Révolution au pays de la relation client!
REVOLUTION ! Voici le mot le plus couramment employé pour évoquer l’arrivée du digital dans la vie des entreprises et de leurs consommateurs. Pas un jour ne se passe désormais sans que la presse ne s’empare de tel nouvel objet connecté ou de tel autre concept totalement novateur selon elle. Autrefois, parias en leur pays, voici maintenant les entrepreneurs de ces fameuses start-up portées en ambassadeurs de l’innovation et du savoir-faire français, par des pouvoirs publics leurs ouvrant toutes grandes les portes des grands messes internationales de l’innovation que sont le CES à Las Vegas ou encore le Web Summit à Dublin, afin de faire rayonner encore plus l’étoile France. La réalité est cependant un peu plus complexe, et au-delà du vernis se cachent des disparités criantes entre les marchés dans leur capacité à se digitaliser tout en répondant aux attentes des consommateurs.
Car oui en effet, la digitalisation de l’économie n’apporte pas seulement de la fluidité dans les process des entreprises et une meilleure productivité. Elle permet aussi de coller aux besoins des consommateurs et de répondre à leurs attentes en temps réel ! Même si je vous l’accorde, force est de constater que tous les acteurs ne l’ont pas encore compris de manière égale.
Les applications, une véritable innovation dans la relation client
Être à l’écoute des consommateurs correspond à deux actions distinctes. Il y a tout d’abord la capacité à créer des produits, des services ou des solutions – combinaison d’un produit et d’un service – répondant à un usage présent ou futur, avec simplicité, économie et efficacité. Mais il y a aussi la qualité d’écoute des requêtes des consommateurs et de réponse à celles-ci en temps réel dans le cadre d’un service après-ventes par exemple ou simplement dans la communication avec les communautés.
Le premier secteur me venant à l’esprit est celui de la high tech. «It’s not fair», me direz-vous ! C’est pourtant une réalité. Qui mieux qu’Apple, Google ou Facebook réussissent en temps réel à répondre aux attentes des consommateurs, quitte à créer celles-ci? Souvenons nous tout de même qu’en 2007, lorsqu’Apple a présenté la première génération d’Iphone, le marché des mobiles était trusté par trois constructeurs (Microsoft, Nokia et Blackberry) ne représentant plus rien aujourd’hui en terme de part de marché ! On ne peut cependant pas dire que l’Iphone offrait une avancée technologique si importante qu’il a laissé sur le bord de la route la majorité de ses compétiteurs. Au-delà de sa simplicité d’utilisation, la réelle révolution a été l’introduction des applications par l’Apple Store. Quasi inexistantes avant, les applications sont aujourd’hui un outil très prisé des consommateurs et incontournable afin de répondre à leurs besoins. Elles ont par ailleurs la capacité de se mettre à jour sur les smartphones presque automatiquement afin de coller aux évolutions du marché. Quoi de mieux pour les marques qui en profitent au passage pour collecter des milliards de données afin de mieux… être à l’écoute de leurs communautés.
Le retail se réinvente
Le retail est assez surprenant aussi dans sa capacité à se réinventer et à utiliser la technologie pour se rapprocher de ses consommateurs. Utilisation de plus en plus poussée des Ibeacon, wifi ou lifi, création de concepts permettant de se plonger dans un univers réel en lien avec le web ou les applications, les enseignes rivalisent d’imagination pour se rapprocher de leurs communautés avec plus ou moins de réussite mais de plus en plus de convictions. Un exemple parfait serait celui de Stich Fix. Katrina Lake, sa fondatrice, a eu très tôt la conviction qu’il fallait aider les femmes à s’habiller avec style au lieu de les noyer sous les nouveautés permanentes. L’idée avait germé et allait devenir un formidable concept de distribution dans la mode, appliquant des algorithmes d’analyses de données aux préférences renseignées par les clientes pour leur envoyer une sélection personnalisée de vêtements et accessoires. Lancé il y a quatre ans, le site affiche une croissance insolente à trois chiffres et déjà plus de 300 millions de dollars de revenus. Sur le même concept, plusieurs concurrents ont émergé tels Trunk Club ou encore Chic Types en France, pour nous les hommes.
En parlant d’excellence dans le retail en terme d’expérience des consommateurs, il faut là encore citer le cas d’Apple. Êtes vous déjà rentré dans un Apple Store? Impressionnant ! Voilà des magasins pensés tels des temples de design et de haute technologie, du volume, de la fluidité, une intégration parfaite avec l’application maison dédiée, vous permettant même de payer directement le produit que vous souhaitez acheter sans aucune intervention d’un employé, et comble du luxe, aucune attente. Allez vérifier par vous-même. Lorsque vous achetez un produit dans un Apple Store, tout a été pensé pour que vous viviez une expérience d’achat unique sans aucune attente. J’ai eu le malheur de vouloir aller faire quelques emplettes à la FNAC à Paris. On est assez éloigné de l’expérience unique d’achat. Sans parler de la grande distribution qui, elle, est à des années lumières du concept. Burberry aussi, dans le domaine du luxe, a depuis des années réussi à faire de l’expérience client et de la digitalisation un axe majeur de croissance, en servant d’étalon à l’ensemble du secteur dans le domaine. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la directrice générale de la marque, Angela Ahrends, a été débauchée à prix d’or en 2014 pour prendre la direction de l’ensemble de la distribution physique et virtuelle…. d’Apple. Les grands esprits se rencontrent, comme on dit chez nous.
Une relation nouvelle, apaisée et digitale avec le client
Autre marché en transformation : celui touchant à l’équipement de la maison et à la domotique. Dynamisé par l’essor grandissant des objets connectés et les promesses des nouveaux usages liés à l’utilisation des données, les constructeurs rivalisent d’ingéniosité pour se tailler la part du lion sur ce marché gigantesque. Et qui est le grand gagnant de cette guerre larvée? Le consommateur. Non pas pour une question de prix mais bien pour l’attention portée par tous les fabricants et distributeurs sur ses moindres besoins. Philips, Whirlpool, Nest et même Darty nous surprennent par leurs innovations répondant à la désormais bible de l’expérience utilisateur. En proposant à ses clients un bouton que l’on peut magnétiser sur le frigo et utiliser pour être appelé gratuitement dans l’heure par son service client, Darty a fait souffler un vent de fraîcheur sur la relation client dont plusieurs de ses concurrents feraient bien de s’inspirer. Demain, l’analyse des données fournies par tous les objets connectés de la maison permettra à tous ces fabricants de fournir autant de services à valeur ajoutée que de produits. Une évolution de leur modèle économique bien comprise par les opérateurs qui aboutira à plus de profits pour eux et une simplification majeure de la vie des clients.
Même le secteur extrêmement conservateur et particulièrement en retard dans le domaine qu’est la banque commence à s’y mettre et à considérer qu’il aurait peut être intérêt à écouter le client. Ici l’annonce d’un futur plan stratégique tourné autour du digital, là le développement d’une nouvelle application centrée autour de l’usager, pas une semaine ne se passe depuis la rentrée sans qu’un acteur du secteur ne fasse une annonce. Mieux vaut tard que jamais ! Il faut dire qu’il y a péril en la demeure pour un secteur pétri de convictions et ayant totalement oublié depuis des années la règle première lorsque l’on parle d’argent : l’intuitu personae. Voilà donc désormais les banques revenant sur la stratégie de la plateforme unique de communication et du conseiller vendeur à tout prix, au profit d’une relation nouvelle, apaisée et digitale avec le client. Le temps nous dira si ces conversions tardives aux nouvelles valeurs humaines imposées par la digitalisation de notre monde sont des paroles ou des actes !
Vous l’aurez compris, le principe ancestral du client-roi, inculqué de père en fils dans les familles de commerçants, n’en a pas fini de revenir au goût du jour décliné à la sauce digital. Et cela est la meilleure des choses pouvant arriver à l’ensemble des secteurs ! Révolution permanente depuis maintenant presque 20 ans, le digital permet enfin de mettre fin à des décennies de «mercantilisation» de la relation humaine au profit d’une nouvelle relation basée sur la communication et l’écoute. Il ne reste plus qu’à espérer que ces valeurs nouvelles portées par le numérique dans bon nombre de secteurs, s’inscrivent dans le temps et fassent mentir le dicton populaire : «Loin des yeux, loin du coeur !».
Jean-Christophe Bonis, fondateur d’Oxymore Inc., est aujourd’hui associé et à la tête de la recherche et de la stratégie du cabinet de stratégie basé à Londres et Paris. Spécialisé sur les nouvelles technologies depuis plus de 15 ans pour le compte de fonds d’investissement puis en tant que consultant, il consacre sa vie professionnelle à l’analyse des conséquences des nouvelles technologies sur le comportement des consommateurs et les implications stratégiques sur les organisations.
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