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Qu’est-ce que le « cloud » souverain européen ?

Par Joseph Boyle et Raziye Akkoc, Bruxelles / AFP

Des milliards d’euros inondent le secteur de l’informatique dématérialisée (« cloud ») en Europe… Principalement grâce à Amazon (AWS), Google et Microsoft. Des investissements survenant en plein débat sur la question du « cloud souverain européen », censé permettre le stockage et le traitement de données en ligne sans passer par les géants américains.

Pourquoi le débat existe ?

Le « cloud » est un terme fourre-tout qui désigne la méthode de stockage des données dans de vastes entrepôts gérés par des sociétés externes plutôt que sur des ordinateurs locaux gérés en interne. Un « cloud souverain » repose sur l’idée qu’un territoire (région, pays, espace régional) possède le contrôle de ses données – où elles sont stockées, comment on y accède, qui les supervise.

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Actuellement, près de 80% du marché du cloud européen à destination des services publics est contrôlé par trois groupes américains, AWS, Google et Microsoft, alors que des alternatives européennes peinent à se démarquer.

Dans ce contexte, la Commission européenne cherche à aider des entreprises européennes capables de gérer des infrastructures de cloud à se développer, afin d’héberger les données les plus sensibles, et permettre d’avoir le choix en matière de confidentialité des données.

Car la législation aux Etats-Unis oblige Amazon (AWS), Google, Microsoft et consorts à transmettre des données, même des informations personnelles sensibles, à la demande des agences de sécurité américaines.

Ces transferts de données ont été à plusieurs reprises jugés illégaux au regard du droit européen.

L’un des principaux objectifs de la création d’un « cloud souverain » impliquerait d’offrir « une immunité contre les juridictions étrangères qui accèdent aux données des citoyens ou des entreprises européennes en vertu de leur législation nationale – que ce soit aux Etats-Unis, en Chine ou dans une autre juridiction », déclare à l’AFP Francisco Mingorance, secrétaire général de la CISPE, l’organisme en charge de défendre les intérêts de l’industrie européenne du « cloud ».

Que font les responsables européens ?

Les gouvernements français et allemand ont uni leurs forces en 2019 pour annoncer l’initiative Gaia-X, une collaboration entre des entreprises, des fonctionnaires et des universitaires visant à mettre en place une infrastructure européenne de données et de technologies, même si des acteurs comme Amazon et Microsoft figurent parmi ses membres.

Si la France « soutient » l’initiative, « les autres pays n’y sont pas très favorables », a déclaré à l’AFP Ulrich Ahle, directeur général de Gaia-X.

Le débat français va souvent au-delà des préoccupations liées aux données pour promouvoir une vision plus large de la souveraineté qui implique la création de champions numériques européens comme OVH ou Scaleway, capables de rivaliser avec les géants américains de la technologie.

Fin 2023, la Commission européenne a annoncé une enveloppe de 1,2 milliard d’euros de financement public, dans le cadre d’un projet important d’intérêt européen commun (PIIEC), qui « devrait permettre de débloquer 1,4 milliard d’euros d’investissements privés supplémentaires » afin d’aller dans ce sens.

Les PIIEC permettent à plusieurs Etats européens de se regrouper pour financer le développement d’une industrie dans un secteur considéré comme essentiel au niveau européen, tout en respectant les règles européennes en matière de subvention des entreprises.

Celui consacré au cloud regroupe l’Allemagne, l’Espagne, la France, la Hongrie, l’Italie, les Pays-Bas et la Pologne, ainsi que 19 entreprises, dont les opérateurs Orange et Telefonica, le conglomérat Siemens, ainsi que Capgemini, OVH ou Atos.

L’UE élabore également une norme, mais une vive polémique a embrasé le processus après que des fonctionnaires européens ont rédigé une version qui abandonne un engagement de longue date en faveur de la souveraineté européenne.

Est-ce suffisant ?

AWS a annoncé fin mai un investissement géant de 15,7 milliards d’euros sur une période de dix ans afin d’accroître la capacité de ses centres de données en Espagne. Le mois dernier, un investissement de 7,8 milliards d’euros en Allemagne a été marqué du label « souverain ».

« AWS et consorts essaient toujours de faire valoir que l’emplacement des serveurs est pertinent. Ce n’est pas le cas », souligne auprès de l’AFP Max Schrems, militant pour la protection de la vie privée.

Les grandes entreprises américaines expérimentent d’autres moyens de contourner le problème, notamment en créant des entités et des partenariats européens qui seraient légalement responsables des données.

« Elles disent souvent que c’est leur plan pour l’avenir, mais à ma connaissance, il n’y a pas encore de système +solide+ où cela se fait correctement », estime Max Schrems.

 

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