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Reid Hoffman : dans les coulisses d’une révolution guidée par l’intelligence artificielle

Reid Hoffman : dans les coulisses d’une révolution guidée par l’intelligence artificielle

L’IA selon Reid Hoffman : audace, pragmatisme et vision

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C’est dans l’atmosphère feutrée du Collège des Bernardins, au cœur du quartier latin de Paris, que Reid Hoffman, cofondateur de LinkedIn et cofondateur en 2022 de la startup Inflection AI; VC chez Greylock Partners et figure incontournable de la Silicon Valley, a partagé sa vision du futur de l’intelligence artificielle, en fin de semaine dernière, dans le cadre de la 21e édition des débats des Entretiens, think tank libéral.

L’ambiance tamisée contraste avec le tumulte de son agenda. Arrivé quelques heures plus tôt, le milliardaire et investisseur s’assoit au côté du CEO de Mistral AI Arthur Mensch et de Maurice Lévy, président d’honneur de Publicis, PDG de Solocal, fondateur et et dirigeant YourArt, plateforme de vente en ligne d’art contemporain en 2023, qui va acquérir Artmajeur, un de ses concurrents.

Visiblement fatigué, mais toujours alerte, Hoffman se livre avec une énergie communicative, mêlant anecdotes personnelles et perspectives stratégiques.

Son message est clair : l’intelligence artificielle, loin d’être une menace apocalyptique, représente une opportunité unique de remodeler nos sociétés, à condition de l’aborder avec audace et pragmatisme.

Un entrepreneur façonné par l’échec

«American, I fail fast.» Ces mots prononcés avec un sourire en coin résument à eux seuls une philosophie qui a façonné la carrière de Reid Hoffman. Pour lui, l’échec est une étape, non un obstacle. Cette approche, typiquement américaine, contraste fortement avec la culture européenne, où la crainte de l’erreur inhibe souvent l’innovation. «En Europe, on a parfois trop peur de casser quelque chose, de prendre des risques. Aux États-Unis, l’échec est perçu comme un outil pour apprendre et avancer plus vite», explique-t-il.

Hoffman illustre son propos avec un exemple parlant : le lancement de ChatGPT par OpenAI en 2022. «La technologie était loin d’être parfaite à ses débuts. Mais ce choix de déployer rapidement a permis d’itérer, d’améliorer, et surtout de capter l’imagination du public. En Europe, cette approche aurait probablement été étouffée par des régulations et des débats sans fin.»

Ce rythme effréné, presque instinctif, fait partie intégrante de l’écosystème technologique américain. Mais Hoffman, loin de prôner l’absence de cadre, souligne l’importance de maintenir un équilibre entre vitesse et responsabilité. «L’innovation, c’est comme conduire une voiture rapide. Il faut un pilote compétent et des freins qui fonctionnent, mais on ne peut pas rouler à 10 km/h si tout le monde fonce à 200.»

L’IA : une nouvelle révolution industrielle

Assis sur le côté de la scène, près de Maurice Lévy, Reid Hoffman se penche légèrement en avant, comme pour capter l’attention de chaque spectateur sur les multiples écrans diffusant l’échange du trio. Son regard s’illumine lorsqu’il aborde le potentiel de l’intelligence artificielle. Pour lui, l’IA n’est pas qu’une technologie; c’est une véritable révolution industrielle.

«Imaginez un monde où chaque personne a accès à un assistant cognitif capable de multiplier ses capacités de recherche et d’analyse. Ce n’est pas de la science-fiction, c’est déjà une réalité», déclare-t-il, en faisant référence aux modèles génératifs comme GPT. Selon lui, l’IA pourrait transformer des secteurs entiers, de la santé à l’éducation en passant par la finance.

Mais il met en garde : cette révolution nécessite une refonte complète des structures d’entreprise. «Si vous êtes dans le retail, réfléchissez à comment l’IA peut transformer votre relation client. Si vous êtes dans la banque, demandez-vous comment ces technologies peuvent redéfinir vos services. Ce qui est certain, c’est que personne ne peut se permettre de rester immobile.»

Hoffman insiste sur la nécessité pour les entreprises d’adopter une approche proactive. «Il faut expérimenter, construire des prototypes, les tester rapidement, et surtout accepter de se tromper. C’est dans l’erreur que naissent les meilleures idées.»

Une régulation à double tranchant

L’échange glisse naturellement vers le sujet brûlant de la normalisation. Reid Hoffman, tout en reconnaissant l’importance de protéger les citoyens, met en garde contre l’accumulation excessive de règles en Europe. «Les régulations, lorsqu’elles sont trop nombreuses ou trop rigides, deviennent un frein à l’innovation. Et cela, c’est particulièrement dangereux dans un domaine comme l’IA, où le temps joue contre nous.»

Hoffman évoque l’exemple des États-Unis, où les régulations sont souvent moins lourdes, permettant aux entreprises de tester rapidement des solutions. «Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas de cadre. Mais il faut d’abord comprendre les opportunités et les risques réels avant de légiférer. L’innovation n’attend pas.»

La salle, attentive, semble divisée. Certains acquiescent, d’autres murmurent. Mais le message de Hoffman est sans équivoque : la régulation doit être un outil pour guider l’innovation, pas un carcan qui l’étouffe.

 

L’open source : un pari risqué, mais nécessaire

Abordé par Arthur Mensch, Reid Hoffman aborde la thématique complexe des modèles open source dans l’intelligence artificielle. Il reconnaît leur potentiel à démocratiser l’accès à des outils puissants, mais souligne également les risques qu’ils posent. «Rendre les modèles accessibles, c’est permettre à des entrepreneurs du monde entier de construire des solutions innovantes. Mais cela ouvre aussi la porte à des usages malveillants.»

Ce dilemme, selon lui, ne doit pas paralyser l’industrie. «Il faut trouver un équilibre. L’open source est une chance pour accélérer le développement de l’IA, mais elle nécessite une gouvernance éclairée et une collaboration internationale.»

Un futur à réinventer

Alors que le début de soirée touche à sa fin, Reid Hoffman conclut sur une note inspirante, fidèle à son optimisme pragmatique. Pour lui, l’intelligence artificielle n’est pas une menace à craindre, mais une opportunité. «Si nous avons peur, nous risquons de passer à côté de la plus grande transformation de notre époque. L’IA peut non seulement améliorer nos vies, mais aussi résoudre certains des plus grands défis de l’humanité.»

Il évoque des scénarios où l’IA aide à diagnostiquer des maladies complexes, améliore l’éducation dans les régions les plus isolées, ou encore optimise la gestion des ressources énergétiques. Mais pour cela, il faut oser, expérimenter, et surtout, collaborer. «Ce qui compte, ce n’est pas seulement ce que l’IA peut faire, mais ce que nous décidons d’en faire.»

Reid Hoffman, déjà attendu à Londres pour une série de rendez-vous, salue l’audience avec un sourire. Paris le retrouvera en février prochain, lors du Sommet pour l’action sur l’IA.

 

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