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Zoom sur la Chine: 3 tendances à surveiller de près en 2017

Par Marie Dollé, Responsable des contenus chez Kantar Media

L’écosystème digital chinois est unique. Complexe et fertile, il demeure une source inépuisable d’inspiration pour les mastodontes sociaux occidentaux, mais aussi pour les marques, férues d’innovation et de nouveaux usages. Voici sur un plateau les 3 tendances made in China qui pourraient bien venir inspirer le reste du monde.

1- Pan-entertainment: le divertissement avant tout

Le «Pan-entertainment» peut se définir par le penchant du consommateur à préférer un contenu amusant et divertissant à d’autres formats plus traditionnels. Des communiqués de presse aux sujets d’actualité, sur la forme, la tendance est désormais au spoofing, terme anglais qui désigne la parodie, au kawaii, la culture du «mignon», ou encore au kichiku. Ce genre, plébiscité sur le site de partage vidéo Bilibili, consiste à «remasteriser» une séquence audio/vidéo en la rééditant avec des voix collectées à partir de différentes sources. Fun, donc.

Mais ne vous méprenez pas: loin d’être stériles, ces formes divertissantes contiennent généralement du placement de produit. La marque est mise en avant, à travers un personnage ou une histoire, ou grâce au produit lui-même, posé bien en évidence. C’est le cas notamment pour les jeux vidéo, les films ou les jouets. Ainsi, les annonceurs proposent aux consommateurs une nouvelle façon d’absorber du contenu. Un exemple? La série TV Ode to Joy met en scène des personnages proches des marques qui les entourent. Andy, le héros, utilise les produits Evian et Porsche, alors qu’un autre protagoniste moins fortuné porte des vêtements Tadashi Shoji et achète sur le site Vip.com. Des stratégies qui visent à augmenter l’exposition des marques, et à permettre aux internautes de mieux comprendre leur positionnement à travers ces contenus. Malin.

Autre exemple plus récent de cette tendance: la discussion qui a animé les réseaux à la suite de la diffusion du communiqué de presse de l’agence Xinhua. 38 caractères Chinois sur le Prince Saoudien ont suffi à déclencher une frénésie de réactions en ligne. L’attention n’était pas tant focalisée sur le contenu du message, mais plutôt sur le ton humoristique du communiqué, engageant ainsi plus facilement les internautes.

En Occident, il existe des variantes similaires: il y a quelques années, des applications comme Dubmash (vidéos en playback souvent très drôles) ou Bitstrips, un genre de BD 2.0 dont vous êtes le héros ont connu leurs heures de gloire, à l’image des émoticones et filtres en vogue sur Snapchat. Mais force est de constater que, pour l’heure, leur usage reste l’apanage des jeunes ou des early adopteurs. Et puis, il y a peut-être aussi, pour le coup, une composante culture bien propre à la Chine.

Affaire à suivre…

2- Achat réflexe & satisfaction instantanée

Aux balbutiements du Web et du marketing digital, les marques utilisaient des stratégies «push» (publicités, emailings etc.) afin de générer de la visibilité et, in fine, pousser à l’achat. Aujourd’hui, la logique évolue. En effet, les consommateurs chinois se concentrent maintenant moins sur le prix, et plus sur les produits personnalisés et sur l’expérience d’achat globale. Par conséquent, la rapidité et l’agilité sont devenues stratégiques. La plupart des plateformes sociales améliorent leurs stratégies de vente en offrant aux utilisateurs des solutions de paiement plus pratiques et des fonctions de vente plus instantanées. Les exemples incluent la mise en place des liens e-commerce sur des sites tels que Weibo ou des plateformes vidéo, le développement de cadeaux virtuels et de récompenses sur les plateformes de live streaming en direct, ou des contenus payants sur des sites de Q&A.

Ainsi, la capacité d’offrir des options de vente rapide est en passe de devenir un KPI majeur pour l’ensemble des plateformes sociales.

La même logique semble gagner l’Occident, même si la culture du s-commerce (contraction de social et e-commerce) est beaucoup moins ancrée chez nous. L’heure est toutefois au renforcement des solutions de paiement instantané chez les leaders sociaux: Instagram comme Pinterest sont en train de développer des tags d’achats ou des «buyable pins». Facebook, entre le lancement de sa place de marché et l’essor de nouvelles fonctionnalités, travaillerait également, selon Bloomberg, à son propre assistant digital – façon Google Home / Amazon Echo – intégré à un appareil doté d’un écran et d’une caméra. De quoi assurément fluidifier le parcours, en surfant sur les progrès de l’intelligence artificielle et du développement du réseau applicatif.

3– L’influence des Key Opinion Leaders (KOL) & l’essor des dispositifs sur-mesure  

Où que l’on soit dans le monde, l’influence marketing, entendue comme l’ensemble des pratiques qui visent à utiliser le potentiel de recommandation des influenceurs, est décidément un «hot topic» en 2017. Pourtant, là encore, la Chine garde une longueur d’avance.

Cela fait en effet plusieurs années que les Chinois s’intéressent aux leaders d’opinion, baptisés les KOLs, et notamment aux Wanghong, ces célébrités du web qui prennent davantage de place et d’importance dans le paysage digital chinois. De plus en plus souvent, ces KOLs se professionnalisent et font appel à des agences ou des pros de la communication et, au fur et à mesure qu’ils augmentent leur influence et améliorent la qualité du contenu qu’ils publient, ils commencent à coopérer avec les marques. De fait, ils constituent aujourd’hui une équipe de soutien professionnel croissante, par opposition à la simple promotion de soi comme cela était le cas avant.

Concrètement, pour réussir, les KOLs (aux caractéristiques distinctes) doivent produire un certain type de contenu pour attirer des fans fidèles. Peu à peu, ils passent d’une plateforme sociale unique à un vaste écosystème multi-plateformes avec des contenus adaptés à chaque canal afin de créer une coopération plus forte avec des marques.

Au-delà des tactiques classiques d’influence marketing que l’on peut voir en Occident (bannières, événementiel, social takeovers, jeux-concours, affiliation, placement de produits et autres contenus sponsorisés) la particularité du modèle chinois réside dans le niveau de personnalisation très poussé des dispositifs marques / influenceurs, notamment lors des collaborations / co-créations.

Exemple? En février dernier, l’influenceur chinois Tao Liang, à la tête d’une communauté de plus de 1,3 million de fans, qui opère sur Wechat sous le nom de «Mr.Bags», a collaboré et co-créé avec la marque Givenchy une série limitée et exclusive de 80 sacs au prix de 14 900 RMB (environ 2000 euros chaque pièce) avec pour seul canal d’achat Wechat. Un gros «coup» combinant à la fois la personnalisation extrême et le paiement instantané évoqué un peu plus haut.

L’ensemble des 80 pièces, pour un montant global d’environ 160 000 euros, s’est écoulé en… 12 minutes. La clé du succès? La personnalisation et la minutie avec lesquelles a été pensé le dispositif. Tout d’abord le côté «édition limitée», qui pousse à l’achat réflexe (petite quantité = rare, donc désirable). Ensuite, le timing. Cette vente a eu lieu précisément pendant la Saint-Valentin. Un argument exploité à bon escient, grâce à une phrase d’accroche: «Pour cette Saint-Valentin, voici le sac parfait à offrir à votre moitié!». Autre ingrédient utilisé par l’influenceur: la validation sociale. Mr. Bags n’a pas manqué de rappeler, finement, toutes les célébrités possédant un sac Givenchy, comme Michelle Obama, ou la mannequin et chanteuse chinoise Angelababy. Autrement dit, rien n’a été laissé au hasard, pas même le nombre de sacs, 80, qui fait référence au chiffre 8, porte-bonheur en Chine. C’est ça, le sur-mesure.

Ce qu’il faut retenir? Que si ce «baromètre» chinois tient une fois de plus ses promesses, il est évident qu’ici ou ailleurs, l’influence marketing s’annonce de plus en plus stratégique dans un futur imminent. L’avenir appartient aux marques qui sauront collaborer avec les influenceurs, en exploitant leur personnalité, et en proposant une expérience sur-mesure. Le tout sans négliger, bien sûr, les mécanismes liés à la viralité (émotions, utilité, devise sociale…) mais aussi d’autres éléments liés au contexte ou à la culture. La Chine semble avoir tout compris. A qui le tour?

La contributrice:

Marie Dollé est responsable de la stratégie de contenu digital chez Kantar Media, institut d’études en France et à l’international. Elle intervient également en stratégie digitale à l’Ecole Supérieure de Publicité.

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