Vers la réalité filtrée ou diminuée ? par Bertrand Duperrin
Résumé : A l’inverse de notre environnement visuel qui peut gagné à être enrichi d’informations contextuelles, notre environnement de travail se caractérise par un trop plein d’information qui la rend difficilement utilisable. La question n’est pas tant celle d’un trop plein global mais d’un manque de pertinence à un moment donné pour une personne donnée qui donne l’impression du trop plein : l’utilisateur doit lutter contre un flux d’information non pertinent qui accapare son temps et son attention et, ensuite, se mettre en quête par lui-même de l’information pertinente. Plusieurs solutions sont envisageables pour remédier à cet état de fait : des outils permettant un filtrage aisé d’un flux d’information unifié, des “analytics” permettant de proposer des informations utiles au regard de l’historique et du contexte et enfin le rôle des “curators” peut être aussi importants que les community managers pour accompagner les salariés dans ce dédale d’information.
Beaucoup réfléchissent à ce que la réalité augmentée peut apporter à notre quotidien. Il est vrai que la représentation visuelle de notre environnement réel est encore une terre relativement vierge en termes d’apport informationnel des nouvelles technologies et que tout reste à faire dans ce domaine. Mais qu’en est-il d’un environnement visuel et informationnel autre, qui est celui de l’écran de nos ordinateurs (et aujourd’hui de nos tablettes et portables).
Vu que la quantité d’information générée croit de manière exponentielle, qu’en plus d’être stockée là où elle ne gêne personne (et où personne ne va la chercher) elle se déverse maintenant en flux, et bientôt dans des “activity streams”. Si toute cette information n’est pas utile à tous, une partie d’entre elle est vitale pour chacun et nous nous retrouvons devant ce qui ressemble de loin à un phénomène de surcharge informationnelle.
Entendons nous bien : il n’est pas question de dire qu’il y a trop d’information. La preuve, tout le monde continue à en chercher de se plaindre de l’inadéquation entre l’information reçue et l’information nécessaire. Quand nous parlons de surcharge ici, il s’agit d’un phénomène non pas global mais individuel et cela signifie qu’il ne s’agit pas de diminuer le volume d’information existant ou reçu mais de faire en sorte que l’essentiel de l’information reçue soit utile.
Cela permet de faire en sorte que le temps dédié à son traitement soit aussi utile que possible et qu’on minimise le temps passer à rechercher et identifier les sources et informations pertinentes. Partant du principe que notre capacité de traitement est limitée il s’agit d’un double enjeu quantitatif (ne pas recevoir plus que ce qu’on peut traiter) et qualitatif (ne pas avoir à traiter d’information inutile). C’est ce second aspect qui, a mon sens, est clé puisque si on surcharge les individus d’information c’est justement parce que faute de travailler sur la dimension qualitative on s’échine à augmenter la quantité histoire d’être sur que l’information utile soit vraiment dans la masse.
Bref, la réalité des flux d’information est telle, aujourd’hui, que son rapport signal/bruit catastrophique impose de rendre de rentre les choses plus claires, compréhensibles, traitables. Bref, une sorte de réalité diminuée, expurgée, filtrée…mais utile et utilisable.
Quels pourraient en être les piliers ?
• Le flux d’information unifié et filtrable. Un flux unique dont on peut manipuler chaque élément (répondre, faire suivre, partager etc…) sans quitter le flux mais, surtout, très aisément filtrable (par auteur, provenance, mots clé, projet et…). On commence à voir ce genre de choses arriver, mais trop peu semblent avoir pris conscience du caractère vital du problème.
• Les “analytics” qui peuvent suggérer en amont des sources (personnes, espaces…) et informations en fonction de notre historique mais également hiérarchiser notre flux en fonction de même historique (laisser des éléments longtemps “en haut”…). La différence entre la réalité augmenté dans notre environnement quotidien et la pénibilité due à l’accroissement de l’information disponible dans notre environnement de travail est la contextualisation : il faut que l’information proposée ait du sens et soit donc déterminée en fonction du contexte.
• Les “curators”. On a beaucoup parlé du community manager ces dernières années, et, comme le suggère cet article, il se pourrait bien que ce nouveau rôle émergeant puisse également être essentiel en servant de passeur ou de poisson pilote et aider ainsi ceux qui ont du mal à naviguer et tirer profit d’un environnement riche en information et possibilités de contact.
J’ai eu l’occasion de visiter les stands des Labs IBM lors du dernier Lotusphere en janvier et nombre de projets qui ont été exposés vont dans ce sens. Traiter des quantités croissantes de données, les organiser, les filtrer et les prioriser pour les afficher de la manière qui rend leur exploitation la plus efficace possible, optimiser l’usage fait de l’attention des collaborateurs sont véritablement des sujets clé. Analytics et éléments de business intelligence intégrés dans nos outils de communication quotidiens sont certainement la prochaine indispensable évolution de notre environnement de travail. Nul doute que, dans une logique de valeur ajoutée, le prochain champ de bataille se situe là, en tout cas pour ceux qui ont les compétences et les moyens d’y investir. D’ailleurs on voit ça et là quelques mouvements et acquisitions relativement lourds de sens.
Quoi qu’il en soit, tant que l’essentiel de la force de travail ne sera pas à l’aise avec une nouvelle approche personnelle du traitement de l’information, et même après car à un moment donné nous atteignons tous nos limites, il devient essentiel de ne plus seulement se focaliser sur la génération et le partage de l’information mais d’accorder la plus grande importance au fait de la rendre utilisable et supportable par les collaborateurs.
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A part chez IBM, y a t’il des solutions ou d’autres bribes de solutions ?
Chez nous, nous avons conçu un outil dont un des usages est de lutter contre l’infobésité pour le grand public. Les usagers ont l’air content, mais est-ce suffisant ? Notre process est entièrement automatique, mais est-ce que nous devrions l’ouvrir à du semi-automatique ? Je reste dubitatif sur l’avenir à long terme de la curation manuelle…