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Start-up et R&D en France: mode d’emploi

Start up et R&D : le couple gagnant

Bien des start-up rêvent d’une structure de recherche & développementqui dépasse les frontières de la Silicon Valley et qui se nourrisse de développeurs et collaborateurs dans les entités de la même entreprise au sein de différents lieux de la planète (hors offshoring, bien entendu).

Fondée en 2006 par Guy Haddleton and Michael Gould, Anaplan, une des rares entreprises IT de taille mondiale dirigée par un Français Fred Laluyaux a décidé l’an dernier d’installer un centre de R&D à Paris.

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Le métier d’Anaplan, c’est la planification opérationnelle en entreprise en mode cloud, un Excel réinventé avec des milliers de cellules à partager.

Un centre de R&D au centre de Paris

S’installer dans la capitale n’est pas très commun non plus, les sociétés ITpréférant s’insérer dans l’écosystème universitaire spin off à la française : Plateau de Saclay, Grenoble, Nice Sophia Antipolis…

L’entité française R&D d’Anaplan est coordonnée par Jean-Claude Lévy qui a fait ses classes chez Apple avant de travailler pour Microsoft. En début de carrière, il possède comme fait d’arme au début de sa carrière d’avoir réalisé la version Atari du jeu Prince of Persia.

Rencontre avec cet ingénieur passionné qui saisit finement l’évolution des besoins d’une entreprise IT en plein essor et s’interroge sur le pourquoi des profils de développeurs désirant intégrer une start-up plutôt qu’un mastodonte du secteur de l’informatique.

Lire aussi : Anaplan, l’Américain qui rêve de détrôner Excel et Anaplan, la start-up qui bouscule la planification en entreprise


L’équipe dirigeante de Anaplan

L’hypercroissance d’une entreprise IT en devenir

Anaplan en quelques mots, c’est quoi ?

La problématique en question, elle est connue depuis longtemps mais personne ne l’avait fait. Si on pouvait avoir une base de données multidimensionnelle en ligne et si elle pouvait être utilisée par tout le monde en même temps, ce serait utile.

On aide les entreprises à devenir réactives dans ce monde qui bouge à toute allure, pour permettre de vous adapter aux changements très rapides de situations business. Pour les développeurs, dit comme ça, ce n’est parfois pas aisé à comprendre. Ils le matérialisent quand ils voient Anaplan.

Quels sont les challenges techniques de la solution ?

On travaille sur des entités nommées, des chiffres concrets, pas simplement des chiffres dans des cellules. On comprend alors assez vite que la toute structure business de l’entreprise peut être modélisée comme cela et que chacun dans la société va pouvoir intervenir sur la partie qui le concerne.

On a un immense classeur Excel pour toute l’entreprise :1) Ca marche et 2) Ca monte en charge avec des milliards de cellules de données et 3) on travaille sur du vocabulaire métier.

Travailler dans la R&D : une chance

Quel discours avoir pour des candidats potentiels qui souhaitent rejoindre la R&D de l’entreprise à Paris?

Quand je reçois des candidats, j’essaie de leur faire comprendre qu’ils vont avoir une chance particulière.

En effet, dans les entreprises, les gens qui travaillent sur Excel et qui ont énormément de problématiques à cause d’Excel, ont la chance de pouvoir utiliser Anaplan.

La productivité change tout d’un coup car au lieu de se préoccuper de câblage, ils s‘intéressent à des représentations nommées de leur business avec HP et d’autres. Donc c’est sans limite. Cela concerne des grandes sociétés car cela nous permet de valider et de croître mais le modèle est sans limite.

Excel est présent partout dans le monde de l’entreprise?

Oui, tout à fait et c’est utilisé par tout le monde. Autrement dit, ce que les développeurs vont écrire — potentiellement si on peut exécuter ce qu’on rêve d’exécuter — dans les années qui viennent, ce sera utilisé partout sans préjuger de l’avenir de la société. Ils interviennent au coeur de la vie de l’entreprise et ceci très concrètement.

La R&D c’est l’ADN de toute société IT qui se développe. Pourquoi cette idée de créer un centre de R&D au centre de Paris et en France?

Il y a de la R&D ailleurs où le produit évolue de façon classique, à San Francisco. L’idée, c’est de créer des centres de R&D partout où on a du business qui se développe réellement pour être au plus près des marchés en question et ne pas passer à côté d’une problématique qui serait spécifique à cet endroit précis . Et aussi ne pas avoir un centre où l’on développe tout dans le monde anglo-saxon ou dans la Silicon Valley. Nous avons un PDG qui est français et qui donc comprend cela.


Quelques collaborateurs de Anaplan dans le York

Travailler sur le collaboratif : une force française

Quelle est la spécificité de la R&D à Paris?

On a annoncé qu’on travaillerait ici sur tout ce qui est collaboratif et visualisation de données, management de données ; tout ce qui a trait aux flux et intégration de données, les flux entre Anaplan et les systèmes IT qui peuvent exister (en entrée et en sortie), par exemple en sorties avec Google SpreadSheet.

Il peut y avoir des scénarios pour nos clients. Ils ont besoin de travailler sur des données de participants qui ne sont pas des clients d’Anaplan et qui ne pourront pas voir les données de nos solutions. Donc, c’est de la recherche autour de ces données et nous avons démarré à Paris en avril 2015.

Comment cela se passe, ces premiers pas de la R&D à Paris? Que peut-on tirer comme enseignement des premiers recrutements?

On a recruté une dizaine de personnes. On a des développeurs Java etJavaScript, des product owners, des UX designers, des technical writers… Des équipes à terminologie classique. C’est essentiellement autour du JavaScript et du Java. Notre application tourne avec cela avec une culture très développée.

JavaScript prend de l’ampleur. L’équipe de Paris a cette orientation-là.

Développer et être utile

Qu’est-ce qui fait que les gens ont envie de venir chez vous? Il y a une forte concurrence sur le marché…

Ce qui leur donne envie, mis à part le fait que c’est une société américaine de la Silicon Valley — c’est un élément important — c’est qu’ils se rendent compte qu’ils vont avoir un impact direct sur le produit ; c’est la chose principale à l’instant car les équipes ne sont pas des mastodontes et elles travaillent sur des technologies récentes.

On fait du code qu’on ne jette pas, qui doit être performant et élégant. Le fait aussi de pouvoir rencontrer des gens passionnants. Par exemple, ils savent qu’on travaille avec Google donc ils ont des contacts directs avec des personnes de Google aux Etats-Unis — donc ils peuvent être amenés à voyager là-bas et à les rencontrer.

C’est important car pour JavaScript, on essaye d’être présents un maximum dans les événements JavaScript et que les développeurs puissent être amenés à faire des présentations eux même dans ces conférence. C’est quelque chose de très attractif car cela signifie aussi une reconnaissance de leur travail par des pairs.

Certains candidats peuvent venir de concurrents directs ou en ont marre d’être chez des mastodontes, où ils ne peuvent rien faire, rien bouger.

Cherchez-vous des profils quelque peu différents?

Chez Anaplan, les choses sont évolutives et se construisent. De fortes personnalités technologiques, c’est ce qu’on recherche en R&D.

Plus les équipes vont grossir, plus je vais faire appel à des gens qui ont d’autres études autres que de l’informatique.

Qu’est-ce qui est intéressant comme profil différencié, traditionnel qui émerge?

On a deux métiers technologiques dans notre entreprise : ceux qui fabriquent Anaplan et ceux qui fabriquent des applications sur la base de la solution. Un jour ou l’autre, il peut y avoir des passerelles.


Les locaux de l’entreprise dans le York

Besoin d’UX Designers : Rareté d’un profil en devenir

Des UX designers, vous en avez inévitablement besoin ?

Oui, des profils comme des UX designers qui correspondent à ce qu’on cherche, c’est un métier à inventer. Cette organisation-là a été beaucoup développée autour des Web agency. D’ailleurs, quand on cherche à recruter pour ce profil, on n’a que des gens qui viennent de ce monde-là ou des candidats qui viennent du design en général.

Aussi, on peut trouver des candidats qui ont travaillé dans des entreprises avec des métiers proches pour des applications web. Mais là a contrario, on a des personnes qui sont souvent «enfermées» dans une mentalité ou des habitudes de pensées, des collaborateurs qui sont productifs très rapidement.

Le mouton a 5 pattes, c’est l’UX Designer confirmé et en même temps qui fait de la sémiologie… Car ça tourne beaucoup autour d’usages des rapports avec les mots et le sens.

Dans les actions qui sont menées avec Anaplan, on stocke des données mais petit à petit, il y a des notions de workflow qui vont être intégrées. De la même façon, les utilisateurs d’Anaplan modélisent leur traitement de données pour être amenés à modéliser leurs processus.

Les mathématiciens de plus en plus demandés

Et des mathématiciens, cela vous intéresse t-il en R&D ?

Les mathématiciens sont des profils de plus en plus recherchés. Là aussi, on recherche des mathématiciens informaticiens plus que des informaticiens mathématiciens. Donc, des gens qui ont un bon pied en math et qui sont de bons programmeurs plutôt que des personnes qui sont des ingénieurs et qui ont un goût pour les maths.

Plus de 500 personnes réunies à la conférence annuelle de Anaplan à Paris à l’automne 2015

Le DX comme Developer Experience

Et quid de la créativité ?

Dans les évolutions actuelles, les développeurs full stack JavaScript sont ceux qui — en tout cas dans cet écosystème-là- sont très créatifs. On essaye de trouver ce mix entre l’ingénierie et la productivité grâce au fait de cette interactivité qui est possible avec JavaScript.

A l’une des dernières conférences Facebook à Paris, l’équipe a dit qu’après le UX, il y a le DX : Developer Experience… C’est un mot-clé qui prend un fort essort dans l’écosystème IT. Cela signifie qu’il faut aussi se préoccuper de l’attirail, de l’outillage des développeurs pour faire en sorte de raccourcir fortement les cycles itératifs et la problématique du débuggage. La seule innovation-là, c’est l’interactivité. C’est finalement proche de ce que fait Anaplan.

Avec notre solution, les gens font des modèles et des simulations. D’un seul coup, on peut jouer avec les données et avoir instantanément des résultats avec des formules même extrêmement complexes et nombreuses. Endéveloppement, on souhaiterait avoir la même chose…

L’apport des profils de sciences humaines ; anthropologie, sociologie, personnes travaillant en logique… Cela peut apporter une plus-value ? Je pense à l’aspect conduite du changement au sein de l’entreprise…

Tout à fait. Maintenant, notre solution peut participer à cela en étant un outil qui facilite l’intervention dans l’hétérogénéité par le fait qu’on va travailler sur des noms et pas simplement sur des câblages.

Le programme sans programmeur

Votre problématique centrale en R&D est-elle de faire émerger un écosystème autour de votre solution?

Pour tout ce qui est autour du flux et l’intégration de données entre Anaplan et l’extérieur, il y a énormément de choses à faire. Après, dans ce que nous serons capable de produire, pour que notre solution devienne un environnement de plus en plus interactif.

On souhaite «le programme sans programmeur» : donc, faciliter le travail pour les gens. Aujourd’hui, nos avant-vente font de la modélisation avec notre solution. Ils font des proofs of concept et réalisent un échantillon du produit que le client va acheter avec notre solution pour leur montrer qu’ils peuvent le faire.

Evidemment, là il y a tout un écosystème qui existe déjà ; des partenaires qui développent avec nous, ce que nous on produit tout type d’invention, d’innovation autour de la collaboration qui ressemblerait à Excel / Anaplan, de la gestion de traitement de données en flux en entrées et en sorties avec des normalisations, conversions, nettoyages, visualisations… Tout cela, c’est utile.

Tout ce qu’il y autour de la «predictive», optimisation, tout ça ce sont des points qui peuvent se développer… Mais ce sont aussi des cibles potentielles d’acquisition pour l’entreprise.

Quel est challenge majeur de R&D à Paris pour votre entreprise?

De réussir le premier gros challenge de collaboration. Au sein de notre solution, on a annoncé des fonctionnalités de collaboration. Il faut aussi ajouter des services de collaboration dans l’interface.

Le challenge est donc de recruter suffisamment de gens pour réaliser cela le plus vite possible.

L’inventivité à la française : notre atout phare

Qu’apporte la culture française de la R&D IT et des recrutements de profils dans notre pays?

Vraiment de l’inventivité. L’aspect de la culture mathématique française, oui. Oui, parce qu’en tant que profil français, il y a une exigence particulière dans l’inventivité. Vraiment. En même temps, on dit qu’on n’est pas assez concret, qu’on ne va pas assez vite à l’essentiel…

Mais il y a aussi une autre exigence très française pour les utilisateurs : je pense qu’on fera du code qui sera moins buggé ; on est plus exigeant, on pense plus loin…

En même temps, la France a fait le Concorde mais a été incapable de le vendre. C’était la phrase-clé de l’un des mes enseignants…

Enfin, que pouvez-vous apporter aux écoles d’ingénieurs en tant qu’entreprise IT dynamique?

Leur ouvrir les yeux sur les potentiels possibles qu’on n’enseigne pas aux étudiants. Pour les ouvrir… Dans cette direction-là.

Bien sûr, on aime les personnes diplômées dont le parcours a été évalué et validé. Aussi, faire prendre conscience à ces écoles que rentrer chez nous est passionnant est un autre enjeu de taille.

Jean-Luc Raymond est Social Media Manager Senior. Il conseille des grandes entreprises, institutions et organisations non gouvernementales sur leur stratégie de présence en ligne. Il traite des tendances numériques professionnelles et d’usages sur son blog.

Son compte sur Twitter

Crédit photo : Nikos Aliagas
Crédit photo en Une: Jean-Luc Raymond
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