Laurence FaguerLes Experts

Retail : le bon produit, au bon prix, plus vite sur le marché

Par Laurence Faguer, experte retail FrenchWeb

Connaissez-vous Dote? Dote est une appli Fashion shopping qui emprunte au gaming son habilité à fidéliser les joueurs. Aux traditionnelles cartes de fidélité et autres promotions, Dote va préférer des mécanismes de jeux invitant les clients à participer à des quizz ou des vidéo de type « The Price is Right » sur Instagram Live. Les coins acquis s’échangent contre des coupons ou des séance photo pop-up (Dote envoie un photographe pour prendre des photos du client).

Pourquoi parler de Dote ? Parce que la gamification n’en finit pas d’investir le shopping. Et appliquée à la connaissance client, elle est un moyen simple et rapide d’écouter les clients et d’avoir un retour immédiat de leur part.

Il y a 11 ans, une équipe de professionnels du retail a eu l’idée d’associer la gamification à l’intelligence artificielle pour aider les enseignes à lancer le bon produit, au bon prix, selon la bonne quantité produits. L’objectif étant de stoper la spirale des promotions qui affecte grandement la marge.

Crédit: First Insight

 

Le bon produit, au bon prix, selon la bonne quantité

First insight, leur société, est une plateforme d’aide à la décision Produits et Prix, dopée à l’intelligence artificielle, qui permet aux retailers de déployer différents outils de gaming pour recueillir l’avis de leurs clients et prospects sur des produits non encore lancés en production. Elle fait entrer la “voix du client” dans la prise de décision de fabriquer tel ou tel produit, en pointant les produits qui feront des Best, et en éliminant ceux qui s’avèreront des Flop. Elle aide aussi à fixer le bon prix, en interrogeant les clients sur le prix qui leur parait juste, et les bonnes quantités à fabriquer.

Les questions, formulées sous forme de petits quizz ultra rapides, adressés par email ou sur les réseaux sociaux, portent sur le style, les couleurs ainsi que le prix auquel le client achèterait le produit en question. Les réponses sont recueillies en 2 jours. C’est toute la force de la démarche.

Exemple d’écran Quizz : “What would they pay?”, “What do you think?”

(Hate it / Leave it/ Neutral / Like it / Love it )

Source : First Insight

“ Les clients ‘parlent’ ” expliquait récemment dans WWD Greg Petro, le CEO de First Insight “mais le défi consiste à les écouter d’une manière structurée, pour pouvoir agir concrêtement. »

A QUOI CELA SERT-ELLE ?

A être à la fois plus exact dans les produits à vendre et plus rapide à les commercialiser. Et c’est crucial.

  • Réduire les produits Flop

Le Gartner a publié récemment un rapport selon lequel le taux de réussite des produits se situe entre 30 et 40%. Cela fait plus de 60 % de produits qui se vendent mal. Un gain considérable en perspective, si l’on arrive à éliminer en amont ces produits qui n’ont pas lieu d’entrer dans le magasin.

  • Je le vois, je le veux

Aujourd’hui le client est sous influence constante – celle de son entourage, des influenceurs sur Instagram ou YouTube – et il est devenu très visuel : il veut ce qu’il voit, et il le veut tout de suite. C’est d’ailleurs pourquoi la recherche visuelleprend si rapidement.

  • Racourcir les délais

Or il y a contradiction entre le désir d’instant gratification du client et les délais de fabrication. Ceux-ci ne sont plus adaptés au monde d’aujourd’hui. Peu importe les raisons internes – trop de personnes impliquées dans le processus de création, trop d’organisations en silos occasionnant du travail en doublon – le résultat est là : une collection va se construire avec des data anciennes de 6 à 12 mois, en espérant que les clients l’aimeront. Or c’est souvent déjà dépassé.

 

“Vaincre les résistances internes, être plus rapide et plus exact “

POUR QUEL IMPACT ?

Un webinar organisé par WWD a eu lieu en Septembre, réunissant Karen Pinney, Chief Merchandising Officer chez rue21, Sonia Lapinsky, Managing Director Retail chez Alix Partners et Gretchen Jezerc, SVP, Marketing de First Insight. Toutes les trois ont discuté de la manière avec laquelle Rue21, et d’autres enseignes, utilisent les données et la science pour améliorer la rapidité de mise sur le marché et accroître la valeur de leur entreprise.

Sonia Lapinsky a présenté une étude de 2017 de Alix Partners– un des leaders mondiaux du conseil en restructuration et transformation – portant sur 20 grandes enseignes américaines. Les résultats montrent que les entreprises ‘Fast” (pas au sens Fast Fashion mais au sens de rapidité à mettre leurs produits en magasin et en ligne) ont une marge trimestrielle EBITDA toujours supérieure par rapport aux entreprises ‘Slow” qui n’ont pas entamé une telle démarche (+5% en moyenne sur Q4).

Source : AlixPartners Retail Viewpoint, October 2017 – @2018 AlixPartners, LLP

Sonia Lapinsky a donné comme exemple une enseigne de vêtements qui, en remplaçant la phase traditionnelle de tests en magasin par des quizz en ligne sur la plateforme First Insight, a pu gagner 3 mois dans le développement de ses collections et donc dans la mise en place en magasin. 3 mois, un trimestre, c’est énorme.

COMMENT FONCTIONNE LA PLATEFORME ?

 

 

 LA VOIX DU CLIENT + ANALYSE PRÉDICTIVE + RAPIDITÉ À METTRE SUR LE MARCHÉ = NOUVEAUX PRODUITS GAGNANTS

  • Voice of the customer

L’enseigne envoie à ses clients (ou prospects) un petit message, par email ou sur les réseaux sociaux, en les invitant à co-créer les futurs produits dont ils voudront. Ces messages, qui sont lus à 70% sur le mobile, se présentent sous la forme de petits quizz très ludiques, qui conservent le Look-and-Feel de la marque.

  • Start Game

Le client répond à quelques rapides questions (démo / style de vie ) entierement personnalisées par l’enseigne.

Source : First Insight

Ces données de 1er niveau servent à segmenter les résultats des tests et à obtenir des informations sur la clientèle. En général les répondants sont excessivement bavards. Il suffit de leurs demander, et ils parlent. Surtout pour des sujets impactants comme la mode, la décoration, l’alimentaire.

Par exemple, à la question “Où achetez-vous vos chaussures ? “ (le client coche alors les marques dans une liste) un grand magasin peut partager ces informations avec ses partenaires marques et leur préciser le prix auquel tel segment de clients est prêt à payer pour telle paire de chaussure.

Puis les cients sont exposés à un mini quizz faisant défiler des images de produits. Ils répondent par J’aime / j’aime pas, et ils ont la possibilé de donner leur avis en clair.

Source : First Insight

  • Analyse prédictive

Une fois les données collectées sur l’intérêt des clients pour un produit –  j’aime, j’aime pas –  et leurs sentiments exprimés avec des qualificatifs précis, First Insight applique ses algorithmes propriétaires pour attribuer un score (de 0 à 10). Ce score sert à prédire la performance future de ce produit sur son marché. Il explique dans quelle mesure le client aime le produit (5 classes, entre “Hate it” to “Love it”) et il renseigne sur la proximité entre le prix testé et la perception de la valeur que ce client a de ce produit (quel prix est-il prêt à mettre pour l’obtenir ?).

Source : First Insight

First Insight, créé il y a 11 ans, travaille avec des enseignes et des marques dans 30 pays, de secteurs très divers – vêtements, chaussures et accessoires, mais aussi produits de beauté, meuble déco et alimentaire.

CAS RÉEL

Source : Instagram Rue21

 

Pourquoi s’intéresser à Rue21 alors que la société connait des difficultés ? C’est justement Rue21 que l’on doit écouter pour comprendre ce que la démarche leur a apporté, dans un tel contexte.

At rue21 we live fast fashion! L’enseigne, qui compte aujourd’hui 752 magasins et s’adresse à une clientèle jeune, avec une mode stylée à prix très accessible, est sortie l’automne dernier d’une passe difficile en allégeant son endettement et en réduisant le nombre de ses magasins. Mais surtout, en connaissant mieux ses clients. lI y avait urgence.

Quand l’outil se transforme en un challenge spontanné entre Acheteurs… 

Les acheteurs du Département Achats – en général de très jeunes professionnels – loin de craindre l’outil, l’ont tout de suite pris comme un jeu. Aujourd’hui chaque fois qu’un de leurs produits atteint un score 10, c’est la fête dans l’open space. Did you see my 10? Did you see my 10?! Une émulation saine, avec l’idée de faire augmenter tous ensemble le nombre de best sellers sur le portant.

COMMENT  Rue21 SE SERT DE LA PLATEFORME ?

Rue21 mêne des tests toutes les semaines, et obtient les résultats 2 jours après la fin du test. La mode est une course de vitesse désormais. Quant Rue21 est certain de tenir une tendance forte, un arbitrage se fait, entre faire fabriquer le vêtement toute de suite aux US, ou à l’étranger.

 

  • Meilleure connaissance des clients

L’outil a permis à Rue21 de distinguer deux types de clients : les ‘on trend” (ceux qui ont effectiment une vingtaine d’année et n’achètent que les dernières tendances),  et les Fashion (ils n’ont peut-être plus 20 ans… mais ils ont 20 ans dans leur tête et continuent de vouloir de la mode). Ceux-là achetent aussi chez Walmart, Target, TJ Maxx/Marshall’s/Ross. En ayant parfaitement identifié ces deux profis, Rue21 peut s’adresser à chacun avec ses qualificatifs repérés dans l’analyse des quizz.

Source : First Insight

  • S’adresser aux jeunes qui délaissent l’email

Comment connaitre les préférences des jeunes clients, lorsqu’ils n’ont pas de carte de fidélité et délaissent l’email ? Instagram ! En postant ses mini quizz sur Instagram, Rue21 a constaté un taux de réponse supérieur à l’emailing mais surtout a pu atteindre cette population de jeunes difficile à capter sur les média claissiques : 54 % de ses répondants sur Instagram avaient 17 ans ou moins (contre 18 % avec l’email). Et ils sont très bavards sur Instagram !

Souce : First Insight

   

La chaussure qui a ralié tout le Pôle Achats

 

Source : First Insight

Il suffit de peu pour transformer un produit Flop en un Best. Regardez cette chaussure (au stade de prototype). Les acheteurs Chaussures qui y croyaient fort. Dans une approche classique, 6 à 9 mois de tests auraient été nécessaire pour arriver au constat que, que ce produit est un Flop, sans vraiment savoir pourquoi.

Dans sa nouvelle approche, Rue21 a mené un test avec First Insight. Le feedback des clientes reçu sous 2 jours a permis de faire de simples modifications (le talon notammnent). Ce fut un best seller, faisant économiser 2 millions de dollars à Rue21 en supprimant la démarque.

A partir de ce moment-là, les acheteurs se sont mis à faire 3-4 tests par semaine. Le samedi, lors du verdict, les messageries internes s’emballent, chaque acheteur faisant remonter à Karen Pinney, leur ‘boss’, les bons scores de tel ou tel article.La dynamique a complétement changé, car ils y voit leur intérêt.

  • Quel prix êtes-vous prêt à metttre dans ce produit ?

Souce : Fist Insight

 

 Il est capital pour Rue21, positioné Fashion et petit Prix, de savoir quel prix le client est prêt à mettre dans un produit qui lui plait vraiment.

Un test fait sur un haut féminin a montré que  le prix fixé à $12 générait la plus forte demande (60%). Mais si l’enseigne faisait une promotion de 2 dollars, la demande atteindrait 83%. L’équipe Achat a rapidement augmenté la quantité à commander, elle a fait baisser le coût de fabrication et à insufffler dans sa communication un sentiment d’urgence – il n’y en aura pas pour tout le monde – sachant que le prix était le bon et qu’ll n’y aurait pas de sur-stock. Agir avec assurance et passer au sujet suivant !

 

  • Optimiser l’assortimentSource : First Insight

On ne peut pas plaire à tout le monde. Parce que Rue21 a deux types de clients – les «On Trend» et les «Fashion», un test sur cet article – un polo homme  – lui a permis de mesurer que celui-ci faisait un flop sur les «On Trend» (note 3 sur 10) tandis qu’il faisait un carton sur les « Fashion » (note 9 sur 10). De surcroit, les «Fashion» étaient prêts à payer ce polo plus cher ( $14.54) que le prix test ($10,29) et que les «On Trend» ($7.12)

En conséquence, Rue21 a acheté de grandes quantités de ce polo avec l’assurance de les vendre, mais en concentrant leur communication sur un seul segment.

Pour quel résultats ?

Source : First Insight

 

Durant le webinar, Karen Pinney a révélé que rue21 a gagné 6% de marge depuis la collaboration avec First Insight. Une large partie due à la rapidité avec laquelle l’enseigne flaire une tendance et est capable de la tester auprès de ses clients.  Karen Pinney a expliqué que le nouveau podium de la mode est Instagram. Ses clientes vivent sur Instagram, elles voient une celebrity porter un vêtement dans la vraie vie (sur Instagram !) et cela les insprirent et elles veulent le même. Si Rue21, après l’avoir confirmation de la tendance grâce à la plateforme, est capable de lancer en production le vêtement très rapidement et l’avoir en magasin très rapidement, c’est gagné.

La bonne tendance, au bon moment, au bon segment.

POUR EN SAVOIR PLUS

 

La correspondante

Laurence Faguer est une marketeuse et entrepreneuse «go-between» France et États-Unis, fondatrice de Customer Insight.

A la demande d’entreprises françaises, elle repère en personne les innovations en digital, mobile et retail aux États-Unis, avant qu’elles ne soient connues en France, puis les aide à transposer avec succès ces stratégies ayant fait leur preuve sur le marché américain.

Laurence est experte US pour FrenchWeb qui reprend de temps à autre des articles de son blog.

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