Stop au bullshit générationnel !
A chaque fois qu’on pense que le sujet est enfin passé de mode, il revient comme un boomerang, encore plus sûrement que les hirondelles reviennent avec le printemps. Je parle bien sûr des fameuses «nouvelles générations» qui vont révolutionner l’entreprise, transformer sa culture, insuffler leur culture intrapreneuriale et nous écœurer avec des comportements inacceptables.
Je m’étais déjà fendu d’un billet en me demandant à qui le crime profitait ou, autrement dit, qui on essayait de convaincre que le fossé était si large et la rupture si douloureuse, et j'avais exhumé un certain nombre d’études qui battaient en brèche le discours officiel sur le sujet.
Les nouvelles générations ne sont pas si différentes
La Harvard Business Review en remettait une couche dernièrement. Que veulent les «millenials» dans l’entreprise ? Exactement la même chose que les autres, n’en déplaise aux marchands de peur. Encore un autre exemple ici pour finir de tuer le mythe.
Oui, les Y ou les millenials sont différents de leurs aînés mais cela a toujours été vrai de génération en génération sans qu’on en fasse un plat à chaque fois. Et encore, je mettrais deux bémols tirés de ma propre expérience du sujet confirmée par nombre de praticiens:
- Oui, ils sont différents hors de l’entreprise mais tendent à rapidement rentrer dans le rang au travail. Trop même.
- Leurs aînés avaient les mêmes attentes. Ce qui change, c'est que les plus jeunes ont décidé de les exprimer et de ne pas en faire le deuil. Ce qui a changé entre temps ? Le deal, qui consistait à s’asseoir sur ses aspirations contre la promesse d’une carrière linéaire, ne fonctionne plus. Et si l’entreprise ne peut faire cette promesse (et qu’en plus, plus personne n’y croit), le collaborateur n’a plus aucune raison de se retenir.
Si ce n’était qu’une question de concept, ce ne serait pas grave. Mais le mal devient plus profond lorsqu’à force de discours, on finit par créer des tensions qui n’ont pas lieu d’être et ancrer un certain nombre d’a priori dans les esprits. Au final, l’incompréhension s’installe et tout le monde y perd :
- Le «jeune» qui se dit que de toute manière il ne sera pas le bienvenu dans l’organisation, que l’entreprise n’est pas faite pour lui. Ou, à l’inverse, celui qui se dit qu’on a fabriqué une image de lui qui ne lui correspond pas et qu’on a une fausse idée de lui avant même qu’il ait mis un pied dans l’entreprise.
- Le collaborateur «installé» et le manager qui attendent de pied ferme ce barbare qu’il va falloir dompter et mettre au pas.
Le discours anxiogène sur les jeunes crée des tensions inutiles dans l’entreprise
On finit par arriver à un point où le discours génère plus de tensions qu’il ne permet de résoudre de problèmes et c’est fortement regrettable, car lorsqu’on prend un peu de recul, on se rend compte que ceux qui parlent le plus du «péril jeune» sur un ton anxiogène ne sont pas ceux qui vivent avec mais ceux qui en vivent.
Arrêtons donc de jeter, selon l’envie du moment, la pierre aux Y qui sont ingérables, aux boomers qui bloquent tout, aux X qui, pris en tenaille entre les deux, sont des bouc-émissaires faciles, et travaillons davantage les compétences en termes de management intergénérationnel. Elles ne sont pas, elles, un effet de mode mais un vrai besoin qui existe depuis la nuit des temps et qui a toujours été négligé dans les programmes de formation.
Article initialement publié sur Bloc-notes, le blog de Bertrand Duperrin.
Bertrand Duperrin est Digital Transformation Practice Leader chez Emakina. Il a été précédemment directeur conseil chez Nextmodernity, un cabinet dans le domaine de la transformation des entreprises et du management au travers du social business et de l’utilisation des technologies sociales.
Il traite régulièrement de l’actualité social media sur son blog.
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Et l’humain créa Internet. Un monde décentralisé qui fonctionne en quasi autonomie et que les jeunes se sont très vite appropriés et dont ils se sont largement inspirés pour évoluer dans leur environnement. De l’autre des sociétés à la structure hiérarchique pyramidale, qui proposent encore des process et des méthodes de management adaptés à un monde compliqué alors que nous évoluons désormais dans un monde complexe (cette notion est très importante à comprendre). Je pense que le véritable fossé entre les générations se situe là et empêche nos organisations d’avancer et de prospérer pleinement. Qu’en pensez-vous?