Sommet pour l’action sur l’IA : l’Europe étouffée par ses propres règles?
Dans quelques jours, Paris accueillera le Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle. Si ce rendez-vous promet d’aborder des questions cruciales d’éthique et de société, il semble que l’accent soit davantage mis sur la réglementation que sur le développement d’un écosystème européen compétitif. Une approche qui interroge, alors que l’Europe peine déjà à suivre le rythme des États-Unis et de la Chine dans la course à l’innovation en IA.
Une Europe à la traîne dans la dynamique mondiale de l’IA
En 2024, le marché européen du capital-risque est resté atone, contrastant avec les États-Unis où les financements ont bondi de 20 %, portés par une explosion des projets liés à l’intelligence artificielle. À l’échelle mondiale, l’IA a capté un tiers des investissements, atteignant un montant record de 100 milliards de dollars. La région de la Bay Area en Californie a concentré 61 % de ces financements, consolidant son rôle de moteur mondial.
En comparaison, les startups européennes peinent à rivaliser. Des initiatives prometteuses comme Mistral.AI en France attirent l’attention, mais elles restent loin des performances de géants américains tels qu’OpenAI ou Anthropic, capables de lever des milliards de dollars dès les premiers stades de leur développement.
Les freins structurels du marché européen
Cette situation découle de faiblesses bien connues. La fragmentation des marchés européens rend les levées de fonds plus complexes, et les capacités limitées des fonds locaux entravent le soutien aux startups en phase de croissance. En conséquence, de nombreuses jeunes entreprises européennes se tournent vers des financements américains, renforçant ainsi leur dépendance aux capitaux étrangers.
Un exemple frappant est celui de Mistral.AI, qui s’est largement financé auprès de fonds d’investissement américains. Dataiku et Hugging Face suivent une trajectoire similaire, avec des financements majoritairement américains et un siège social transféré ou créé outre-Atlantique. À l’inverse, certains pays, comme l’Allemagne, soutiennent davantage leurs projets nationaux. Aleph Alpha, acteur phare de l’IA allemande, bénéficie principalement d’investissements allemand ou européens.
Un soutien institutionnel européen insuffisant
Malgré les nombreux rapports sur le sujet, l’absence de structures de financement institutionnel à l’échelle européenne reste problématique. Ni la Commission européenne ni la Banque européenne d’investissement ne jouent pour le moment un rôle significatif dans le développement des infrastructures nécessaires pour garantir une autonomie technologique en matière d’AI.
L’Europe risque d’accuser un retard important dans la construction de ses propres infrastructures, notamment les data centers, essentiels pour soutenir les besoins croissants en IA.
La réglementation, un faux levier de compétitivité
Ironiquement, l’Europe excelle dans la régulation, comme en témoigne l’initiative de l’AI Act. Réglementation que les acteurs de la Tech française comme Xavier Niel ou encore Mistral.Ai dénoncent comme un frein à l’innovation et au développement. Ainsi non seulement cette politique réglementaire ne suffira pas à combler les lacunes économiques et stratégiques, mais elle isolera l’Europe du reste du monde, empêchant ses propres société de développer des technologies de pointe sur leurs territoires.
Et simultanément, les GAFAM continuent de séduire les meilleurs talents européens, en les accueillants aux Etats Unis ou en installant des laboratoires d’IA dans les grandes capitales européennes, recrutant les étudiants les plus prometteurs, accentuant la fuite des cerveaux. Le tout mis en scène comme une marque de réussite de nos politiques en matière d’innovation et de développement économique.
Le besoin urgent d’un sursaut européen
L’enjeu est non seulement de taille, et ne peut souffrir du moindre attentisme. Si l’Europe souhaite éviter de devenir un simple consommateur passif d’innovations venues d’ailleurs, elle doit agir rapidement. Cela implique :
- Des investissements massifs dans les infrastructures technologiques.
- Le soutien à la consolidation des startups pour créer des champions transnationaux.
- Une augmentation significative des fonds de croissance pour accompagner les entreprises en phase d’expansion.
- Susciter l’engouement de nos talents à créer et participer à des projets européens ambitieux
Sans un véritable sursaut, le fossé avec les États-Unis et la Chine continuera de se creuser, reléguant l’Europe à la périphérie de cette révolution technologique qui va marquer une rupture incommensurable avec le monde que nous connaissons aujourd’hui.