Santé: pour innover, les industriels poursuivent les acquisitions de startups
Par Anne PADIEU / AFP
La pandémie de Covid a largement profité aux groupes pharmaceutiques. Qui peuvent ainsi, grâce à leur trésor de guerre, poursuivre leurs emplettes auprès de jeunes pousses et renforcer leur potentiel d’innovations, crucial dans ce secteur.
La tendance générale est au repli de l’activité des fusions-acquisitions. Mais pas pour les groupes pharmaceutiques, observe Matt Toole, directeur chez LSEG Deals Intelligence, une société de data et d’analyses.
« Des réserves d’argent considérables amassées pendant la pandémie de coronavirus ont été déployées pour dynamiser la croissance et renforcer la confiance des investisseurs » dans ce domaine d’activités, explique-t-il.
A mi-parcours 2023, la santé compte ainsi pour 14% des fusions-acquisitions tous secteurs confondus, soit 174,6 milliards de dollars (157 milliards d’euros) d’opérations annoncées, au plus haut depuis deux ans, selon les données de LSEG publiées fin juin.
La plupart des grandes entreprises pharmaceutiques ont en interne une équipe chargée de scruter au niveau international les opportunités qui pourraient potentiellement être complémentaires de leurs activités.
Il s’agit souvent de combler un trou dans le pipeline (ensemble des molécules en développement, ndlr) ou de compléter le portefeuille d’activités par d’autres domaines thérapeutiques ou technologiques en suivant une stratégie bien définie.
Parfois, les acquisitions peuvent survenir après une déconvenue lors d’une phase d’un essai clinique: comme l’entreprise a déjà investi dans la recherche, elle va alors chercher ailleurs une solution thérapeutique similaire ou qui propose une autre voie pour traiter la même maladie.
L’immunologie et l’oncologie, qui ont connu de grandes percées scientifiques récemment, sont deux aires thérapeutiques qui suscitent les convoitises.
La tendance est celle de « gros laboratoires qui mangent des moyens, et des plus petits qui émergent », indique à l’AFP Gérard de Pouvourville, professeur émérite à l’Essec. L’innovation ne vient plus en effet « des +big pharmas+, qui recherchent de plus en plus des innovations en externe, mais des start-up financées par du capital-risque ».
– Intelligence artificielle –
« Les acquisitions sont chères car le marché de l’innovation est assez spéculatif », les biotechs étant valorisées sur leur réussite potentielle, ajoute cet économiste de la santé.
Depuis début 2023, la palme du rachat le plus cher revient à Pfizer qui a déboursé plus de 40 milliards de dollars pour la biotech Seagen, spécialisée dans les traitements oncologiques, loin devant les 10 milliards mis sur la table par son compatriote Merck pour acquérir la californienne Prometheus Biosciences, qui développe un traitement contre des maladies auto-immunes, comme la maladie de Crohn.
Pour la seconde partie de l’année, « l’activité de fusions et acquisitions dans les industries de la santé restera robuste », portée notamment par l’émergence de l’intelligence artificielle, selon un rapport de PwC publié la semaine dernière.
« Les acteurs de la santé cherchent à comprendre comment l’intégrer à leurs offres et sont contraints d’acquérir de l’expertise », explique le cabinet de conseil.
Si les industriels cherchent des opportunités, c’est aussi parce que « les brevets de nombreux médicaments les plus vendus doivent expirer dans la seconde moitié de la décennie », note l’étude.
Cependant, le poids réglementaire des lois antitrust pourrait compliquer la réalisation de grosses transactions, à l’image de l’acquisition de la biotech Horizon Therapeutics par Amgen, bloquée par l’autorité de la concurrence américaine.
Selon PwC, la plupart des entreprises vont donc chercher à « atténuer ces frictions réglementaires en exécutant une stratégie de fusions et acquisitions axée sur l’acquisition de petites et moyennes entreprises ».
Face aux taux d’intérêt élevés, qui renchérissent le coût du crédit, le cabinet indique que « les cessions deviendront probablement plus importantes », ce qui libèrera des capitaux pour les fusions-acquisitions.
Les sociétés dont les cours boursiers sont à la traîne courent de leur côté le risque d’être happées par des fonds de capital-investissement.
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