) et son scanner de polymère permettant de faire un tri de plastiques à recycler.
Dans l’énergie, il y avait notamment Thunderzee (Taiwan) et ses batteries zinc-air de haute puissance. Puis VH quatrevingtreize (France) et sa solution de génération d’énergie intégrant la captation d’énergie hydroélectrique exploitant un rotor souple construit à partir de bois recyclé et d’énergie éolienne plus classique. Leur slogan “Make Energy Great Again” est gauche et diversement appréciable. Il leur faudra passer par une agence de branding car leur nom, cela ne va pas le faire ! Wise-Integration (France) est une spin-off du CEA-Leti qui présentait une solution de réduction des pertes énergétiques dans les convertisseurs de puissance à base de composants GaN (nitrure de gallium). La filiale Hynamics d’EDF présentait son offre d’électrolyse de l’eau pour produire de l’hydrogène dans les milieux industriels. Enfin, Kipsum (France) présentait sa solution d’IA qui sert à créer un double numérique d’un bâtiment à partir de données issues de capteurs. Ce double permet de simuler son système de chauffage et ses occupants pour proposer des sources d’optimisations de la consommation d’énergie.
Pour ce qui est de réduire la consommation d’eau, L’Oréal présentait son Water Saver (ci-dessus), une solution créée en fait par la startup suisse Gjosa qui réduit la consommation d’eau lors du lavage des cheveux en salon de coiffure. Le principe consiste à mélanger les produits de lavage avec l’eau pour alimenter une douchette qui fonctionne à grande vitesse, avec à la clé une réduction de 80% de la consommation d’eau. Voilà du véritable “green washing” au sens littéral !
Carbyon (Pays-Bas) et son système de captation du carbone à partir de l’air ambiant utilisant des films minces poreux. Pas évident d’évaluer l’intérêt de la chose.
Woodoo (France) créé des matériaux innovants très solides à base de bois.
Algaeba (Thaïlande) décompte les larves de crevettes avec des objets connectés. C’est un sacré marché de niche !
Dans un domaine qui n’a rien à voir et que l’on peut classer dans la Tech4Good, Slimca de LabEatalot (Taiwan) est un enregistreur de conversation tenant dans un dispositif discret faisant la taille d’un badge ou d’une carte de crédit. Il était valorisé comme une solution pour récupérer des preuves de harcèlement dans les entreprises ou au foyer. Cela semble tout à fait pertinent. Dommage qu’il n’ait pas été utilisé à la Maison Blanche ces quatre dernières années !
Il y avait probablement plein d’autres sociétés positionnées sur ce sujet et je n’ai pas eu le temps de les chercher et de les repérer.
Quantique
On voit toujours midi à sa porte !
En 2019 et 2020, IBM s’était distingué en lançant deux générations de ses ordinateurs quantiques Q System One. Ils étaient encore présents, dans une conférence d’une demi-heure sur le sujet. Et cela a fait des émules. Cette année, il y avait une demi-douzaine d’exposants de technologies quantiques, dont Qblox (Pays-Bas) et Xanadu (Canada). Le premier présentait un système “scalable” de contrôle de qubits supraconducteurs pour lequel il a même été nominé aux awards d’innovation du CES. Le second a lancé en 2020 une offre de calcul quantique dans le cloud avec quelques qubits photons.
Il y avait aussi le laboratoire Fraunhofer IOF qui présentait une source de photons destinés aux applications de cryptographie quantique, puis Orange Quantum Systems, un prestataire de services d’accompagnement de laboratoires dans les technologies quantiques, une spin-off de QuTech, ainsi que Quantum Delta, une association qui fait la promotion de l’écosystème quantique des Pays-Bas. Bref, les Pays-Bas se faisaient remarquer sur le quantique, poussés par leurs pouvoirs publics !
Par contre dans les exposants, Quantum Solutions (Corée) fait du logiciel embarqué pas quantique, Quantum (USA) propose des solutions de stockage de données classiques, Quantum Operations Inc (Japon) développe des capteurs de glycémie pour diabétiques avec, s’il y a du quantique dedans, il relève de la “première révolution quantique”, celle de l’interaction lumière-matière, et enfin, Cubbit (Italie) est un fournisseur de services de cloud tout ce qu’il y a de plus classique.
Bêtisier
Un bon retour du CES ne serait pas complet sans un petit bêtisier de produits loufoques ou relevant de simples escroqueries ou de pseudo-sciences. C’est ce dernier point qui sera à l’honneur cette année avec trois produits qui relèvent de la fumette et viennent tous du même pays :
- iMediSync (Corée) iSyncWave, un casque d’analyse des ondes cérébrales à base d’IA et doté de LED thérapeutiques pour traitements psychiatriques, Parkinson, démence, PTSD, ADD et dépression. On dirait que l’engin sert surtout à générer un effet placebo.
- Follinic d’IL Group/IL Science (Corée), un casque pour refaire pousser ses cheveux, utilisant des micro-courants en plus des habituelles LED de couleur. Contrairement au cas précédent, il est plus facile de vérifier que cela ne fonctionne pas !
- Digital Quantum Bio (Corée, once again) qui capte des champs d’énergie naturelle (“Natural Energy Fields”) semblant associer des rayons cosmiques et des plasmas pour vous permettre de guérir de tout et n’importe quoi. Le baratin de la société s’appuie sur les expériences de mémoire de l’eau de feu Jacques Benveniste. Il évoque des histoires de spins d’électrons bien orientés. La solution en question utilise une application mobile qui émet juste des sons et des images qui génèrent des interférences ! Leur thérapie permettrait accessoirement de se débarrasser du covid-19 à 99,99%. Qu’est-ce qu’on attend donc ? Quel lobby puissant empêche cette solution miracle d’être diffusée ? Je vous laisse à vos hypothèses !
Conclusion
Ce compte-rendu est biaisé comme je l’annonçais en introduction. Je n’y couvre pas les présentations de produits divers dans des domaines comme la cybersécurité (anxiogène), l’impression 3D (rien de nouveau), la smart city (abandonnée par Cisco et Google, indémontrable et vendue en pièces détachées), l’audio et la hi-fi (calme plutôt plat), les caméras de surveillance (de plus en plus indiscrètes et avec toujours autant d’IA), les montres connectées (pas d’annonces marquantes), le Wi-Fi 6 (OK, c’est plus rapide si tout le monde s’y met), la blockchain et les crypto-monnaies (ennuyeux). D’autres le feront sûrement ou diront “tu n’as pas parlé de ceci et de cela” !
Espérons avec tout cela que ce sera le dernier CES virtuel. En vrai, même si c’est très fatigant, c’est tout de même bien mieux que planté sur sa chaise et devant un écran, aussi beau soit-il ! On veut voir de vrais gens !
L’expert
Olivier Ezratty est consultant et auteur, créateur d’Opinions Libres, son blog sur les deep techs (intelligence artificielle, informatique quantique, medtech, …) et sur l’innovation (entrepreneuriat, politiques publiques…). Olivier est expert pour FrenchWeb qui reprend les publications de son blog.
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