Start-up scientifiques: biotechs 1
Vous êtes ici au milieu d’une série d’articles destinée à valoriser les start-up scientifiques. Nous passons ici à un gros morceau, celui des biotechs en commençant par un tour d’horizon puis à celles qui s’attaquent aux cancers.
Le cycle produit de l’industrie des biotechs
C’est un vaste champ que je ne ferais qu’explorer sporadiquement, en essayant de ne pas louper les principales start-up françaises du secteur. C’est un monde très différent de celui du numérique avec une technique et un jargon particulier, que j’essaye de décoder pour vous autant que possible. Le risque y est encore plus élevé que dans le numérique. Les horizons de temps sont très différents. Une start-up de biotech est souvent créée pour valoriser des travaux de recherche qui ont duré jusqu’à une dizaine d’années. Il en faudra souvent autant pour aboutir à une mise sur le marché de nouvelles thérapies. Donc un cycle de 20 ans! Dans le même laps de temps, le secteur du numérique s’est retourné sur lui-même au moins une demi-douzaine de fois! Même si on progresse rapidement dans les techniques médicales et bioinformatiques, notamment autour du séquençage et de l’édition du génome, tout ce qui relève du vivant requiert de longues expériences in-vitro (éprouvettes) puis in-vivo (dans des organismes) d’abord sur des animaux de laboratoire puis sur les hommes. L’expérimentation du vivant est pour l’instant toujours lente même si la robotisation entre en ligne de compte lorsque l’on doit tester un grand nombre de variantes de traitements et de cibles.
Dans ce secteur, l’échec est la norme, tout comme dans le numérique. Mais il intervient assez tardivement, dans des phases avancées d’essais cliniques, après des dépenses de plusieurs dizaines de millions d’euros, ce qui est plus rare dans le numérique. Le concept du MVP (Minimum Viable Product) ou du prototypage rapide ne tient pas du tout dans les biotechs! Il faut aussi des financements pour tenir longtemps. Pour s’en sortir, les start-up des biotechs font beaucoup de recherche sous contrat et deviennent par la force des choses des sous-traitants des grandes entreprises du secteur. Bref, nous sommes dans un tout autre monde entrepreneurial. Dans leurs développements initiaux, la dimension marketing et commerciale joue aussi un rôle moindre ou tout du moins différent vis-à-vis des start-up du numérique.
L’autre méthode utilisée par les start-up de biotechs bien financées consiste à diversifier rapidement leur porte-feuille de produits pour mitiger les risques d’échecs. Ce portefeuille est souvent une déclinaison d’un ou deux procédés sur diverses pathologies ciblées, comme divers cancers pour les immunothérapies. Un traitement pourra très bien fonctionner jusqu’en phase clinique III alors qu’un autre, voisin, connaîtra un échec. Ce sont des choses très difficiles à prévoir car on ne sait pas encore simuler le vivant et son extrême complexité. Par rapport aux start-up du numérique, l’approche est inversée. Chez ces dernières, la diversification intervient généralement avant un premier succès. Dans les biotechs, un succès consiste à dépasser le stade pré-clinique puis à enclencher les stades cliniques I, II et III. Et la diversification intervient longtemps avant qu’un patient voit la couleur d’un produit après son autorisation de mise sur le marché. Ceci étant dit, des patients en profitent, dans les phases d’études cliniques. Ce sont souvent des patients atteints de maladies incurables selon l’état de l’art courant. Ils sont donc facilement volontaires pour tester des traitements dits de la dernière chance.
Depuis des années, les big pharma outsourcent une bonne partie du risque dans la recherche de nouvelles thérapies dans les startups et les CRO (Contract Research Organizations) qui font de la recherche sous contrat et gèrent notamment certaines des phases de tests cliniques. Il y a plus de 1 000 CRO dans le monde, les plus grands d’entre eux étant de grands groupes inconnus du grand public et qui sont en pleine consolidation: LabCorp ($9,44B), QuintilesIMS ($7,7B en 2016, après la fusion du CRO Quintiles avec IMS Health, une société de gestion de données dans la santé) et Parexel ($3,8B en année glissante début 2017).
Avant les start-up se situe la recherche qui est la principale source d’innovations scientifiques du secteur. Sans recherche publique ou financée par des deniers publics et sa valorisation, il n’existerait quasiment pas de start-up dans les biotechs, même aux USA.
La France est le troisième pays en recherche en pharmacie (4564m€ en 2014) en Europe après l’Allemagne (5813m€) et le Royaume Uni (4868m€) selon l’EFPIA qui est la fédération européenne des industries pharmaceutiques. Nous n’avons pas à trop nous plaindre de ce côté-là, même si l’organisation de la recherche publique est probablement très fragmentée et sous financée, projet par projet. Suivent la création de startups. Selon l’EBE (European Biopharmaceutical Enterprises), source, l’investissement dans les startups biotechs était de $60B en 2015 aux USA pour $10B en Europe. C’est un ratio voisin de celui que l’on peut constater dans le numérique.
Contrairement à la grande majorité des start-up du numérique, les start-up des biotechs passent par un long tunnel de près de 10 ans avant que leur produit soit commercialisé. Il y a la phase de recherche, puis des tests sur des animaux qui prévalident le traitement. Y succèdent les tests précliniques qui valident les grands principes du fonctionnement de la thérapie et sa non-toxicité. Suivent des tests cliniques sur des vrais patients dont le nombre augmente de la phase I à la phase III. Enfin, s’en suit la phase de mise sur le marché avec les procédures d’agrément par les autorités de santé et, le plus souvent, les tiers-payeurs, les assurances santé privées et publiques. Il faut donc pouvoir financer chaque étape l’une après l’autre sachant que la mise augmente à chaque stade. Pour gérer le processus de bout en bout sur une thérapie stratégique, il faut compter plus de $2B en moyenne. Peu de start-up peuvent aller jusqu’au bout. Elles passent donc souvent le flambeau aux CRO et aux grands de la pharmacie au milieu de ce long processus.
Le marché des biotechs
Pour ce qui est du marché mondial, estimé à $716B en 2014, il est concentré sur l’Amérique du Nord (48,7%), l’Europe n’en représentant que 22,2% alors qu’on y trouve à peu près autant d’habitants. Les proportions sont les mêmes pour le lancement de nouvelles thérapies (schéma suivant). Les raisons sont multiples. Le marché de la santé représente plus de 16% du PIB aux USA alors qu’il est plutôt situé autour de 11% en Europe. Aux USA, tout y est plus cher, et notamment les traitements, en particulier ceux de pathologies lourdes comme en cancérologie.
La santé en Europe étant en grande partie financée par les derniers publics, et notamment nos fameuses cotisations sociales, y compris la formation des praticiens, celui-ci est plus efficace pour en maîtriser les coûts, malgré le fameux «trou» de la sécurité sociale qui sévit depuis longtemps en France, et reflète surtout une insuffisance de financement par les cotisations sociales. Notre système présente des fuites en ligne mais pas autant qu’aux USA.
Aux USA, les frais de santé sont couverts par les assurances privées sauf pour les personnes âgées via le programme Medicaid créé en 1965 pendant la présidence de Lyndon B. Johnson et celles qui sont en-dessous d’un certain niveau de vie situé à 133% du seuil de pauvreté ainsi que les handicapés et les enfants sans parents avec Medicare, créé en 1966. Ces programmes sont gérés par le secteur privé par délégation du service public fédéral.
Pour le reste des assurances privées, le système a été révisé avec l’Affordable Care Act appelé aussi Obamacare, en 2010 et mis en place en 2014. Cette révision visait notamment à réduire le nombre des Américains non assurés et à interdire le refus d’assurer des personnes atteintes de maladies chroniques (les «pre-existing conditions»). C’est dans la pratique une usine à gaz très complexe. L’ACA force un plus grand nombre de personnes à être assurées, notamment hors des entreprises, et, notamment, les travailleurs indépendants et les entrepreneurs. Plus la population est assurée, plus grande est la mutualisation des coûts et des risques. Auparavant, les jeunes en bonne santé et les personnes aisées pouvaient éviter de s’assurer. Cela ne faisait que renchérir les coûts pour les autres. Avec le nouveau système, les risques sont mieux partagés mais certains y ont perdu au change.
Nombre de patients ont vu leur cotisation mensuelle (premium) augmenter significativement, 25% en moyenne fin 2016. Cela ne concerne cependant que les assurés qui ne sont pas couverts par l’assurance santé payée par leur employeur, donc surtout les professions libérales et les entrepreneurs, soit environ 22 millions d’assurés. D’après le Washington Post, seulement 7% des assurés ont vu leurs cotisations augmenter. S’y ajoutent les franchises (deductibles) qui vont de quelques centaines à 12 000 dollars par an. Certaines familles gagnant par exemple $60K par an peuvent payer $800 par mois de premium et n’être pas couvertes jusqu’à $6K à $12K de dépenses selon leur cotisation mensuelle. En cas d’hospitalisation, le coût de leur santé peut donc atteindre plus de $20K, soit le tiers de leur revenu. C’est ingérable. Les premiums et deductibles ont d’ailleurs augmenté fin octobre 2016, juste avant les élections! Juste avant la fameuse lettre du 28 octobre de James Comey qui a fait basculer l’élection en faveur de Trump. Un train en cachait en fait un autre! A ce jour, Trump veut non pas simplement réformer l’ACA mais le supprimer entièrement, et le remplacer par quelque chose de mieux, qui n’est pour l’instant pas précisé. Cela fait 7 ans que les Républicains planchent sur la question et n’ont visiblement pas encore construit de solution de remplacement.
Aux USA, les traitements sont très chers. Ils peuvent coûter de 2 à 10 fois plus que leurs équivalents en Europe! Une chimiothérapie contre un cancer peu revenir jusqu’à $300K. Le marché est faiblement régulé de ce côté-là. Il a même donné lieu à des pratiques abusives avec des laboratoires augmentant arbitrairement le prix de leurs solutions dans des proportions délirantes. Les grandes assurances privées négocient les prix et les petites comme les patients non-assurés sont facturés plein pot. En Europe, le poids des médicaments génériques est plus important. Il est de 18,2% de la consommation en France, plutôt dans la moyenne basse. Les pays avec un fort taux de consommation de génériques sont la Pologne (54%), l’Italie (46%), l’Allemagne (31%) et le Royaume-Uni (28%). Aux USA, le poids des génériques en valeur est d’environ 16%.
Nonobstant l’incertitude concernant le remplacement de l’ACA, le coût de la santé va probablement être au mieux stabilisé aux USA et le pays va rester un paradis relatif pour les entreprises de pharmacie. Cela explique pourquoi nombre de start-up françaises et européennes tentent d’aborder aussi rapidement que possible le marché US. C’est aussi critique que dans le numérique mais pour des raisons différentes. Ici, c’est le poids de la dépense et la structure du marché de la santé. Dans le numérique, surtout grand public, cela provient de la nette dominance mondiale des grands acteurs américains, en plus d’une consommation intérieure forte et d’une appétence pour l’innovation. Mais les prix pratiqués ne sont pas plus élevés aux USA dans le numérique, sauf pour les salaires des développeurs dans la Silicon Valley.
Qui plus est, nombre de start-up françaises m’ont fait part du fait que la Food and Drugs Administration (FDA) US était un peu plus ouverte aux expérimentations que les autorités de santé françaises et européennes.
Pour continuer ce panorama, la France représente 9,5% de la production européenne et 14,8% de sa recherche. Le secteur emploie 92 650 personnes en France (2014) dont 14% en R&D. La balance commerciale est positive en France avec 27Md€ d’exportations pour 24,5Md€ d’importations, notamment liées au poids économique de Sanofi qui fait environ 34Md€ de CA dont une bonne partie doit venir de France.
Voilà pour cette mise en bouche. Les biotechs représentent un secteur bien plus petit que le numérique en France. Celui-ci comprend entre 700 000 et 1 000 000 d’emplois selon les méthodes de comptage. Mais sa balance commerciale est déficitaire, il me semble. Le comparable serait le secteur de l’édition logicielle qui représente au doigt mouillé entre 50 000 et 70 000 emplois. Donc, le même ordre de grandeur que les biotechs.
Biotechs en cancérologie
Nous allons maintenant faire le tour de quelques start-up françaises du secteur, à commencer par les sociétés qui s’attaquent au plus gros marché, celui des thérapies en cancérologie. Les domaines d’investigation les plus fréquents sont l’immunothérapie, qui consiste à activer le système immunitaire des lymphocytes pour le faire s’attaquer plus efficacement aux cellules cancéreuses, ou les anticorps monoclonaux, qui, en général, bloquent le fonctionnement des cellules tumorales en s’attaquant à leurs parois et leurs «entrées/sorties».
En quelque sorte, ils les asphyxient. Mais ce sont des techniques complexes à mettre au point. Elles sont généralement spécifiques à chaque type de cancer, peuvent générer des effets secondaires indésirables ou ne pas être suffisamment efficaces pour garantir une survie des patients. Les thérapies anticancéreuses sont souvent multiples, associant plusieurs techniques. Cela complexifie d’autant les prescriptions. Certes, des systèmes comme IBM Watson alimentés par toutes les recherches et données cliniques permettent d’améliorer les prescriptions. Mais on a toujours besoin d’expérimentations in-vivo et cela reste lent! Jusqu’au jour, plutôt lointain, où l’on pourra simuler le vivant dans des logiciels (in silico).
Inatherys est une spin-off de l’INSERM créée en 2009 et que j’avais vu passer à Scientipôle en 2012. Ils développent un anticorps monoclonal qui s’attaque aux récepteurs du fer des membranes des cellules tumorales pour les asphyxier et les empêcher de se reproduire. Les pathologies visées sont les cancers avancés qui sont sans alternative thérapeutique classique (chimiothérapie + radiothérapie + immunothérapie) et surtout les leucémies aiguës. La société a développé un autre anticorps monoclonal qui s’attaque à un récepteur des membranes de cellules impliquées dans l’inflammation. Il permet de traiter les maladies inflammatoires sévères comme les polyarthrites rhumatoïdes aiguës. La société qui avait levé 4m€ fin 2013 en est visiblement toujours au stade des études pré-cliniques. Et son site n’a pas été mis à jour depuis mi 2014. Ce n’est pas le meilleur moyen d‘indiquer que l’on est encore vivant!
Elsalys Biotech est une société lyonnaise qui développe des anticorps ciblant également les cancers et les maladies inflammatoires. La société a levé en tout $5,5m.
GamaMabs Pharma est une start-up toulousaine créée plus récemment, en 2013, également créatrice d’anticorps monoclonaux ciblant des cancers, et en particulier celui de l’ovaire. Elle a démarré ses tests cliniques en phase I en 2016. Elle est donc visiblement plus avancée que les deux précédentes, malgré un marché cible bien plus de niche. En fait, elle avait récupéré les travaux d’une société francilienne, LFB Biotechnologies.
Syndivia (Est de la France) a créé une solution permettant d’envoyer des molécules fonctionnelles sur les bonnes cellules grâce à leur couplage à des anticorps via un «linker». Les anticorps ciblent des cellules spécifiques, ce qui permet d’être bien plus précis dans les chimiothérapies. C’est l’une des nombreuses techniques de ciblage de ces thérapies. L’ensemble anticorps+lien+molécule de traitement doit rester intact pendant sa circulation dans le sang. Dans les cas précédents comme chez Inatherys, l’anticorps monoclonal servait à bloquer des “portes” d’accès aux membres des cellules. Ici, pour faire simple, il devient la porte pour le traitement. La technique est applicable à diverses molécules fonctionnelles. La société se positionne donc comme un fournisseur de technologie applicable à divers traitements. Ses clients sont d’autres boites de pharma, startups ou pas, comme OGD2 Pharma, qui est basé à Nantes. Syndivia peut fonctionner en mode projet, ce qui est probablement moins lourd que de supporter tout le cycle de mise sur le marché d’une nouvelle molécule.
Elyssa Med est une spin-off de l’Institut Gustave Roussy, une référence française en cancérologie, spécialisée en immunothérapies appliquées en cancérologie. Elle développe un traitement composé de plusieurs peptides antigéniques (épitopes) ciblant les cancers du poumon. Il combine la préprocalcitonine (ppCT) et un adjuvant déjà intégré habituellement dans des vaccins traditionnels et amplifie la réponse immunitaire contre les cellules tumorales exprimant l’antigène ppCT, qui est composé d’une dizaine d’acides aminés. Ils ont déclenché un «FDA Fast Track» pour mener des tests aux USA. Ces traitements sont chers, positionnés à plus de $100K par an. La startup a gagné le prix santé du Grand Prix de l’Innovation de la Ville de Paris en décembre 2016. C’est aussi, une fois encore, un lauréat de Scientipôle!
OncoVITA est une biotech basée à Paris et créée début 2015 qui développe des traitements contre les cancers qui résistent aux chimiothérapies. Elle valorise des travaux de chercheurs de l’Institut Pasteur, du CNRS et de l’INSERM. La société développe une virothérapie antitumorale utilisant des vaccins contre la rougeole modifiés qui infectent les cellules tumorales, entrainant leur mort tout en épargnant les cellules saines. C’est un finaliste du Grand Prix de l’Innovation de la Ville de Paris en 2016.
ERYtech Pharma développe la technologie ERYCAPS qui permet d’intégrer avec précision des principes actifs dans des globules rouges du sang. Le principe consiste à les faire gonfler pour agrandir leur membrane et la rendre poreuse aux traitements puis à les laisser reprendre leur forme normale une fois les traitements absorbés. Le système est générique et a des applications diverses comme la délivrance d’antigènes utiles dans les immunothérapies cancéreuses, notamment pour traiter certaines leucémies en affamant les cellules. Elle vise un objectif voisin d’Inatherys, mais avec des moyens différents. La société basée à Lyon a été créée en 2004 et a levé en tout $113m auprès d’investisseurs institutionnels français et a été introduite en bourse en 2013. C’est une des pépites françaises des biotechs. Elle a connu des hauts et des bas, atteignant la phase clinique III pour son Graspa, traitant les leucémies aigues, et retirant sa demande de mise sur le marché européenne (AMM) en 2016, histoire de pouvoir répondre aux questions des autorités de régulation. Cette demande d’AMM doit être relancée en 2017.
Nanobiotix est une société qui utilise des nanoparticules qui permettent d’améliorer le traitement de cancers. Ils développent notamment le Nanoxray qui utilise des particules d’oxyde d’hafnium (un matériau aussi utilisé dans la fabrication de chipsets). Il est injecté par voie sanguine dans les patients avant une radiothérapie. Ces nanoparticules absorbent les rayons X et en démultiplient les effets, aidant à la destruction des cellules tumorales visées. Elles se fixent naturellement sur les cellules tumorales du fait de leurs propriétés de surface adaptées aux spécificités des membranes des cellules tumorales. Le NBTXR3-Gel a des propriétés équivalentes et est appliqué après un acte d’ablation de tumeur, avant de la radiothérapie post-opératoire, utilisée notamment dans les cancers du foie et de la prostate. La société basée à Paris a été créée en 2003, a levé $11m, obtenu 2,8m€ de financements publics et été introduite en bourse en 2012. Mais elle est toujours en phase de tests cliniques, des tests ayant démarré aux USA en 2016. Il faut décidément être patient dans ce business ! Malgré tout, elle fait plus de 1m€ de CA annuel, grâce en particulier à un accord de licence avec le Taïwanais PharmaEngine qui mène des tests cliniques de leur solution en Asie en ciblant les cancers de la bouche et du larynx.
Situé à Lyon et près de Limo, Biom’up a créé Colomatrix, un patch de cicatrisation du cancer du côlon à base de collagène, de polymère et de textiles biocompatibles. Il évite l’une des principales causes de complications et de mortalité en chirurgie digestive. La société créée en 2005 a levé $43m auprès de divers investisseurs dont Bpifrance, Biomerieux, le belge Gimv et le danois Lundbeckfond Venture.
OSE Immunotherapeutics est une autre entreprise spécialisée dans les traitements innovants contre les cancers à base d’immunothérapies. La société basée à Nantes est le résultat de la fusion en 2016 de deux biotechs françaises: OSE Pharma, spécialisée dans les immunothérapies en cancérologie et Effimune, spécialisée dans l’activation iou la désactivation des systèmes immunitaires, aussi bien dans les cancers que pour les transplantations. Leur technologie Tedopi combine une dizaine de neo-épitopes triés sur le volet, ces derniers étant des épitopes chimiquement modifiés. Les épitopes sont des éléments d’anticorps qui leur permettent de s’attaquer de manière spécifique aux cellules malignes. Ils activent certains lymphocytes T, des types de globules blancs qui s’attaquent aux cellules malignes. Ils évitent les parades des cellules malignes qui se font passer pour des cellules normales en désactivant les mécanismes immunitaires. De nombreux types de cancers sont ciblés (poumons, ovaire, colon, sein). Les études cliniques du Tedopi ciblant le cancer du poumon démarrent en phase clinique II début 2017. Les études cliniques d’un autre produit ciblant les arthrites rhumatoïdes, le FR104, ont dépassé le stade I. Il va être acquis sous licence par Janssen Biotech, une biotech du groupe américain Johnson & Johnson.
PEP Therapy développe des traitements anti-cancéreux adaptés aux cas les plus graves, des molécules qui rentrent dans les cellules tumorales et bloquent spécifiquement certains mécanismes de leur métabolisme. Le principe repose sur l’usage de peptides qui interfèrent dans le métabolisme de certaines protéines des cellules tumorales. Ces peptides (ensemble réduits d’acides aminés, les protéines étant des peptides complexes) étant associé à un peptide spécifique capable de l’introduire dans les cellules via leur membrane (CPP). La société basée à Evry et créée en 2014 recherche 10m€.
Vaxon Biotech est une start-up créée en 2004 et installée à Paris qui valorise des travaux de l’INSERM: des «peptides cryptiques optimisés» (chaines d’acides aminés), qui permettent de stimuler le système immunitaire – via les lymphocytes T (certains types de globules blancs du sang) – pour lui faire détruire spécifiquement les cellules tumorales visées, dans les cancers du poumon, de l’estomac, de la prostate, du sein, du rein et du côlon. La méthode s’applique aux tumeurs non immunogéniques, c’est-à-dire, celles qui ne déclenchent pas de réaction immunitaire de l’organisme après leur apparition, souvent liée à des mutations génétiques des cellules. La société a créé une demi-douzaine de vaccins contre les cancers dont les plus avancés sont au stade des études cliniques phase I et II (tableau ci-dessous). Ces vaccins ont la particularité d’être génériques. Ils ne doivent pas être adaptés à chaque patient. D’autres sociétés ont essayé sans succès par le passé de créer des vaccins contre les cancers et les échecs associés ont été pris en compte par l’entreprise. On espère que cette fois-ci sera la bonne. Il est probable, dans le meilleur des cas, que cette technique doive être combinée à d’autres approches, d’immunothérapies ou autres variantes, pour être efficace. La société a levé des fonds auprès de trois investisseurs mais leurs montants n’ont pas été communiqués par la société. A noter que le Génopole héberge une autre société dans un domaine voisin, Vaxeal Research, qui créé des vaccins contre les cancers (et aussi Ebola) à base de peptides longs, qui en sont encore au stade pré-clinique. La société a son siège en Suisse, à Vevey.
Kita Pharma est une start-up de Los Angeles qui a développé un procédé d’immunothérapie à base de thérapie génique. Le procédé consiste à récupérer des globules blancs du patient (lymphocytes T), à la modifier génétiquement pour leur intégrer un gêne CAR (chimeric antigen receptor, schéma ci-dessous à gauche) ou TCR (T cell receptor, schéma ci-dessous à droite). Les CAR sont des protéines qui permettent de reconnaitre les antigènes des cellules cancéreuses et d’activer les lymphocytes pour tuer ces cellules. Les TCR permettent aux lymphocytes de s’attaquer aux cellules cancéreuses en détectant des protéines associées aux complexes HLA (antigènes des leucocytes humains, ou Human Leukocyte Antigen). Le procédé fonctionne sur des cancers solides. La société a développé de nombreuses variantes de son procédé avec des thérapies en phases pré-cliniques, et cliniques phase 1 à 3 selon les cas. La société a levé $85m et été introduite en bourse en 2014. Elle faisait $22m de CA en 2016 pour des pertes de $276m ! La société a encore $414m de cash, ce qui permet de tenir à ce rythme un peu moins de deux ans. C’est une véritable course contre la montre! Son premier produit pourrait arriver sur le marché d’ici fin 2017, le Axicabtagene Ciloleucel, ciblant certaines leucémies. Les derniers tests montrent une complète rémission pour un tiers des patients, ce qui est pas mal mais il faut lire entre les lignes pour comprendre les tenants et aboutissants des études cliniques!
TxCell est une start-up française qui a levé $70m et fait son introduction en bourse en 2014. Elle est positionnée sur des thérapies voisines de Kita Pharma, avec la production de lymphocytes de patients génétiquement modifiés. Elle cible aussi bien des cancers divers que des maladies inflammatoires aigues comme les polyarthrites rhumatoïdes. Leur produit le plus avancé est le Ovasave qui traite la maladie de Crohn, qui est une maladie inflammatoire du système digestif.
Cellectis est une start-up parisienne qui développe une immunothérapie sous la forme de lymphocytes T modifiés UCART123 ciblant l’antigène CD123 de cellules cancéreuses. Ces cellules sont génériques et ne sont pas spécifiques au génotype du patient contrairement au procédé de Kita Pharma, qui est plus coûteux. La société a levé $17m et fait son introduction en bourse en 2007. Les tests vont démarrer aux USA en 2017 sur des patients atteints de leucémie lymphoïde aiguë.
Enfin, Onxeo est une autre biotech française spécialisée en oncologie. Elle a plusieurs cordes à son arc. Tout d’abord, le Beleodaq, un inhibiteur des histones désacétylases (qui vous en bouche un coin…), une enzyme qui régule le fonctionnement des histones, ces molécules autour desquelles l’ADN s’enroule dans les chromosomes et qui régulent l’expression des gênes (mais je me demande si c’est discriminant vis à vis des cellules tumorales). Puis le Combo BelCHOP qui traite certains types de lymphomes. Et ensuite, le Livatag, une version «nanoparticles» du doxorubicin, un traitement classique de chimiothérapie de cancers divers dont les leucémies, qui est en phase III, et utilisé pour le traitement du cancer du foie. Il sert à inhiber les topoisomérases II, des molécules du noyau des cellules qui servent à démêler les brins d’ADN lors des phases de transcription (copie en ARN pour ensuite générer des protéines via les ribosomes et les acides aminés) ou la réplication (lors de la multiplication des cellules). Les brevets du doxorubicin étant expirés, son intégration dans un mécanisme de délivrance permet de renouveler la propriété intellectuelle autour. Enfin, le Validive, en phase II, est une tablette de prévention des mucosités orales de patients atteints du cancer du cou. La société créé en 1997 sous le nom BioAlliance Pharma est basée à Paris a été introduite en bourse en 2005. 20 ans et toujours pas de produit commercialisé! Quel concours de patience. Heureusement, lorsque les produits arrivent en phase III, ils servent tout de même à traiter des patients de groupes tests.
Olivier Ezratty est consultant et auteur. Il conseille les entreprises pour l’élaboration de leurs stratégies d’innovation, et en particulier dans le secteur des objets connectés et l’intelligence artificielle. Très actif dans l’écosystème des startups qu’il accompagne comme consultant, advisor, conférencier et auteur, il est apprécié pour les articles fouillés de son blog Opinions Libres dans des domaines très divers. Il y publie le « Guide des Startups » ainsi que le « Rapport du CES de Las Vegas » chaque année depuis 2006. Olivier est expert pour FrenchWeb qui reprend de temps à autres la publication des articles de son blog.
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