Transition numérique: la BEI alerte sur le manque de financement dans les entreprises européennes
AFP
« Partie intégrante de la survie des entreprises » depuis la pandémie, la transition numérique de certaines entreprises européennes est trop lente et menace l’Europe de décrochage par rapport aux États-Unis, alerte jeudi la Banque européenne d’investissement (BEI). Faute d’investissements dans la numérisation, « certaines firmes européennes risquent de rester au bord du chemin », avertit la banque dans son rapport.
Aux États-Unis, près de six entreprises sur dix (58%) ont mis à profit la crise sanitaire pour accélérer leur transition numérique, contre seulement 46% des sociétés européennes, relève la BEI, qui a sondé 13 500 firmes européennes et américaines entre avril et juillet 2021.
En Europe centrale et de l’Est, ainsi qu’en France, le pourcentage tombe même à 37%, contre 48% dans l’ouest et le nord du Vieux Continent. Sur les technologies avancées comme l’impression 3D ou la réalité virtuelle, les entreprises américaines ont également un coup d’avance: deux tiers d’entre elles y recourent dans leur activité, contre 61% des firmes européennes.
De nombreux facteurs
« En matière de numérisation, l’écart général entre l’UE et les États-Unis s’explique d’abord par la plus forte prépondérance des petites entreprises dans l’économie européenne« , est-il indiqué dans le rapport. Par rapport aux grands groupes, « les petites entreprises sont moins susceptibles d’adopter des technologies numériques », complète la cheffe économiste de la BEI, Debora Revoltella. Un décalage qui s’explique par « plusieurs facteurs », comme « la difficulté à trouver du personnel qualifié et à financer la transition », détaille Désirée Rückert, économiste à la BEI.
« En outre, les petites entreprises sont en moyenne plus numérisées aux États-Unis« , ajoute la banque basée à Luxembourg. Un avantage non négligeable, au vu des nombreux bénéfices de la numérisation mis en avant dans le rapport. « Les firmes qui se sont emparées des technologies numériques ont mieux su gérer les perturbations créées par la pandémie » de Covid-19, selon la BEI. Depuis le début de la crise sanitaire, leurs ventes ont aussi moins reculé que celles des entreprises moins engagées dans la transition numérique. Enfin, les dirigeants des entreprises les plus avancées dans la numérisation se montrent comparativement plus optimistes sur leurs perspectives à un an.
En plus d’agiter les carottes de la numérisation, la BEI brandit également le bâton: le retard de certaines entreprises « présente des risques pour le marché du travail ». « En Europe, 31% des salariés sont liés à des firmes qui n’investissent pas dans la sphère numérique » (22% aux États-Unis), assure-t-elle. Or, parmi ces entreprises rétives à la transition numérique, les firmes qui ont réduit leurs effectifs après la pandémie sont plus nombreuses que celles qui les ont augmentés.
« Fracture numérique »
Pour tenter d’expliquer le retard numérique de certaines entreprises, la BEI identifie plusieurs freins. Près d’une firme européenne sur six juge, par exemple que l’accès défaillant aux infrastructures numériques est un « obstacle majeur » dans son processus de numérisation. Par ailleurs, « de nombreuses sociétés s’attendent à ce que la robotisation mène » à des destructions de postes, une crainte « particulièrement avérée dans les entreprises d’Europe centrale et de l’Est ». Entre les champions du numérique finlandais ou maltais et ces entreprises hésitantes, « l’Europe connaît une fracture numérique grandissante », met donc en garde la BEI.
Et cette fracture pourrait s’aggraver dans les prochaines années, à en juger par les priorités d’investissement divergentes des entreprises européennes sur les trois ans à venir. Les plus avancées dans la transition numérique disent vouloir développer leur activité, là où les moins engagées se concentrent sur le simple renouvellement de leurs outils de production. Pour aider ces dernières à rattraper leur retard, la BEI propose notamment un soutien financier ciblé aux PME. « Nous sommes préoccupés par les PME, l’économie européenne est largement fondée sur leur dynamisme », insiste Christoph Weiss, économiste de la BEI. « Nous devons trouver le bon instrument politique » pour accélérer leur transition numérique, conclut-il.
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