Uber: les chauffeurs divisés sur le référendum qui déterminera leur statut
AFP
« Si vous êtes un chauffeur, vous n’êtes rien pour Uber », fulmine Karim Benkanoun. Il fait partie des conducteurs californiens qui voudraient être reconnus comme des employés, et non des travailleurs indépendants, et votera « non » le 3 novembre, contre le compromis avancé par le géant de la réservation de voitures avec chauffeur (VTC). « Ils nous considèrent comme des entrepreneurs, mais on n’a pas notre mot à dire sur le contrat », explique-t-il. « Ils sont maîtres de la relation, ils décident de tout pour nous ». Le 3 novembre, jour des élections aux Etats-Unis, les citoyens californiens sont également appelés à se prononcer sur la « Proposition 22 », formulée par Uber et Lyft, son concurrent américain, pour préserver leur modèle économique.
Ces groupes refusent d’appliquer la loi de l’Etat, entrée en vigueur en janvier, qui leur impose de requalifier leurs dizaines de milliers de chauffeurs en salariés, et donc de leur accorder des avantages sociaux (assurances maladie et chômage, congés payés, heures supplémentaires, etc). Une telle transformation représenterait un investissement considérable pour les leaders de la « gig economy » (économie à la tâche), qui n’ont jamais réussi à dégager de profit. A la place, ils proposent des compensations: un revenu minimum garanti, une contribution à une assurance santé et d’autres assurances, en fonction du nombre d’heures travaillées par semaine.
Promesses ou intimidations?
« C’est leur grand mot, la flexibilité ! », s’agace Sharkee au volant de son monospace, derrière la bâche transparente qu’il a fixée avec de l’adhésif entre les sièges. Ce chauffeur conduit pour Uber depuis cinq ans, à San Francisco. Il se sent acculé par l’entreprise, dont les promesses résonnent pour lui comme des intimidations. « Ils menacent de tout arrêter ou de limiter nos heures. Mais moi je veux bien être employé, avoir des congés payés et ne plus bosser 15 heures par jour ! »
Sergei Fyodorov, au contraire, tient à la possibilité de travailler quand il le souhaite, c’est-à-dire principalement le week-end, quand il va voir sa famille à une heure de son domicile. Ce manager dans une entreprise technologique conduit parce qu’il aime « rencontrer des gens » et aussi pour gagner des revenus complémentaires, notamment entre deux postes. « C’était l’idée, à la base : se faire des revenus complémentaires », insiste-t-il. « Si vous arrivez à en vivre, tant mieux, (…) mais pour moi c’est surtout pratique pendant les études ou le chômage ».
Selon Lyft, 86% de ses chauffeurs californiens conduisent moins de 20 heures par semaine et veulent garder le contrôle de leur emploi du temps, parce qu’ils sont étudiants, retraités ou ont un autre emploi. « Des centaines de milliers d’emplois disparaîtraient » si la Proposition 22 était rejetée, affirme Geoff Vetter, porte-parole de la campagne pour le « oui ». « Même si ces services semblent omniprésents dans nos vies, ils n’ont même pas dix ans ».
Des revenus en baisse
« Ils veulent défaire des décennies de loi sur le travail pour lesquelles nous nous sommes battus », s’indigne Erica Mighetto, en brandissant une pancarte « Non à la Proposition 22 » non loin de l’aéroport d’Oakland, avec d’autres militants du groupe « Rideshare Drivers United ». Il y a quatre ans, elle a commencé à prendre des passagers. Habitante de Sacramento, elle venait travailler sur des week-ends de quatre jours dans la baie de San Francisco, dormant dans sa voiture. « Pour 40 dollars bruts de l’heure, il me semblait que ça valait la peine », se souvient-elle. « Mais avant la pandémie ce n’était plus que 20 dollars ».
La plupart des chauffeurs de la région ont vu leurs revenus diminuer au fur et à mesure qu’un nombre croissant de conducteurs rejoignait la plateforme. Si la Proposition 22 l’emporte, les chauffeurs gagneront entre 25 et 28 dollars de l’heure, après les dépenses, d’après une étude de l’université UC Riverside financée par Lyft. Mais il y a un an, deux chercheurs de l’université de Berkeley avaient déterminé que le revenu minimum garanti par les deux entreprises ne serait que de 5,64 dollars de l’heure, après « considération de nombreux éléments » non pris en compte, selon eux, comme le temps d’attente ou l’usure du véhicule.
« Uber, ça marche parce que c’est bon marché et rapide », argumente Kurt Nelson, ingénieur chez Uber, dans une tribune publiée sur le média TechCrunch, appelant à voter « non ». « Mais cela ne fonctionne que grâce aux innombrables conducteurs qui attendent la prochaine course, complètement non payés. Les travailleurs subventionnent le produit avec leur travail gratuit ».
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