
Trump, le talon d’Achille d’Elon Musk
HARD RESET : la chronique qui ne résout rien, mais tente quand même.
Par son alignement avec Donald Trump, Elon Musk pensait consolider sa puissance à Washington. Il risque aujourd’hui d’y perdre son envergure mondiale. Ce qui relevait hier d’une stratégie d’influence s’apparente de plus en plus à un handicap structurel notamment pour Tesla et SpaceX. Trump n’est plus un levier. Il est devenu un risque.
Depuis sa nomination à la tête du Département de l’efficacité gouvernementale (DOGE), Musk concentre un pouvoir inédit. Il supervise des agences qui régulent ses propres entreprises, comme le CFPB, qui avait enquêté sur Tesla. Dans un brouillage inédit des rôles, Elon Musk est tour à tour dirigeant privé, régulateur public et fournisseur de l’État. Ce croisement d’intérêts aurait déjà fait scandale dans n’importe quelle démocratie libérale. Aux États-Unis, il alimente la stratégie médiatique du duo présidentiel.
Le point de bascule ? Une conférence de presse surréaliste à la Maison-Blanche, début mars, transformée en concession Tesla à ciel ouvert. Donald Trump s’engage à “acheter des Tesla”, en posant au volant d’une Model S rouge, alors que le titre venait de perdre 15 % à Wall Street. L’opération a marqué la fusion symbolique entre la marque et le pouvoir. Et acté, pour l’opinion comme pour les marchés, que Tesla n’était plus une entreprise : c’était un signal politique.
Les conséquences sont immédiates. Tesla devient une cible. Voitures incendiées à Toulouse et à Berlin, bornes vandalisées, manifestations aux États-Unis. Certains propriétaires collent désormais sur leur véhicule des messages de désolidarisation. En février, les ventes ont chuté de 76 % en Allemagne et de 26 % en France. Le titre a perdu 35 % depuis janvier. En parallèle, Elon Musk et Donald Trump multiplient les signaux de convergence idéologique, creusant la fracture avec une clientèle historiquement attachée aux valeurs de la transition et de l’innovation ouverte.
Même alerte côté SpaceX. Fournisseur officiel d’internet à la Maison-Blanche via Starlink, bénéficiaire de plus de 3,5 milliards de dollars de contrats publics, Musk capitalise sur sa proximité avec l’exécutif. Mais cette proximité devient un repoussoir ailleurs. L’Ontario a annulé un contrat de 100 millions de dollars. L’Italie bloque une négociation de 1,5 milliard. La Pologne menace de se désengager. Et l’Afrique du Sud, pays natal de Musk, temporise sur l’entrée de Starlink après ses propos polémiques sur les lois de discrimination positive.
L’alliance Trump–Musk a offert un accès sans précédent au pouvoir fédéral. Mais elle prive Musk de la neutralité indispensable à une entreprise à vocation mondiale. Elle transforme Starlink, outil stratégique de connectivité, en relais diplomatique. Elle fait de Tesla un produit identitaire, clivant, rejeté bien au-delà des États-Unis. Musk ne vend plus des technologies : il vend une vision politique. Et le marché global lui en tient rigueur.
Le paradoxe est là : en renforçant son emprise sur les institutions américaines, Musk mine sa crédibilité internationale. Il sécurise ses contrats mais affaiblit sa marque. Il étend son influence, mais perd son image. Il incarne, seul, un empire dont il devient aussi le facteur de vulnérabilité.
Elon Musk croyait avoir trouvé en Donald Trump un allié tactique. Peut être a t il trouvé son point de rupture.