Start-up Game: où les petits malins ne font plus recette et l’on appelle une déesse romaine à la rescousse dans la guerre économique mondiale
La toute nouvelle hype de la start-up et de l’entrepreneuriat parcourt notre société comme une traînée de poudre: de l’entrepreneur à l’intrapreneur, tout le monde se sent l’âme d’un conquérant du capitalisme moderne. Un quelque chose de Steve Jobs (ok, souvent uniquement son sale caractère) ou un faux-air de Mark Zuckerberg (bon, ok, que le hoody). Cette nouvelle mode est abondamment relayée par nos médias, racontant ainsi un conte de fée moderne, qui substituent l’amorce d’«Il était une fois» par «Il a eu la bonne idée». Et de raconter ensuite comment la bonne idée devint une entreprise, naturellement pleine de succès.
Ce qu’il faut commencer par comprendre, c’est que l’idée ne fait pas l’entreprise, ne fait pas le succès et ne fait pas le travail.
L’idée est, au mieux, un point de départ. En fait, on pourrait élargir ce raisonnement à toute analyse économique d’un marché, démontrant une possibilité de business, un «trou dans la raquette». Combien de fois ai-je vu un porteur de projet s’exciter seul sur son business model canvas, expliquant que son modèle économique allait rapporter des millions en N+1?
Le business model canvas (BMC pour les intimes) est un super outil pour modéliser une entreprise existante, ou pour projeter un modèle et visualiser sa potentialité, mais ne garantit en rien le succès. Il analyse à un état constant, il ne modélise pas sa construction.
En effet, pour créer une entreprise, il faut partir de rien pour aller à quelque chose, ce qui n’inclut pas d’observer une start-up sphérique dans le vide et sans frottement (ah, mes cours de physique…) mais bien de créer un modèle de montée en charge, un modèle de croissance. La croissance est ce qui forme l’essentiel de la valorisation d’une start-up. Et c’est là qu’on trouve l’entreprise: il faut FAIRE.
C’est pourquoi l’équipe est un sujet si important au même titre que le marketing initial, le réseau premier des fondateurs pour déclencher les premières ventes, la capacité à réaliser et adapter son produit au plus vite, la culture d’entreprise. C’est bien tout cela qui fédère et donne une vision claire à l’équipe concernant la mission qui les concerne… En clair, il faut FAIRE. Ce qui compte n’est donc pas l’idée mais l’EXÉCUTION.
On exécute avec des erreurs, des changements de façon de faire, en réinternalisant avec un autre point de vue; en clair, en créant une culture d’entreprise, en apprenant. C’est précisément cette courbe d’apprentissage qui représente l’essentiel de la valeur et de l’investissement d’une start-up, c’est ce mix unique d’inspiration, d’erreurs, d’innovation et d’inconscience qui permet à certaines boîtes de créer des façons inédites de travailler et de créer, et génère de la valeur (faudra qu’on parle de sociodynamique).
La pullulation des consultants en start-up de ces dernières années entraîne un phénomène de mimétisme, et place certains startupeurs dans cette position d’avoir une idée, une analyse du marché et un regard de leur environnement économique, mimant ainsi les consultants, sans se rendre compte qu’ils ne sont déjà plus des entrepreneurs, mais des observateurs. Ce phénomène est accentué par les multiples offres du type; «tranquillisez-vous, on va coder et designer votre MVP (Minimum Viable Product)», «je sais que tu n’as pas le temps, on va écrire ton business plan pour toi, en plus il y a des aides qui existent pour le financer», «gérer une entreprise te prend ton temps, externalise-la chez moi», «il faut que tu te focus sur le stratégique, on va s’occuper de ton développement commercial».
Mais que reste-t-il de valeur dans votre boîte?
Si toute la valeur est produite en extérieur, quelle est celle que vous produisez?
Étant à Nantes, ce type de comportement tourne parfois à la caricature: quand un ancien cadre intermédiaire de grande entreprise m’explique avoir quitté son job et Paris, pour se «recentrer sur ce qui compte et prendre le temps de s’occuper de ses enfants, travailler dans ce qui a du sens…» tout en achetant son MVP, son BP, sa DAF et en prenant des cours du soir pour «devenir un entrepreneur»…
Ma réponse est simple: NON, on ne crée pas une start-up pour avoir un «meilleur rythme de vie», il faut être fou!
Une start-up correspond à créer beaucoup de valeur en peu de temps, ce qui implique BEAUCOUP de travail. Il ne faut pas se laisser leurrer par le bullshit des perks de la Silicon Valley, dans les boîtes qui ont trop d’argent et qui sont dans une vision sociale très différente (allez expliquer le principes des 5 semaines de congés payés aux USA pour rire).
NB: on peut parfaitement créer une entreprise qui ne soit pas une start-up, toute jeune entreprise n’est pas une start-up. Ce n’est pas plus mal.
Et puis, le start-up market s’est mondialisé, c’est de facto un marché hyper libéral de lutte économique mondiale, et pour chaque idée, il y a 12 équipes dans le monde qui sont synchronisées dessus. Ce qui les départagera sera l’exécution, et ce que l’équipe s’imposera pour gagner. Donc on peut assurer que 4 ingénieurs de 17 ans au Pakistan, qui n’ont rien à perdre travailleront beaucoup plus, beaucoup beaucoup plus.
Le marché est à présent plus global, le nécessaire pour créer une start-up dans le secteur dit Internet, est devenu accessible pratiquement à tous, transformant durablement le terrain de jeu. Il n’est pas obligatoire de sortir de Stanford ou Harvard pour innover, et l’apprentissage gratuit en ligne a fait tomber bien des barrières. Aujourd’hui, il ne faut pas être un petit malin pour triompher, il faut être un guerrier prêt à travailler dur et avec détermination pour aller sur ce terrain. C’est pour ces raisons que l’on constate un rajeunissement des porteurs de projet.
En effet, ma thèse est qu’il est utile de n’avoir rien à perdre pour tout donner. Un étudiant est habitué à vivre de peu et travailler beaucoup, n’a pas ou peu d’engagement, pas d’exigence de confort, il est disponible pour sa passion et la radicalité de sa thèse entrepreneuriale. Il n’a rien à perdre: pas de carrière, pas de situation, pas de prêt à rembourser, pas d’enfant à charge, souvent pas d’engagement dans une relation…
Il est disponible pour se battre contre les autres qui n’ont rien à perdre. C’est comme ça que j’ai créé Clever Cloud, je n’ai jamais compris ceux qui me disaient que c’était courageux de monter une boîte jeune. Ça me semblait simplement plus rationnel que de la monter à 35 ans, en devant assumer des engagements financiers et des responsabilités envers une famille. Après, il y aurait beaucoup à dire sur la situation d’étudiant-entrepreneur, mais ce n’est pas le sujet de ce billet de blog.
C’est en discutant de cette mutation du marché des start-up avec Francky Trichet (adjoint au numérique à Nantes) que nous avons conçu la thèse de Maia Mater: L’idée était d’aider ceux que personne n’aide, d’aider avant que ce soit «rentable», de construire un espace pour accueillir ceux qui n’ont rien à perdre et rien à donner, mais envie de travailler dur à leur futur et au futur des idées et projets qu’ils portent.
On veut simplement permettre aux étudiants (et les tout juste diplômés, pas de chichis) qui sont des DO-ERS (tech, design, ingénierie, sciences…) de créer leur entreprise.
Rapidement on en a parlé aux copains d’Atlantic 2.0 (La Cantine), de la NantesTech, de Nantes (Nantes Métropole) et de Saint Nazaire (La Carene), et à Martin Arnout (qui lui est élu à Saint Nazaire), et tout le monde a décidé que c’était une priorité, ils nous ont rejoints dans cette mission. On a recruté Terence, et on a finalement mis en place le premier camp d’été pour primo-entrepreneurs: un programme de 3 ans; construit pour aider sincèrement à concrétiser sur notre territoire des projets venus de partout.
La première année dure 4 mois (de fin mai à fin septembre, du Web2day à la Nantes Digital Week) à Nantes, durant laquelle on fournit un lit, un bureau, du manger, où on invite des bad-ass entrepreneurs pour partager leur vision de l’aventure start-up et un cadre motivant pour qu’une équipe puisse se consacrer à son MVP.
La seconde année (qu’on ouvre dès la première année parce que c’est comme ça) dure 1 mois (juillet, on finit aux Escales) à Saint Nazaire est un séminaire pour réfléchir à son projet, son pivot, la monétisation de sa traction et la construction de son momentum.
On fournit aussi le lit, le manger, le bureau et le cadre motivant, les mentors aussi. Un moment clé pour se retrouver après une année où parfois l’équipe n’a pas pu se voir autant qu’elle le souhaitait.
La troisième année, les anciens reviennent aider les nouveaux, parce que le programme est fait pour former une grande famille, une assemblée de patriciens startupers.
Le meilleur là dedans: c’est GRATUIT ET SANS CONTREPARTIE.
Vraiment aucune! Pas de frais, pas de part, pas de vesting, pas d’obligation, pas même une obligation d’implantation sur le territoire. Car cette action est BIENVEILLANTE, on veut fournir aux grands projets tech de demain, une aide franche. Et on a aussi pleins d’outils pour vous aider à faire passer la pilule à votre école (les stages, tout ça…).
A présent j’ai besoin de votre aide:
– Si vous voulez monter votre start-up et que vous êtes un jeune doers, candidatez et/ou posez la moindre question ici.
– Si vous êtes de l’écosystème Nantes-Saint-Nazaire, communiquez, et proposez votre aide à Terence. Ce projet est un projet ouvert, dans lequel on veut retrouver tout l’écosystème.
– Si vous voulez nous accompagner pour aider le futur de la tech française, dites le à Terence.
– Si vous voulez offrir des perks ou sponsoriser notre initiative, dites le aussi à Terence, on propose de jolis packs de sponsors.
– Si vous voulez nous rendre visite cet été, dites le aussi à Terence.
Cette initiative est bienfaisante, et je remercie tous ceux qui la portent.
et surtout partagez tous le site web de Maia Mater
Et puis, l’illustration, elle est cool, non?
Quentin Adam est le CEO de Clever Cloud.
Lire aussi: Joue-la comme Clever Cloud: comment nous avons survécu à un redressement judiciaire
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