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YouTube et les annonceurs: chronique d’une relation compliquée

AFP

YouTube a tout pour séduire les annonceurs: 2 milliards d’utilisateurs actifs mensuels et des outils publicitaires sophistiqués pour les cibler. Mais la plateforme vidéo de Google est régulièrement mise en cause dans des scandales liés à la « brand safety », c’est-à-dire l’environnement dans lequel les publicités sont diffusées. En clair, les marques ne veulent pas apparaître à côté d’une vidéo qui fait l’apologie du terrorisme, par exemple. Retour sur les principaux dérapages.

2016 : colère des youtubeurs

« Je crois que je ne peux plus vous appeler ‘mes chers bâtards adorés’», se plaint le commentateur politique Philip DeFranco à ses 4,5 millions d’abonnés en août 2016. Le célèbre « youtubeur » vient alors de recevoir un message de la plateforme lui signifiant qu’une de ses vidéos avait été démonétisée parce qu’il employait des termes insultants. D’autres auteurs dans des situations similaires s’insurgent contre cette « censure ».

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Les youtubeurs les plus populaires, qui ont fait de leurs vidéos leur métier, vivent essentiellement des revenus publicitaires. Ils constatent que les algorithmes et changements de règles compliquent de plus en plus leur quête de rendement. Certains auteurs très connus comme le Suédois Felix Kjellberg, alias PewDiePie, menacent de quitter la plateforme.

2017 : perte de confiance 

En mars, le quotidien britannique The Times plonge Google dans l’embarras en révélant que des publicités de grands groupes ont été adossées à des contenus antisémites, dont une vidéo polémique de PewDiePie, incitant à la haine ou faisant l’apologie du terrorisme. Cette fois, ce sont les annonceurs qui menacent de partir.

Des grandes marques comme Procter & Gamble ou AT&T passent à l’acte. Le scandale révèle les faiblesses d’un système de vente d’espaces publicitaires automatisé, basé sur des algorithmes qui encouragent indirectement les contenus incendiaires. La confiance des annonceurs est ébranlée. Google adopte une batterie de mesures pour les aider à déterminer plus finement le type de contenus sur lesquels ils souhaitent voir leurs publicités apparaître.

2017 : commentaires déplacés 

En novembre, YouTube efface des dizaines de milliers de vidéos d’enfants qui s’accompagnaient de commentaires à caractère pédophile, pour tenter de rassurer des annonceurs inquiets, dont certains avaient décidé de retirer leurs pubs de la plateforme, comme le groupe informatique américain HP. « Nous avons des politiques claires contre les vidéos et les commentaires sur YouTube qui sexualisent ou exploitent les enfants et nous les appliquons de manière drastique quand nous sommes alertés », assure alors un porte-parole de YouTube. Google explique avoir investi pour mieux détecter les contenus douteux avec des outils d’intelligence artificielle et plus de moyens humains.

2018 : vidéo-suicide

Mais en janvier 2018, nouveau scandale: un acteur américain, vedette de la plateforme, déclenche l’ire des internautes en postant une vidéo montrant un homme qui s’était suicidé par pendaison, au Japon. Les images filmées par Logan Paul sont visionnées 6 millions de fois avant d’être retirées. YouTube renforce les règles d’accès et les contrôles de ses chaînes. Paul Muret, alors vice-président de Youtube, admet que 2017 a été « une année difficile avec plusieurs problèmes ayant affecté notre communauté et nos partenaires publicitaires ».

2019 : un « réseau de pédophiles »

En février 2019, un blogueur relate comment des usagers de YouTube utilisent les commentaires sous des vidéos d’enfants (des petites filles faisant de la gym, par exemple) pour identifier et se transmettre certains contenus. Ils parviennent ainsi à contourner les interdictions de YouTube concernant la pédo-pornographie et à créer de fait une sorte de « réseau » de pédophiles. Pour le blogueur, l’algorithme de la plateforme facilite ces agissements, en recommandant des vidéos similaires, et s’indigne que ces vidéos rapportent de l’argent grâce aux publicités adossées.

Des marques boycottent à nouveau YouTube, comme Epic Games (derrière le jeu à succès Fortnite), Nestlé, Disney ou AT&T. YouTube dit avoir « immédiatement supprimé des chaînes et des comptes, signalé toute activité illégale aux autorités et désactivé les commentaires sur des dizaines de millions de vidéos incluant des mineurs ».

2019 : harcèlement ciblé

Après avoir initialement refusé de supprimer les vidéos d’un commentateur d’extrême droite, Steven Crowder, qui se moquait régulièrement de l’orientation sexuelle de Carlos Maza, un journaliste gay, YouTube finit par le priver d’accès aux revenus publicitaires. Une mesure totalement inefficace, selon Carlos Maza. Six mois plus tard, en décembre, la plateforme durcit ses règles contre le harcèlement, des insultes personnelles aux menaces implicites.

Les dérapages successifs ne semblent cependant pas avoir affecté les revenus de Google, qui proviennent essentiellement des publicités personnalisées à grande échelle grâce aux innombrables données collectées automatiquement sur les usagers de ses plateformes. D’après eMarketer, le géant d’internet devrait capter 37,2% du marché publicitaire américain en 2019, soit une récolte de plus de 48 milliards de dollars.

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