Venture Capital : Pierre Entremont (FRST) décrypte les nouvelles dynamiques du marché
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Le venture capital européen est en pleine mutation. En 2025, les startups doivent répondre à des exigences accrues en matière de rentabilité et de scalabilité, tandis que l’intelligence artificielle s’impose comme un critère d’investissement incontournable. Dans ce contexte, les fonds d’investissement doivent adapter leurs stratégies pour identifier et accompagner les futurs champions technologiques dès leurs débuts.
C’est précisément la mission de FRST Capital, un fonds spécialisé dans l’investissement Day One, cofondé par Pierre Entremont et Bruno Raillard. Leur approche repose sur un postulat clair : financer les entrepreneurs avant même l’immatriculation de leur entreprise, en misant sur des profils d’exception capables de bâtir les prochaines licornes européennes.
Pour en parler, Richard Menneveux reçoit, cette semaine, Pierre Entremont, cofondateur et General Partner de FRST Capital, dans le CLUB FRENCHWEB en partenariat avec CanalChat.
Depuis une décennie, FRST Capital, cofondé par Pierre Entremont et Bruno Raillard, s’est imposé comme un acteur clé du financement des startups françaises. Spécialisé dans les investissements de pré-amorçage, le fonds revendique une approche radicale : financer les entrepreneurs avant même que leur société ne soit immatriculée. Une stratégie qui repose sur un principe central : tout miser sur le fondateur.
Un modèle d’investissement axé sur l’humain
FRST se distingue par un processus d’investissement rapide, souvent en 48 heures, et une sélection rigoureuse des porteurs de projet. L’objectif n’est pas simplement de détecter des idées prometteuses, mais d’identifier des entrepreneurs dotés de trois qualités fondamentales : ambition, vision, exécution.
« L’ambition est une énergie brute, souvent liée à un moteur psychologique profond. La vision permet d’empiler des concepts complexes pour naviguer dans un marché en mouvement. Enfin, l’exécution démontre la capacité à concentrer ses efforts sur un objectif à long terme », explique Pierre Entremont.
Autre critère essentiel : l’insight unique. Pour FRST, un entrepreneur prêt à être financé doit posséder une compréhension intime d’une technologie de rupture et identifier un problème que cette technologie peut résoudre. Un point clé qui distingue les projets à fort potentiel de ceux qui peinent à trouver leur marché.
Une stratégie de financement centrée sur la croissance exponentielle
Contrairement aux idées reçues, le modèle des startups brûlant du cash pour accélérer leur croissance reste prédominant. « Une startup qui fait des profits trop tôt, c’est une entreprise qui ne sait pas investir pour grandir plus vite », affirme Pierre Entremont. L’objectif des investissements de FRST est de permettre aux startups de franchir des seuils de croissance significatifs, dans l’espoir d’atteindre une valorisation de plusieurs milliards d’euros.
Dans cette logique, le fonds préfère se concentrer sur un petit nombre d’investissements ultra-sélectifs. « Nous étudions environ 3 000 dossiers par an, filtrons 500 startups pour des entretiens, et investissons dans une dizaine d’entre elles. »
IA et Venture Capital : un passage obligé
L’intelligence artificielle est devenue un critère incontournable pour les fonds d’investissement. FRST ne fait pas exception. « On ne peut plus financer une startup sans une composante IA forte. Que ce soit dans le développement de modèles comme OpenAI ou dans leur application à des secteurs spécifiques, l’IA est aujourd’hui une condition sine qua non pour envisager une croissance rapide et durable », analyse Pierre Entremont.
Dans ce contexte, FRST a réalisé plusieurs investissements stratégiques, notamment dans Poolside, spécialisée dans la génération de code par IA, OWKIN, une startup de bio-IA, ou encore CommandAI, positionnée sur les applications de l’IA dans la défense.
Un marché européen encore en retard sur les États-Unis
Malgré des progrès notables, l’écosystème du venture capital en Europe reste en retrait par rapport aux États-Unis. « En Europe, les startups deviennent moins souvent des grands succès, et lorsqu’elles y parviennent, elles atteignent des tailles moindres que leurs homologues américaines », constate Pierre Entremont.
Plusieurs facteurs expliquent cet écart. Le tissu économique européen est moins digitalisé, avec moins de 10 % des PME françaises utilisant des outils SaaS, contre 60 % aux États-Unis. La présence trop forte du financement public biaise la stratégie des fonds et encourage des investissements dans des succès modérés. La culture du risque est également moins développée chez les entrepreneurs et les investisseurs.
Des opportunités sectorielles bien identifiées
Malgré ces défis, certains secteurs présentent un fort potentiel en Europe. La santé offre des opportunités majeures pour digitaliser les hôpitaux et révolutionner la gestion des soins. La finance, illustrée par le succès de Revolut, valorisée à 45 milliards d’euros, montre la capacité du marché européen à faire émerger des champions fintech. La défense est un secteur sous-financé où l’IA et la robotique offrent des perspectives majeures.
Un avenir sous contrainte réglementaire
L’impact des réglementations européennes est un sujet clivant. Pierre Entremont critique une approche trop précoce et rigide, en particulier sur le RGPD et l’AI Act. « L’Europe régule des technologies qu’elle ne comprend pas encore, ce qui risque de ralentir son écosystème », prévient-il. Malgré tout, il estime que la tendance pourrait s’inverser. Le rapport Draghi marque une prise de conscience du poids excessif de certaines normes, avec notamment une remise en question du reporting environnemental obligatoire pour les startups.