Soyez Digital en 2018 : cessez d’abêtir vos clients
Par Bertrand Duperrin, expert FrenchWeb
Pour une entreprise le premier sujet digital est la communication. J’aurais même envie de dire que la communication est le premier sujet d’une entreprise en général à tort ou à raison. Si on ne communique pas on ne vend pas. La communication c’est l’image. La communication c’est la réputation.
Alors cela fait longtemps que les entreprises se sont appropriées ce canal pour communiquer et le sujet d’ «y aller ou pas » ne fait plus débat même si, dans le cas de l’achat média, certaines marques commencent à craindre pour leur « brand safety » à force de voir leurs publicités affichées à côté de contenus peu recommandables ou incohérents avec leur positionnent. Mais dans ce cas précis le problème tient d’avantage à l’incapacité de Google de qualifier son inventaire qu’au principe lui-même.
Les marques et le digital : toujours présentes, rarement pertinentes
Si le quoi ne fait pas débat le comment, lui a toujours laissé à désirer. Il y a de tout temps une inadéquation entre les pratiques de la majorité des marques, les particularités d’un monde devenu digital et les attentes du consommateur.
Tout d’abord parce qu’elles ont appliqué au digital les recettes du monde d’« avant ». « Avant » les endroits et moments où l’on pouvait parler au client étaient connus et limités : pub tv, radio, encarts presse, affichage public. L’inventaire était limité et devait être partagé ou, plutôt, le plus offrant raflait les meilleures places. Et très souvent l’audience était « captive » : les gens étaient devant leur télé, écoutaient la radio, lisaient leur journal ou étaient coincés dans un embouteillage devant un panneau publicitaire. Ils aimaient ou pas, mémorisaient ou pas mais ils ne pouvaient pas ne pas être atteints.
Avec internet l’inventaire est devenu infini. Le web, les sites, les média, les applications…. on est en face d’un panneau publicitaire mondial et infini. Donc la stratégie qui consistait à occuper l’espace disponible et, souvenez vous, à capter le temps de cerveau disponible était vouée à l’échec. Ce qui n’a pas empêché et n’empêche pas encore aujourd’hui de nombreuses marques de croire que le matraquage publicitaire a un avenir ou de ne pas avoir compris qu’on pouvait et devait faire autrement.
Le consommateur, lui, a vécu la chose différemment. Il a surtout senti l’infinité de messages auxquels il était soumis, a fait une overdose et a fini par le plus y prêter attention voire à bloquer les publicités. L’enjeu s’est donc déplacé de profiter de son attention à la mériter.
Il fallait donc faire plus qualitatif. Raconter des histoires, faire autre chose que de la publicité, utiliser les formats qui plaisent, faire du facile et agréable à consommer. Fabriquer du contenu de marque (brand content) destiné à remplir l’immense conteneur qu’est l’espace digital.
Pour quel résultat ?
Retour à la case départ.
Les marques demandent beaucoup au consommateur sans rien en contrepartie
L’internaute « moyen » est submergé de brand content. Pire encore, le format à la mode étant devenu la vidéo, un format qui monopolise l’attention et prend du temps à consommer, il peut passer ses journées à en regarder s’il ne se retenait pas. Ajoutez le potentiel viral et en fait…il passe effectivement ses journées à regarder des vidéos. Mais la vidéo doit attirer l’attention et être accessible à tous donc:
- pour attirer l’attention les créatifs se sont tellement surpasser que parfois la limite en termes de bon goût a été allégrement franchie.
- pour être accessible à tous on a abaissé le niveau à un point tel qu’on frise le crétinisme absolu.
Je passe sur les invitations à liker, à partager.
A la fin je trouve que les marques demandent beaucoup à leurs clients, du temps, de l’engagement, des actions sans rien leur avoir donné d’autre qu’une vidéo au mieux rigolote, au pire abêtissante et crétine.
Et à la fin ça convertit ? Je veux dire, ça fait de l’argent en plus de faire du buzz et de monopoliser l’attention ? Ben on ne sait pas trop.
Il est peut être donc temps d’arrêter de monétiser la médiocrité. A voir le consommateur comme un crétin qui s’enfile des vidéos à longueur de journée on finit par le perdre ou avoir les consommateurs qu’on mérite.
Je disais que les marques demandaient beaucoup avant d’avoir rien donné ou rien donné de valeur. On peut distraire (car oui on ne communique plus on distrait et ça veut dire quelque chose) en apportant de la valeur, en informant, en apprenant des choses aux gens. On peut faire rire de temps en temps, on peut faire rire en informant. Mais on ne peut que faire rire pour le buzz (parfois mauvais d’ailleurs).
Il y a un territoire pour cesser de communiquer plus mais communiquer mieux, rechercher la recommandation de qualité plutôt que le buzz qui se passe dans un espace déjà tellement assourdissant qu’il ne fait qu’ajouter le bruit au bruit.
En matière de bruit et de nivellement par le bas j’ose croire qu’on est en train de toucher le fond et qu’on finira bien par remonter. A moins qu’on continue à creuser pour trouver du pétrole.
Mais les exemples de marques qui favorisent la pertinence au bruit, la qualité à la quantité, qui essaient de donner quelque chose de valeur en échange d’un engagement existent. Espérons qu’en 2018 elles deviennent la norme et en tout cas c’est un axe à considérer si vous désirez donner un nouveau souffle à votre communication digitale.
L’expert:
Bertrand Duperrin est Digital Transformation Practice Leader chez Emakina. Il a été précédemment directeur conseil chez Nextmodernity, un cabinet dans le domaine de la transformation des entreprises et du management au travers du social business et de l’utilisation des technologies sociales.
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Ne vous en faites pas cher monsieur, il existe encore une quantité industrielle de marques et même de media (!) qui n’ont pas compris qu’il fallait communiquer tout court… De là à en arriver à la vidéo, il vont encore mettre des années, en commençant pas faire de la… petite qualité, en pensant faire des économies.
Peut-être même que les derniers « zapperont » directement la case cheap, vous, aurez donc été écouté.