Tom Siebel : L’entrepreneur visionnaire qui explore l’avenir de l’IA entre promesses et périls
Dans la pénombre d’un monde en mutation
Paris, décembre 2024. Dans une salle de conférence feutrée de l’OCDE, les rideaux légèrement tirés tamisent une lumière hivernale. Les sièges, alignés, accueillent des experts venus du monde entier pour débattre de l’avenir de l’économie numérique. À la tribune de la Conférence de Paris (Forum économique international des Amériques), Tom Siebel, fondateur de C3.ai, est assis, ajustant son costume sobre. Son regard perçant balaie l’audience. Lorsqu’il prend la parole, ses mots sont précis, porteurs d’une vision à la fois passionnante et incisive.
« Nous vivons un moment charnière », annonce-t-il d’un ton clair. « L’intelligence artificielle est en train de redéfinir nos sociétés, nos économies et même nos identités. Mais les promesses qu’elle porte s’accompagnent de responsabilités que nous ne pouvons ignorer. »
L’architecte d’une transformation numérique
Tom Siebel n’est pas un nouveau venu dans la révolution numérique. Avec une carrière débutée chez Oracle dans les années 1980, il a marqué l’histoire en fondant Siebel Systems, une entreprise pionnière dans la gestion de la relation client (CRM). En 2006, lorsque Siebel Systems a été rachetée par Oracle pour près de 6 milliards de dollars, Siebel aurait pu se contenter de savourer sa réussite. Mais l’entrepreneur voyait déjà au-delà.
En 2009, il crée C3.ai, convaincu que l’intelligence artificielle d’entreprise deviendrait une pierre angulaire de l’économie. La société investit trois milliards de dollars dans le développement d’une plateforme conçue pour gérer des applications IA à grande échelle. Aujourd’hui, ses solutions sont utilisées par des géants, tels que Shell, l’US Air Force, et d’autres organisations emblématiques. « Nos applications optimisent les chaînes d’approvisionnement, prédisent la demande et réduisent les coûts énergétiques, tout en améliorant l’expérience utilisateur », explique-t-il.
L’IA générative : un bouleversement majeur
Mais c’est l’émergence de l’IA générative qui cristallise l’attention de Siebel. Contrairement à l’IA traditionnelle, qui analyse des données pour des prédictions spécifiques, l’IA générative peut créer du contenu — des textes, des images, et bientôt bien plus. « Ces modèles représentent une révolution dans la manière dont nous interagissons avec la technologie », affirme-t-il.
Siebel prédit que l’interface homme-machine, jusqu’ici limitée par des systèmes complexes et souvent frustrants, sera radicalement simplifiée. « Imaginez un futur où toutes vos interactions numériques passent par une ligne de commande alimentée par l’IA, capable de comprendre et d’exécuter vos besoins en langage naturel. Fini les interfaces incompréhensibles d’acteurs du CRM et des ERP. »
Derrière l’enthousiasme, un avertissement
Pourtant, cet optimisme s’accompagne d’une mise en garde. Selon Siebel, les attentes autour de l’IA générative sont souvent démesurées. « Ces modèles, bien qu’impressionnants, restent limités, insiste-t-il. Nous ne savons même pas exactement comment ils fonctionnent. Réguler leur usage comme on régule d’autres technologies est une illusion. »
Il évoque aussi la bulle économique qui s’est formée autour de l’IA. « Absolument, il y a une bulle, et elle est gigantesque. Certaines entreprises sont surévaluées à un niveau absurde, comme OpenAI, estimée à 157 milliards de dollars. Si elle disparaissait demain, rien ne changerait réellement dans le monde. Cela montre à quel point le marché surestime ces technologies. »
La médecine : la vraie révolution de l’IA
Malgré les excès, Siebel croit en l’impact positif de l’IA, notamment dans la santé. « La médecine de précision sera l’application la plus transformative de l’IA », déclare-t-il avec enthousiasme. Grâce à des technologies capables d’analyser des génomes et de prédire les maladies avant qu’elles ne se manifestent, des millions de vies pourraient être sauvées.
« Imaginez un monde où nous pouvons diagnostiquer un cancer ou une maladie cardiaque avant qu’ils n’apparaissent et prendre des mesures préventives. Ou encore, fournir des soins personnalisés dans des régions du monde jusque-là négligées. C’est cela l’avenir que l’IA peut rendre possible. »
L’Europe face à ses choix
Lorsqu’il évoque l’Europe, Siebel adopte un ton plus critique. Il considère que des réglementations comme l’IA Act risquent d’entraver l’innovation. « Ces régulations augmentent tellement le coût de conformité qu’elles excluent les startups et les petites entreprises. Seuls les géants comme Google ou Microsoft peuvent suivre. Cela garantit que l’Europe reste en marge de la course mondiale à l’IA. »
Un regard tourné vers l’avenir
Alors que la lumière diminue dans la salle, Siebel conclut avec cette note qui donne à réfléchir : « L’intelligence artificielle est l’outil le plus puissant que nous ayons jamais créé. Mais avec ce pouvoir vient une responsabilité immense. Si nous voulons qu’elle serve le bien commun, nous devons être proactifs, innover avec prudence et anticiper ses impacts sociétaux. »
Pour les professionnels de la tech, le message est clair : l’IA n’est pas une mode passagère. Elle redessine les contours de notre monde, offrant des opportunités sans précédent tout en posant des défis colossaux.
« L’avenir de l’IA ne se limite pas à ce que nous pouvons imaginer aujourd’hui, conclut-il. Il repose sur ce que nous déciderons d’en faire demain. »