Bertrand DuperrinLes ExpertsMOBILITY

Uber doit-il acheter les voitures autonomes de Tesla?

Je partage totalement l’avis de Bill Gates : la petite guéguerre entre Uber et les taxis n’est qu’une péripétie provisoire. Le vrai, gros, changement sera pour quand les voitures pourront se passer de chauffeur. Ce jour-là les deux parties repartiront dos à dos et la tête passe car les deux seront hors jeu. Quand je parle des deux parties, je ne parle pas de Uber et des chauffeurs de taxis, mais des chauffeurs de taxi et des chauffeurs de VTC.

Uber, lui ne sera pas impacté car comme je le disais ici ça n’est pas une entreprise de transport mais une plateforme. On peut remplacer les taxis par n’importe quoi, il continuera à faire de l’intermédiation. Et ce n’importe quoi sera bien sur la voiture autonome. Ajoutons également que les compagnies de taxis y verront un bon moyen de finir leur mutation : en se séparant elles aussi des chauffeurs elles pourront se battre à armes égales sans avoir à subir leur passif humain.

A la fin c’est les chauffeurs qui perdent et Uber qui gagne

Et comme il fallait s’y attendre la réflexion est déjà en cours puisque Uber-wants-buy-Tesla-s-self-driving-cars-rumours-suggest.html » target= »_blank »>Uber a promis à Tesla de lui acheter la totalité de la production de sa future voiture autonome. Sans crier au génie, puisque c’est un mouvement relativement logique et attendu, on peut se dire qu’Uber va encore passer à la vitesse supérieure. Ou se dire qu’il s’agira peut-être d’une énorme bêtise de la start-up californienne que les investisseurs risquent de moins apprécier que les clients.

Qu’est-ce qui fait la force d’Uber : sa capacité à opérer avec des coûts fixes faibles, un gros effet de levier (la plateforme), des coûts d’opération variabilisés (on ne paie les chauffeurs que quand ils travaillent). Cela permet trois choses :

  • Uber ne dépense que quand Uber gagne de l’argent. Quand il n’y a pas de client l’entreprise est quasiment en hibernation d’un point de vue financier.
  • Uber peut dimensionner son activité en temps réel
  • Uber peut augmenter sa flotte et attaquer d’autres marchés (villes) pour un coût marginal quasi nul.

 

Et en achetant des voitures Uber introduit une branche dans son modèle bien huilé : des coûts fixes. Je dirais même plus des coûts fixes très élevés. Alors bien sûr la voiture autonome a un avantage sur le chauffeur : la seule limite à sa durée de travail est la durée de sa batterie, mais cela reste une évolution fondamentale du business model de Uber.

Personne n’investit dans une start-up techno pour se retrouver avec un opérateur de flotte automobile

Les conséquences financières seront énormes puisqu’il faudra bien sûr acheter et entretenir les véhicules. La forte profitabilité permise par le modèle actuel risque donc de n’être bientôt que le l’histoire ancienne. En plus cela risque de mettre en péril la capacité à croitre rapidement et signifie clairement la fin du modèle à «cout marginal zéro».

Vraiment pas sûr que les investisseurs apprécient. Quand on investit dans une start-up techno avec une stratégie «asset light» ça n’est pas pour se retrouver avec un opérateur de flotte automobile (propriétaire qui plus est) sur les bras.

Alors bien sur Uber a différentes manières de minimiser le choc :

  • déjà je ne pense pas qu’une politique 100% voiture autonome soit réaliste à moyen terme. Ne serait-ce que pour des contraintes de production et pour garder la possibilité d’augmenter les capacités si besoin. Mais la gestion d’un modèle dual (voitures et chauffeurs) ne sera pas une mince affaire
  • trouver accord financier « malin » avec Tesla. On peut envisager quelque chose de classique comme une forme de location avec option d’achat qui fait que Uber ne sera jamais propriétaire de sa flotte, ce qui serait un moindre mal, mais, encore plus malin serait une location avec facturation à l’usage qui permettrait à Uber de rester dans les clous de son ancien modèle.

 

On verra bien de quoi demain sera fait, mais une chose est certaine : de mon point de vue une telle opération entrainerait irrémédiablement la mort du business model actuel de Uber sans aucune garantie que le nouveau soit aussi profitable. Sauf à dire aux investisseurs « c’est comme ça et c’est tout ». Chiche ?

BeCapture d’écran 2015-01-07 à 16.48.12rtrand Duperrin est Digital Transformation Practice Leader chez Emakina. Il a été précédemment directeur conseil chez Nextmodernity, un cabinet dans le domaine de la transformation des entreprises et du management au travers du social business et de l’utilisation des technologies sociales.

Il traite régulièrement de l’actualité social media sur son blog.

 

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Un commentaire

  1. Bonjour,

    la réflexion est intéressante. Et je voudrais la prolonger, si Uber achète ses voitures électriques autonomes, peut-on imaginer qu’Airbnb achète ses propres logements à Paris ou New-York. Airbnb pourrait quasiment avoir 100% de taux de remplissage (avec les mêmes caractéristiques que Uber, force de la plateforme) avec un actif qui s’apprécie ou qui du moins ne perd pas de valeur contrairement à une voiture. Airbnb connaît tellement bien ses clients que l’entreprise pourrait proposer l’expérience optimale avec une foule de services payants que l’on pourrait ajouter. Ça pourrait être un smart move, sur une petite échelle, 15-20 logements sur quelques villes bien ciblées. Enfin, j’imagine qu’Uber comme Airbnb comme blablacar doivent avoir comme poste budgétaire important les frais de transactions ( prélèvement & redistribution de l’argent), pourquoi ces entreprises ne proposent-elles pas des transactions en bitcoin? Est-ce pour des raisons structurelles ( entreprises pas encore convaincues par la technologie btc) ou bien prudence car ces entreprises veulent se mettre bien avec les pouvoirs publics qui pourraient voir le mouvement vers le btc comme une provocation…

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