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Travail dissimulé: la plateforme de livraison Stuart relaxée

Par Antoine GUY / AFP

Neuf mois après la condamnation de Deliveroo pour travail dissimulé à l’issue d’un procès retentissant, le tribunal de Paris a relaxé jeudi Suart et Resto In, deux autres plateformes de livraison accusées de faits similaires, faute de preuves.

Oui, il y a bien eu des « déclarations de livreurs se plaignant de déconnexions ou de pertes de bonus » non justifiées. Oui encore, le dossier comprend des échanges de courriels entre cadres de Stuart « souhaitant encadrer l’activité des livreurs ».

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Mais, selon le tribunal, les éléments portés à sa connaissance sont « insuffisants pour acquérir la conviction qu’une relation de salariat unissait les livreurs aux plateformes ».

Cette décision très attendue prend le contre-pied complet du procès Deliveroo, dont le jugement rendu en avril dernier avait condamné la société britannique à 375.000 euros d’amende – le maximum – et deux de ses anciens dirigeants à un an de prison avec sursis et 30.000 euros d’amende.

Cette fois-ci, Stuart, une start-up fondée en 2015, rachetée par La Poste en 2017 et aujourd’hui présente dans 125 villes et six pays, n’écope que d’une condamnation mineure de 50.000 euros d’amende avec sursis pour prêt de main-d’œuvre illicite.

Son fondateur, Benjamin Chemla, a été relaxé des chefs de travail dissimulé, mais a écopé de 10.000 euros d’amende avec sursis, là encore pour prêt de main-d’œuvre illicite. Resto In, spécialisé dans la livraison de repas et aujourd’hui disparu, a été relaxé de l’ensemble des faits, tout comme son fondateur Clément Benoit.

 

– « Pas de contrôle excessif » –

 

Tous les éléments à charge apportés par les parties civiles ont été rejetés par le tribunal.

« L’incitation à adopter un comportement respectueux du client et une tenue correcte » ne constitue pas une preuve de subordination constitutive du salariat, a par exemple estimé le tribunal.

Même chose pour « l’interdiction de prendre le métro et l’obligation d’avoir un téléphone chargé » pour effectuer les livraisons, des impératifs « nécessaires au fonctionnement de la plateforme ».

D’après le tribunal, il n’y avait « pas de contrôle excessif sur le respect de ces règles, de même qu’il n’y avait pas de contrôle du port d’une tenue spécifique ».

Lors du procès en septembre, la juridiction s’était notamment penchée sur un mode de travail propre à Stuart, appelé « shift ». Ce dernier permet aux livreurs de s’inscrire sur un planning et de bénéficier ainsi d’un versement minimum de 9 euros de l’heure à condition de rester connecté pendant toute la durée du créneau, d’accepter au moins deux tiers des courses et de ne pas s’éloigner de la zone géographique désignée.

Une sorte de salariat déguisé selon les parties civiles.

A contrario, le mode « free » permet en théorie de refuser n’importe quelle course et de se connecter ou déconnecter quand on veut. Stuart était accusé de favoriser les livreurs travaillant en mode « shift », rendant le mode « free » peu viable pour ceux qui le privilégiaient.

« Il n’est pas établi que le mode +free+ n’était pas économiquement soutenable et que les livreurs étaient contraints d’utiliser le mode +shift+ », a indiqué le tribunal.

 

– Demande d’instruction –

 

L’avocat de Stuart, Me Rémi Lorrain, s’est félicité de la décision du tribunal. « Stuart a toujours eu à cœur de déployer un modèle en conformité avec la législation », a-t-il dit.

En face, Me Kévin Mention, qui représentait trois livreurs ainsi que des syndicats (fédération SUD-Commerce, CNT-SO), a déploré les faibles moyens d’enquête et l’audition de seulement huit livreurs, alors qu’il y avait « des milliers de personnes concernées ».

« Dans les dizaines de dossiers qu’on a aux prud’hommes, on a des centaines de preuves qui montrent la subordination », a insisté Me Mention. « Le contrôle est permanent chez Stuart (…) avec des e-mails où le coursier se fait virer car il n’a pas suivi le bon itinéraire », a-t-il poursuivi.

« Ce qu’il nous faut maintenant, c’est une instruction », a souhaité Me Mention pour qui « l’affaire Stuart ne s’arrête pas là ».

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