Retour sur le parcours d’Adam Neumann, le fantasque patron de WeWork qui a jeté l’éponge
AFP
L’ex-patron de WeWork Adam Neumann a fait les frais de sa gouvernance peu conventionnelle en démissionnant mardi du poste de directeur général d’une entreprise qu’il a portée, avec son énergie débordante mais parfois chaotique, au rang de géant des bureaux partagés. Sous la pression de plusieurs membres de son conseil d’administration, M. Neumann a été poussé vers la sortie quelques jours seulement après l’annonce du report de l’introduction en Bourse de la maison mère de WeWork, The We Company.
Le charismatique dirigeant a pourtant su pendant plusieurs années convaincre les investisseurs de croire en son projet, persuadant notamment le groupe japonais SoftBank que sa société à la croissance insolente pouvait valoir jusqu’à 47 milliards de dollars. Mais son style de management, ses méthodes comptables controversées et d’apparents conflits d’intérêt ont finalement eu raison de lui. Les récentes révélations du Wall Street Journal sur sa consommation de drogue ou sur sa volonté d’amasser une fortune de plus de 1 000 milliards de dollars ne l’ont sans doute pas non plus aidé.
Un entrepreneur récidiviste
Agé de 40 ans, Adam Neumann, reconnaissable à ses cheveux mi-longs et son style vestimentaire décontracté, est un entrepreneur récidiviste. Né en Israël, il grandit dans des conditions qu’il qualifie lui-même de difficiles, entre le divorce de ses parents et de multiples déménagements. Après cinq ans à servir dans l’armée israélienne, il pose en 2001 ses valises à New York, où il réside toujours et où est basé WeWork. Inscrit au Baruch College pour une formation au commerce, il pense alors surtout à faire la fête, a-t-il lui-même raconté lors de la cérémonie de remise des diplômes de cet établissement en 2017.
Il finira par abandonner ses études pour lancer sa première aventure entrepreneuriale: des chaussures à talons hauts rétractables, qui se révèlent « très dangereuses ». Il se lance ensuite dans la confection de vêtements renforcés aux genoux pour les enfants. Là non plus, le succès n’est pas au rendez-vous. « Au pic de notre réussite, on vendait pour 2 millions, mais on en dépensait 3», se remémorait-il au Baruch College.
Le potentiel des bureaux partagés
A la même époque il rencontre sa femme Rebekah, la cousine de l’actrice Gwyneth Paltrow. Mariés quelques mois plus tard, ils ont désormais cinq enfants. Adam Neumann évoque souvent l’importance cruciale dans son travail du soutien de sa femme. « La première fois que je l’ai vue, même s’il était fauché, je pouvais voir qu’on allait créer ensemble quelque chose à grande échelle pour la planète», a-t-elle raconté dans un podcast en 2018. Associé à son ami Miguel McKelvey, il entrevoit le potentiel des bureaux partagés et crée en 2008 Green Desk.
Le concept de « coworking » n’est alors pas nouveau mais il vient tout juste de prendre de l’ampleur à la faveur des nouvelles technologies, qui permettent de travailler depuis n’importe où, et de la crise financière, qui a forcé de nombreux licenciés de la finance ou de la création à monter leur entreprise. Parce qu’ils voulaient construire une « communauté qui aide les gens à donner un sens à leur vie» composée de « membres » et non plus seulement de « locataires », ils lancent, avec Rebekah, WeWork en 2010.
2 milliards de dollars de pertes en 2018
La société gère désormais plus de 500 sites répartis dans une trentaine de pays et emploie 12 500 salariés. Mais pour alimenter cette croissance, elle brûle beaucoup d’argent. En 2018, elle a perdu 2 milliards de dollars alors même qu’elle ne récoltait que 1,6 milliard de revenus. Adam Neumann, lui-même un bourreau de travail, mène ses équipes à un rythme effréné et avec un style particulier. Sur le réseau professionnel GlassDoor, d’anciens et actuels employés de WeWork saluent l’énergie inspirante de la direction et l’intensité des défis à relever.
Mais certains déplorent aussi l’impression d’être dans une secte, une atmosphère d’étudiants et les priorités sans cesse mouvantes de l’entreprise. WeWork a, de fait, multiplié les initiatives ces dernières années, dans les espaces de colocation ou l’éducation par exemple, et s’est transformée en début d’année en « The We Company », une société dont la mission est « d’élever la conscience du monde». Délesté de ses fonctions de directeur général, M. Neumann conservera le poste de président non-exécutif du conseil d’administration.
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