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San Francisco SaaStr 2018 : Les dernières tendances du Software As A Service

Par Jean-Louis Benard, expert FrenchWeb

Il y a deux semaines se tenait à San Francisco le plus gros événement dédié au Software As A Service, comprenez 90% de l’industrie logicielle, tant le Cloud a révolutionné en 10 ans la manière de concevoir, de déployer et de commercialiser du logiciel.Apple-converted-space »>  Plus de 10 000 dirigeants venus du monde entier, réunis pendant 3 jours pour écouter les pontes de l’industrie mais aussi échanger entre eux. Que retenir ?

Ouf, pas de bullshit !

Déjà, première satisfaction, SaaStr ne ressemble pas à ces sempiternels événements où tout l’écosystème vient se congratuler et se dire qu’il fait des choses vraiment formidables. Pour moi l’un des critères clés était aussi de ne pas retrouver un « parc à Français ». Ici tout le monde est mélangé, il n’y a pas de « délégations pays » et c’est tant mieux. Plongé dans les 10 000 personnes présentes, on discute en vrac avec des gens venus du monde entier, et c’est rafraichissant. Quelques français ont pris des stands ou font des interventions (Algolia, Front, Sellsy…) au milieu des autres. Globalement l’événement se décompose en une multitude de sessions parallèles de 30mns, toutes remplies à craquer, autour de la stratégie, du marketing, des ventes, des RH, du customer success, du produit et du financement. D’un côté des sessions hyper pointues sur des sujets précis, de l’autre des sessions à vocation « inspirante » dispensées par les icônes du secteur (comme le patron d’Atlassian, qui a fait l’acquisition de Trello). De quoi aussi se benchmarker ! Conclusion ?

État d’esprit, culture d’entreprise, ambition

Les sessions « inspirantes » m’ont surtout inspiré qu’on n’avait pas grand-chose à envier sur le sujet. La mondialisation des bonnes pratiques en la matière est passée par là. C’est toujours intéressant et motivant d’écouter l’histoire d’entrepreneurs sur le sujet, mais franchement on se débrouille plutôt pas mal là-dessus avec nos moyens en France. Je fais partie des gens qui pensent qu’on peut faire des choses qui ont du sens sans s’installer en Silicon Valley, sans devenir une licorne, mais en écrivant une histoire ici, en créant de l’emploi en France (pas que mais déjà en France c’est un bon début). Nous ne manquons pas d’ambition, ce qui est sûr c’est que le cash coule différemment d’un continent à l’autre, et il faut s’y faire. J’ai été aussi frappé de constater à quel point ce schisme existait aussi aux US, entre les entrepreneurs de la Silicon Valley et ceux qui avaient construit leur business dans d’autres états. Ces derniers racontaient des histoires finalement assez semblables aux notres (pas comme ce gars de la Valley expliquant comment il venait de lever $11M sur un Powerpoint, je n’avais pas entendu une telle arrogance depuis les années 2000).

Métriques du SAAS

Ce sont les sessions que j’ai trouvées les plus abouties – peut-être parce que chez Sociabble nous sommes des grand fans de ce sujet. Les gourous sont venus dispenser leurs leçons, en mode « on rentre dans le dur ». Et ils n’ont pas totalement tort. ARR, Churn, Live Time Value, etc. : en voyant les sondages effectués à main levée dans la salle, on comprend vite que seuls quelques % de l’audience ont vraiment creusé le sujet à fond, les autres bricolent. Et il y a de quoi faire, tellement le calcul du churn peut s’avérer complexe, pour ne citer que cet exemple.

Dans la même veine, une séquence décoiffante sur le pricing du SAAS, un sujet fondamental et finalement peu abordé. C’est Blake Bartlett et Kyle Poyar, deux spécialistes du sujet qui démarrent leur session par : « vous passez votre temps à faire de l’A/B testing sur votre interface, vos pubs, mais pourquoi vous ne le faites pas sur le prix ? le sujet n’est pas assez important ? » – j’adore. Abonnement contre facturation à la consommation : on voit finalement qu’il y a une voie pour les deux options, et que contre toute attente le passage de l’un à l’autre peut générer des catastrophes ou au contraire des succès planétaires.

Customer Success Management

Le Customer Success Management, c’est l’accompagnement client pour faire en sorte que le logiciel soit correctement utilisé, que le client soit satisfait – donc qu’il renouvelle son abonnement. L’épineux sujet de la lutte contre le « Churn » a probablement été traité en premier en Silicon Valley, dans la mesure où une grosse partie de l’industrie SAAS a démarré ici, et s’est donc vu confrontée en premier au problème.

Pas étonnant donc de voir à quel point le traitement du churn atteint un niveau de sophistication extrême, souvent loin de ce qui est pratiqué dans le reste du monde. Une pléthore de solutions logicielles destinées à faciliter le métier du CSM ont d’ailleurs fleuri (la capacité de l’industrie du logiciel à se vendre du logiciel à elle-même est fascinante). Sur ces sujets, j’avoue avoir autant appris en prenant quelques bières avec des spécialistes qu’en écoutant des sessions dédiées.

Un pattern récurrent : industrialisation et vitesse d’exécution

Ces deux exemples des métriques et du Cutomer Success Management sont en fait assez représentatifs de ce qu’on ressent dans les différents domaines en écoutant les sessions dispensées. La différence entre la Silicon Valley et le reste du monde se joue pour moi dans l’industrialisation du business. Une capacité à dérouler un plan massif, structuré, processé, outillé, monitoré pour accélérer les ventes. De l’ingénierie appliquée au business. Pas hyper complexe, mais bien faite. Cela reste je pense l’un des gros enjeux culturels de la France, où le business est encore vu par les ingénieurs comme « le côté obscur de la force ». Le business français a besoin d’ingénieurs pour industrialiser massivement le marketing et les ventes, face à des pays où le fait de vendre ne pose aucun problème métaphysique à qui que ce soit. Soyons clairs : cette industrialisation nécessite des moyens financiers importants. Recrutement, outillage, pilotage de la performance, etc. le financement est clé. Surtout si l’on veut maintenir une vitesse élevée. Un ami me résumait cela ainsi : « vous quand vous avez besoin de dix commerciaux, vous en recrutez dix, moi j’en recrute 30 car je sais au final que seul un tiers tiendra la route ».

La jungle de l’Europe

Ce modèle d’industrialisation massif, s’il fonctionne bien aux US, trouve ses limites en Europe. On sent au travers des sessions présentant des développements mondiaux la difficulté sous-jacente. Tous ces pays parlant des langues différentes, avec des lois différentes, des cultures différentes, un besoin de proximité dans la relation client, cela reste compliqué pour des américains habitués à un marché massif et assez uniforme. Voilà quelque chose qui n’a pas bougé au cours des vingt dernières années. Cela reste un atout majeur pour les entreprises européennes, habituées à cette jungle.

L’expert:

Depuis 2003, Il est Président de Brainsonic, agence digitale, et CEO de Sociabble, solution d’Employee Advocacy et de Social Selling présente à Paris, Lyon, Londres et New-York. Il est également cofondateur de Novathings (objets connectés). Auteur ou co-auteur de plusieurs ouvrages dont Extreme Programming (Eyrolles), il intervient en tant qu’Advisory Board Member à Ecole Centrale Paris Executive Education.

 

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