Investissements

Start-up cherche investisseur pour lendemains heureux, malgré la crise

Par Marie-Morgane LE MOEL / AFP

C’est une nouvelle ère pour les start-up: après deux ans de faste, les financements se raréfient au rythme du resserrement monétaire et la crise bancaire ajoute aux doutes… sans pour autant couper le robinet.

Maximilien Levesque, fondateur de la start-up Aqemia, spécialisée dans la conception de nouveaux médicaments grâce à l’intelligence artificielle, est, lui, passé entre les gouttes, en levant 30 millions d’euros pour son premier tour de table en octobre.

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« On a commencé notre opération de levée de fonds alors que tout allait bien et on l’a finie au moment où tout s’est bloqué », raconte le dirigeant.

« Il y a eu un moment où on a senti dans les discussions que la situation avait changé, même si cela n’a pas eu d’impact sur notre propre levée », poursuit-il.

D’autres ont cru ne jamais y arriver, comme cette entrepreneuse qui préfère rester anonyme, alors que sa jeune société est sur le point de boucler — enfin — un tour de table pour sa plateforme de gestion des données numériques.

« Nous avons enclenché le processus début 2022, et nous avons vu la situation se durcir tout au long de l’année. Il y a eu des moments où on s’est dit qu’on n’allait pas y arriver », dit-elle.

Soutenus par des taux d’intérêt bas, les marchés ont connu des levées de fonds record en 2021 et jusqu’à mi-2022, notamment pour les entreprises de la tech et ce, alors même que ces dernières, souvent peu rentables à leurs débuts, représentent un pari sur l’avenir.

Mais la hausse des taux d’intérêt a sifflé la fin de la partie. Désormais, « il y a d’un côté des start-up de la tech avec un retour sur investissement qui va prendre longtemps et de l’autre des bons du Trésor, sans risque, qui avec la remontée des taux rapportent 5% » aux investisseurs, explique Jared Fine, du cabinet d’avocats américain Goodwin, à Boston. En résumé, « lever des fonds est devenu plus difficile ».

– Anxiété –

Selon la base de données Crunchbase, le marché mondial du capital-risque, soit le financement de jeunes sociétés, est tombé à 445 milliards de dollars en 2022, un recul de 35% sur un an.

La guerre en Ukraine a encore ajouté à l’incertitude, et la crise qui a ébranlé les banques, en particulier la Silicon Valley Bank (SVB), grand financeur des start-up technologiques aux États-Unis, n’a pas aidé à rassurer les investisseurs.

« La crise de SVB a été résolue rapidement grâce à l’intervention de l’État, mais on observe toujours beaucoup d’anxiété sur les marchés », commente Jared Fine.

C’est le même son de cloche en Europe. Selon un baromètre du cabinet EY sur le capital-risque, les levées de fonds ont chuté l’an dernier de 15% au Royaume-Uni et de 38% en Allemagne. Les sociétés de la FrenchTech ont, elles, récolté davantage qu’un an auparavant, mais moins de compagnies ont pu bénéficier de cette manne.

Certains ont pu trouver une solution alternative, comme Matthieu Hug, cofondateur de Tilkal, start-up française de la tech, qui offre une plateforme permettant la traçabilité des produits pour le secteur industriel.

« Nous avons obtenu fin 2022 une grosse subvention européenne, cela nous a enlevé l’urgence de lever des fonds » raconte-t-il. L’entrepreneur se félicite de ce soutien de l’UE, qui a pour lui le mérite d’avoir « une optique plus long terme » que celle des investisseurs privés.

– Retour de balancier –

En outre, « les investisseurs étrangers ont tendance à se replier sur leurs terres naturelles », explique Paul-François Fournier, directeur exécutif innovation de Bpifrance. Mais il y voit un juste retour de balancier: « Il y a un retour à des fondamentaux. Les investisseurs attendent maintenant de voir les évolutions du marché. »

Valérie Gombart, fondatrice de la société de capital-innovation Hi Inov-Dentressangle, a elle aussi constaté « un ralentissement depuis l’automne, mais qui est plus un retour à la normale après 18 mois de folie qu’un effondrement ».

La dirigeante a d’ailleurs choisi de faire une pause dans ses investissements face à des niveaux de valorisation qu’elle jugeait trop élevés l’an dernier.

Pour les analystes interrogés, il s’agit en réalité d’un changement de cycle, en particulier dans la tech. Cet écosystème « arrive à un certain niveau de maturité, indépendamment des facteurs conjoncturels. Les investisseurs vont regarder les perspectives de rentabilité dans un horizon proche », abonde Christian Heinis, associé du cabinet de conseil Roland Berger.

Ce changement d’ère, bien que considéré comme sain, pourrait laisser des start-up sur le bord de la route, dans tous les secteurs. « Certaines entreprises se déclarent en faillite et sont reprises par des concurrents », témoigne Thomas Dupont-Sentilles, du cabinet Goodwin à Paris, qui s’attend à une vague de consolidation.

Pour autant, le robinet n’est pas totalement fermé. A titre d’exemple, la biotech française Amolyt Pharma a levé 130 millions d’euros en janvier. En mars, Stripe, entreprise américaine de services de paiements, a, elle, levé… plus de 6,5 milliards de dollars.

Car même en ces temps compliqués, un bon dossier trouvera toujours un investisseur, assurent les spécialistes. Valérie Gombart a déjà participé à quatre levées de fonds européennes en 2023: « Je dis aux entrepreneurs: +rassurez-vous, il y a encore de l’argent+ », commente la dirigeante, qui les encourage à se pencher sur la solidité de leur modèle économique… dans l’attente de jours meilleurs.

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