Urssaf: le sniper du numérique
Nous pensions que la France était devenue le paradis du numérique, encensée par les grands patrons américains, même si il n’y investissent quasiment pas, par diverses études qui prouveraient que nous ne serions pas si en retard que nous le pensions et des journalistes en mal d’information qui nous vantent nos 2 ou 3 licornes, dont la dimension menacerait la suprématie américaine. Bref, sous un vernis d’illusionniste nous pensions que le numérique couvait au chaud. Grave erreur, l’administration et le politique guettent.
A l’affût de tout ce qu’ils ne comprennent pas, chacun s’est embusqué dans les endroits les plus insoupçonnables, prêts à tirer sur le soldat Ryan Numérique. Amendements Airbnb, référence au syndicalisme pour les VTC et maintenant l’Urssaf qui attaque Uber. Le message semble être clair : si vous voulez imposer un nouveau modèle, allez le faire en dehors de France.
On pourrait penser qu’un pays dont 57% du PIB est fait par la puissance publique, c’est à dire par nos impôts recyclés, et qui a 5,5 millions de fonctionnaires et 500 000 élus, aurait la décence de nous offrir, en échange de ce calvaire, une once de réflexion. Mais non ! Ce serait trop demander. On interdit avant de réfléchir et on castre préventivement avant ce qu’ils considèrent comme un viol de la société. L’URSSAF contre UBER, l’amendement contre AIRBNB, la petite disposition placée à la dernière minute, sans concertation, dans la Loi El Khomri, sur la représentation syndicale, voilà autant de snipers qui tirent à vue sur le développement du numérique en France. Accusé de pouvoir créer des emplois, en lieu et place du politique, l’outrecuidant en profiterait en plus, pour mettre à mal un système social qui marche si bien, comme le constate les millions de chômeurs que compte notre pays. Il serait tellement dommage de réformer une législation qui gagne !
L'absence de réfléxion
En aucun cas, il ne faut dire oui à tout ce qui porte le beau manteau du numérique. Ce « béni-ouiouisme », qu’il faut laisser au extrémistes du digital, n’est pas plus reluisant que le conservatisme et l’aveuglement des nos élites. Il ne s’agit en aucun cas, de dire oui à tout, et de ne pas se poser des questions sur les dérives potentielles, que porte en lui ce nouveau modèle économique. Mais justement, c’est l’absence de réflexion de part et d’autre, qui fait peur, dans un pays, qui a connu les « Lumières ». Pour le moment la lumière est éteinte, et côté cérébral, c’est au plus haut niveau, l’encéphalogramme plat ! Même pas un Macron pour prendre la défense de ce secteur qui est pourtant « en marche ».
Pour l'heure, aucun candidat, de droite comme de gauche, n’a prévu la moindre allusion au numérique dans son programme de 2017. La remise en cause de notre droit du travail ne signifie pas un retour à Zola, aux mines et leurs coups de grisous. Cela ne signifie pas la régression sociale. Cela signifie que la réalité change et que notre cadre juridique doit en tenir compte, non pour dire oui à tout, mais trouver un nouvel équilibre. Il ne s’agit pas de tout jeter mais de tout réinventer, autant au profit des salariés ou indépendants, qu’au profit des sociétés qui les emploient ou leur confie des services à rendre.
Que faut il faire ? Observer, en tirer des tendances et des conclusions, réfléchir et rédiger un cadre nouveau pour que prospèrent ces modèles numériques, sans paupériser et précariser les plus faibles. L’attitude des élus, gouvernement ou administration, qui consiste à vouloir faire entrer au forceps l’économie de demain dans les règles de celles d’hier, est consternante. Le fait que chacun tire depuis sa fenêtre est angoissant. Le fait que leurs décisions soient unilatérales et sans concertation est anti-démocratique.
Les modèles remis en cause
Il faut donc se poser les questions suivantes : Est ce que le salariat doit rester la solution unique, le cadre de référence ? Est ce l’on peut tolérer des modèles différents, ce qui est déjà le cas, et si oui à quelles conditions, si c’est la condition pour laisser prospérer les modèles liés au digital ? Doit-on créer un statut de l’actif, qui définisse le cadre de toute activité, avec un socle commun de valeurs, de droits et d’obligation et laisser toute liberté dans ce cadre ? Doit-on considérer que l’urgence est de faire entrer ou ré-entrer dans l’emploi des millions de personnes ou de rester fermes sur les règles de leur maintien et de travail dans l’entreprise ? Peut-on laisser des administrations comme l’Urssaf mener leur combat souvent idéologique, et totalement légaliste, dans un débat qui demanderait une réflexion d’en haut ? Le droit doit-il alors, provisoirement, l’emporter sur l’activité économique ?
Est ce à l’administration de décider de la solution à appliquer à un nouveau phénomène de société ? La remise en cause du statut des indépendants, que sont les VTC, tuera son modèle économique et les dizaine de milliers d’emplois que cette économie est en train de créer (dans plein d’autres domaines également). Le respect du droit mérite t-il le retour au chômage de ces personnes ? La doctrine actuelle semble préférer un chômage au contours certains, qu’un emploi aux règles plus floues. Nous n’avons pas encore la réponse à toutes ces questions, mais nous y travaillons. Ce n’est pas le cas de tout le monde, dans ces débats dogmatiques, sans imagination, où chacun s’accroche à ce qu’il connaît, refusant ainsi de laisser place à ce qu’il ne connaît pas, préférant interdire que soigner.
Denis Jacquet. Entrepreneur du Net depuis 2000, fondateur de Parrainer la Croissance, devenue en 4 ans la plus grande association au service des entrepreneurs avec 3 600 membres avec un objectif national de 5000 dans 2 ans.
Il a fondé le premier incubateur intergénérationnel, en France, qui met les seniors des grands groupes au service de la croissance des PME et start-up. Il a confondé l'Observatoire de l'Uberisation.
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Sérieusement, il existe un « observatoire de l’uberisation » ? Ça fait peur…
Et, dans un pays qui compte plusieurs millions de chomeurs, non, le salariat n’est hélas plus, et depuis longtemps, le cadre unique de référence.
« Le droit doit-il l’emporter sur l’activité économique ? » De manière générale et par-delà le sous-sujet concerné, ma réponse est positive. Sinon c’est le retour d’un lumpen prolétariat exploité par une caste dirigeante uniquement centrée sur le profit…